Les jours de la semaine

 

Les noms des jours de la semaine sont dérivés du latin, nous dit-on. C’est vrai et c’est faux. Je vous propose de vous pencher avec moi sur ces noms usuels, tellement banalisés qu’on n’y prête plus vraiment attention. Et pourtant, ils ont bien des choses à nous dire.

L’étymologie n’est pas la seule façon d’expliquer l’origine des mots. Cette pseudo-science contient trop d’approximation, elle témoigne de trop de partis-pris pour être vraiment utile au chercheur. Elle privilégie toujours la source gréco-latine, ce qui a le don de m’exaspérer. Notre civilisation n’est pas née en Grèce, notre origine n’est pas latine, mais gallo-romaine. Or les étymologies ignorent superbement la langue gauloise, honte à elles. Toutes ces insuffisances disqualifient une discipline très indisciplinée. 

C’est pourquoi j’ai proposé le recours à la langue des Oisons, qui, elle, est toujours instructive. Elle repose, non sur l’écrit, mais sur le son. C’est un petit jeu qui fait fureur sur les sites sociaux, qui consiste à décomposer les mots en ne tenant compte que du son, et pas de l’orthographe. L’exemple a été donné par Paul Claudel qui a dit : toute connaissance est co-naissance.  C’est joli, c’est instructif et ça donne à penser, même si l’étymologie est fausse. Je vais donc me servir de la langue des Oisons chaque fois que l’étymologie s’avérera insuffisante ou trop lointaine. 

Certains jours de la semaine s’expliquent très bien par l’étymologie latine généralement admise. Lundi, jour de la Lune. Mardi, jour de Mars. Mercredi, jour de Mercure. Jusqu’ici, ça va. Jeudi, jour de Jupiter. Tiens, ça déconne… Voyons voir. Dans la langue de Cicéron, Jupiter se décline en Jovis, avec le V qui se dit U en latin, jovis donne jouis. Jeudi, le jour où l’on jouit ? Allons bon ! On quitte l’étymologie pour la langue des Oisons : jeudi, jour du jeu. Le jour où l’on s’amuse, où l’on prend du plaisir ! C’était vrai quand j’étais enfant, car le jeudi, il n’y avait pas école. Maintenant c’est le mercredi qui a remplacé le jeudi. N’empêche qu’il faut se fier au mot : jeudi, jour du jeu. Jour de jouir. Finalement ça vaut mieux que le jour de Jupiter. Pourquoi donc ? Parce que Jupiter c’est Zeus en grec. Et Zeus, rappelons-le, a donné Dieu en français. Et le jour de Dieu, comme chacun sait, n’est pas le jeudi, mais le dimanche. Quoique… Vous verrez plus loin !
 
Vendredi, jour de Vénus. La ressemblance est bien lointaine : la lettre D empêche de rattacher Vénus à Vendredi. Italien : Venerdi. Espagnol : Viernes. Dans les autres langues latines ça passe, mais dans notre langue c’est plus douteux. Vendredi, en langue des Oisons, c’est le jour où il faut vendre.
 

Samedi

 Samedi se dit Saturday en anglais, jour de Saturne donc. En italien Sabato, en espagnol Sabado. On reconnaît le jour du Sabbat. Mais en français ? On m’a suggéré de rapprocher samedi de Samain, la fête celtique du début novembre. Pourquoi pas ? Mais aussi bien, pourquoi ? Samain n’intervient qu’une fois par an, tandis que le samedi revient toutes les semaines. Le samedi est le sixième jour des semaines légales et le septième et dernier jour selon la religion chrétienne, dit Wikipédia. La même religion chrétienne a pour livre sacré la Bible qui dit, dans l’Exode et dans le Deutéronome : 

Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié.
 
On se demande pourquoi la religion chrétienne a choisi de se reposer le premier jour ? Le jour du repos devrait être le samedi, dont une étymologie prétend qu’il vient de Shabbat ou Chabbat, le jour de repos des Juifs – qui est aussi celui de l’adoration de Satan pour les sorcières médiévales, le Sabbat. Toutefois le Sabbat des sorcières n’était pas forcément un samedi, mais le soir de la pleine lune.
 
Le dernier jour de la semaine, selon moi, serait à rapprocher plutôt de Sabbat, non pas celui des sorcières, mais le Shabbat des Juifs : « Et le septième jour, Dieu se reposa » dit la Genèse. Seulement, si ça colle bien en espagnol comme en italien, en français, c’est très approximatif. Je suggère donc de creuser l’hypothèse : dernier jour de la semaine. Chaque fois qu’on y arrive, au lieu de nommer le jour, on disait tout simplement « Semaine » ! pour marquer son achèvement. D’où le Samedi, qui se décompose en semaine + jour. 
 

Dimanche

Le mot dimanche est dérivé du vieux français diemenche. La source officielle, plus que douteuse, fait venir ce mot du latin dies domini, ce qui au mieux aurait donné didome, ou didomin. Il est vrai que les autres langues latino-européennes font la part belle à l’étymologie latine : l’espagnol domingo et l’italien domenico proviennent sans ambiguïté du mot latin dominus, seigneur, autre nom pour Dieu. L’expression française « jour du Seigneur » pour désigner le dimanche renforce encore l’illusion. Pourtant, et avec la plus grande véhémence, je m’inscris en faux sur cette étymologie.  Je crois ce que je vois, je valide ce que j’entends. Le mot dimanche contient bien di, abréviation de dies, le jour en latin.   Mais la suite, manche, on la chercherait vainement dans le latin, elle n’y est pas. On perdrait son temps à explorer les autres langues anciennes attitrées, le grec, le copte, le sumérien ou le sanskrit. 
 
Bon sang, messieurs les étymologistes distingués, il n’y a pas que ces marronniers dans les langues sources du français ! Quand les Romains nous ont apporté leur langue, nous en avions déjà une, me semble-t-il. Et nous l’avons gardée, en y adjoignant des mots, des tournures empruntées à la langue du conquérant.  La preuve, à l’issue de la conquête romaine, nous ne sommes pas devenus des Romains, mais des Gallo-romains. Un Gallo d’essai qui fait toute la différence. Faudrait voir à s’en souvenir. Il y a donc toutes les chances que le français moderne contienne encore de nombreux mots issus du Gaulois. Oui mais voilà, le Gaulois ne s’écrivait pas. Le vieux breton non plus. Donc nous n’en avons pas trace et les linguistes font l’impasse dessus.  Mais par chance, nous possédons avec le breton diwan un miroir assez fidèle de ce qu’a dû être la langue gauloise – langue celtique comme le breton.
 
 
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Et le breton diwan nous propose une étymologie bien plus satisfaisante à mon gré, Dimanche = Di Manac’h. En breton, Manac’h veut dire le moine. On le retrouve dans Ploumanac’h, la paroisse du moine. Ainsi donc, dimanche serait le jour du moine. Ce mot breton Manac’h est très présent dans notre langue. J’ai déjà eu l’occasion de le montrer dans l’article que j’ai consacré au breton diwan.
 
Cette étymologie originale associe Di, mot latin, donc de Rome, avec un mot breton, donc de Gaule : ainsi nous retrouvons nos racines gallo-romaines.
 
Pour qu’une chose mérite d’être dite, il faut qu’elle soit bonne, utile et vraie. Les trois, et dans cet ordre.
Marie Bénazet