Vivre sa mort

 

-Vivre sa mort ? Est-ce une blague encore ? Le plaisir d’un bon mot en or ? Une autre facétie de l’insolent Xavier ? Le piment d’Espelette et le plat cuisiné ? Un calme plat, dans ce cas-là…de Milan

-Tu n’y es pas Baba. La question n’est pas là. Je te parle de toi qui confondrais le Soi et un carré de soie. Hermès et Aphrodite. La beauté d’Hippolyte attirante et maudite. Je parle sur ton toit. Croire ou pas, c’est ton choix. Je n’écris que pour toi qui ne m’écoutes pas. Qui craques. Qui te bats. Qui ergotes à plus soif en descendant bien bas. Qui croit si bien savoir qu’à la fin il se noie.

 

Toi et moi

-Taratata ! reprend Baba qui n’a pas l’air d’accord. Vivre sa mort !! Titre idiot qui sent la provoque à plein pif. Et pourquoi pas mourir sa vie, tant qu’on y est ?

-Ah ça oui,s’titi. je dis. Baba gaga, bravo. Tu me prends au mot quand je mens aux pros. D’accord, je n’ai pas tort. Mais bon, tu as raison. On peut vivre sa mort hors du corps c’est un fait. Et c’est même un haut fait qui fait beaucoup d’effet à l’être qui l’éprouve. Une porte qui s’ouvre, un âme se découvre. La plupart des gens se croient intelligents. Bancal ou dégourdi, on fait ce qu’on nous dit. L’été à Ibiza, l’hiver aux Émirats. Voyages, loisirs, dîner, sortir, visiter, lire, s’habiller, séduire, démarque ou griffé, tout est tarifé. On croit vivre, on consomme. Oh les cons que nous sommes !

Ceux qui meurent leur vie sont légions. Ils s’égarent. Ils tâtonnent. Savent-ils ce qu’il font ? Mais non. Ils s’en vont n’importe où, l’air est dur, eux sont doux, trop loin de ce qu’ils sont, leur télé, leur maison, ignorants sans raison, déraison, rien de bon, ils n’ont plus de saison, prisonniers de leurs liens, ces liens qu’ils ont tissés, ceux qui les ont pompés, ces gens qu’ils ont sucés, l’énergie qu’ils ont prise aujourd’hui s’amenuise. Se prendront-ils en mains ? Vivront-ils à la fin ?

Resteront-ils cloîtrés à côté de leur vie ? Sans élan, sans envie. Le désir fait défaut. L’étincelle est éteinte. Rien ne brille en ces yeux vides. Ces traits que rien ne dérident me font un furieux mal au bide. Ne rien vouloir ou être avide sont les deux faces d’une même médaille. Couteau sans manche. Le sage reste sur la tranche. Telle est la Voie du milieu.

 

Ainsi font

Sinistres ils sont venus, ministres ils deviendront. Pas toi. Tu sais déjà qu’il faut viser plus haut. N’importe quel arriviste peut devenir ministre. Tout dépend de la profondeur de sa bassesse et de la qualité de ses compromissions. A-t-il assez piétiné ? Assez amassé ? A-t-il assez cassé ?  Assez froissé ?  Assez renié son passé ? Est-il assez bas ? Assez fat ?

Tu sais quoi ? J’en suis coi. Ça me laisse sans voix. Comment oublier les exploits de nos grands serviteurs de l’État ? Peut-on ainsi rabaisser ceux qui nous ont si bien servis, qui ont donné sans compter leur être tout entier pour bâtir ce pays aimé, où tout est si beau, si pur, si dur, si mûr, si sûr, si parfait ? Peureux curieux en transe heureux comme Dieu en France. C’est si bon d’être si con. C’est si long. Ainsi font les siphons. Un si vil en civil. Amphigourique et seul comme un coureur de fond.

Ce qu’ils sont ? Ne me demande rien, je ne mentirai point. Beau repentir qui vient du coin. On peut sentir qui vient du foin. A beau mentir qui vient de loin. Des cons sont-ils. Des fions. Des troncs sans tête, sexe figé bien érigé, la libido bien dirigée — névropathes, psychopathes, tous des bitapathes en costume croisé. Pas celui du Croisé, celui du déphasé. Ces cons-là m’ont gavé. Ils m’en ont fait baver tout nu sur le pavé tandis qu’ils vont laver de l’argent détourné à la barbe des gens sous le nez des agents. Mépris des indigents. Nos gentils dirigeants sont Gros Jean comme avant.Je sais bien, mais l’euphonie m’oblige. Le fabuliste roi me le pardonnera.

 

 

Sans merci

Mon ami le yogi m’a dit : Vivre sans baise ? Autant mourir bientôt ! Plutôt se coucher tôt que de caner tantôt. J’ai besoin du coït. Culbuter. Bête en rut. Vierge ou pute. Le roi boit qui fait feu de tout bois. Baiser ? Qu’y a-t-il d’autre ? Le bon apôtre se rit des patenôtres. Je dis : peut-on bâtir sa vie sur le vit ? Porter la chair en chaire et n’aimer que la lie ? À la lie l’hallali. Hallal à la folie.

Vain est le vin, fol est l’alcool, triste est l’ivrogne empêché d’y toucher. Le yogi s’en est entiché. Le picrate à licher. Le pirate affiché se bat pour son clocher. La mouche et le cocher. La moule et le rocher. Comment la décrocher ?

Et la mort dans tout ça ? Elle est là. Je la sens sur mes pas. Elle est penchée sur moi. Je l’entends, je la vois. Pour l’oublier faut-il cultiver le futile ? Ou bien se rendre utile en pansant les mutilations que les guerriers se font comme un malheur sans fond sous le soleil qui fond. Assoiffé de beauté, tu n’as jamais fauté. Tes péchés sont ôtés. Tu n’as jamais douté quoi qu’il t’en ait coûté. Tout nu tu es venu, ému tu reviendras quand ta mort te tiendra victorieux du combat tu la regarderas. Son regard te dira : bientôt tu t’en iras. Foutu sot ! Tu riras et ta vie s’en ira sans comment sans pourquoi sans pitié ni merci — il n’y a pas de quoi.

N’empêche. Hallelujah. Puisque nous finirons tous morts autant mourir d’accord. Abandonner son corps pour un nouvel essor ou finir tout court — ça changera quoi ? Qui n’existe pas ne souffre pas. Aucune conscience de soi en l’absence de soi. Le repos éternel ? C’est ça.

 

Assistance

L’initiation, en attendant ! Pas un jour ne se passe sans qu’on me la réclame. Je ne finirai pas dans la peau d’un indice, d’un dix, d’un tri, distributeur automatique. L’éveil à la chaîne. Impossible boutique. Hallu, berlue de l’hurluberlu. Initiation inaction insatisfaction. Sans intention rien de tout ça. Souci couça. Tutti cosa. Petit posa. Gentil causa. Minnie osa le mimosa. Brouillard des mots s’éclaire au-delà, lumière derrière, viens la cueillir, viens là.

Ne comprends-tu pas que l’éveil vient de toi ? La seule initiation qui compte est celle qui se conquiert de haute lutte, dans les rudes cahots de la vie. C’est le travail que tu as fait sur toi qui te permet, le temps venu, de jouir de ce que tu es devenu. Sois toujours toi. Le temps te guérira. Et nu tu partiras.

Ceux qui me demande assistance, je ne m’empresse pas de leur porter secours. La résolution la plus ferme est nécessaire, elle ne s’obtient que de haute lutte.  Je ne vais pas leur mâcher le travail. C’est à eux de ramer vers l’île au trésor au centre de leur corps. Dans la vallée profonde entre rire et oubli. Tu me dis : -Je suis mort. Comment vivre d’abord ? Ma vie s’enfuit sans moi. Quelqu’un d’autre chez moi dans mon corps à l’étroit on cohabite à trois ou quatre quelquefois c’est épuisant tant de tyrans chez moi qui ne me loupent pas — là j’ai besoin de toi.

 

Insistance

Il se peut que je tende une autre embûche, que je traque encore un brin, j’ai besoin de sentir la détermination, la solide résolution qui vient du plus profond de l’être. Il me faut des certitudes, je n’ai pas le droit de me tromper sur le sérieux du demandeur, il n’a pas le droit d’abandonner dès la première rebuffade. S’il le fait, il est fait. C’est qu’il n’était pas prêt. Essaiera-t-il une autre fois ? Demain le dira. C’est sa loi, c’est son choix, tout candidat reste maître de soi, tout éveillé fera sa loi chez soi. Le candidat qui insiste et qui mord, le candidat qui ne craint pas la mort, celui qui n’adore pas l’or tout en sachant trouver de quoi vivre et rêver, le candidat qui montre son envie et veut changer sa vie, à lui je dirai oui.

Ce record me suffit, je n’ai plus de remord. C’est d’accord. Je peux œuvrer pour t’aider à décaler ton point d’assemblage. L’énergie que je vais te prêter suffira pour tout restaurer. Ta kundalini s’impatiente. Tout ton être est en attente. Entre dans la ronde. Tu pourras y trouver profit. Viens faire trois pas dans l’autre monde. Mais sur le seuil le Gardien veille.

T’en sens-tu le courage ? Pourras-tu affronter tes démons ? Ils vont t’assaillir, te tenter, te sauter à la gorge et moi je ne pourrai que te prêter l’énergie nécessaire au combat. Tu te battras seul, je ne serais là qu’en sécurité pour éviter les excès du néophyte trop sûr de lui. L’épreuve est dangereuse. Anodine pour tout autre, elle est pour toi létale. Si jamais tu cales, si tu te sens pâle, résiste et bats-toi. Celui qui détale, sa peur le tuera. Alors reste là.

Ajuster ta vision du monde. Vaincre ta peur profonde. Rencontrer ton double. Nager en eaux troubles. Si c’est la mer à boire, alors bois. Ne plus marcher droit. Détrôner le petit roi en toi. Raison garder quand la folie te noie. Tu pourras gérer ça ? Seras-tu celui-là ?

Si tu réponds oui sans hésitation à toutes les questions, te voilà prêt pour une initiation.

 

 

Pourquoi faire ?

Vivre sa mort, je veux bien. Ça ou autre chose. Mais d’abord pourquoi faire ? Mystère. Et puis ça rime à quoi ? Comment savoir si on peut puisqu’on n’en revient pas. Vraiment, vraiment, ça me file le tournis. J’ai besoin d’en savoir plus.

Oui. Garder la conscience quand l’esprit sort du corps. Accompagner sa marche inéluctable vers le bec de l’Aigle. S’engouffrer dans le giga trou noir qui palpite au cœur de notre galaxie. Et après… Qu’est-ce qu’on en sait ? Personne n’a l’autorité pour en parler. Werber a pondu un bouquin rigolo, Les Thanatonautes. Des explorateurs de la mort. Je ne vous le raconte pas, I’m no spoiler. Lisez le bouquin. Il est naïf, acrobatique, il mélange allégrement tous les plans de réalité. Pourtant le kabbaliste était en dérangement une fois encore, dommage. Depuis Les fourmis, le sage a pris la pose. L’initié se repose. Mais parlons d’autre chose.

Je ne peux que narrer ce dont je fus témoin. Rien de plus, rien de moins. J’ai le souvenir impensable de plusieurs séjours dans l’entre-deux-vies. Ce lieu de l’astral où vont les âmes immobiles en attente d’une nouvelle incarnation. Le sentiment que j’en ai gardé ? La mort n’existe pas. La vie non plus. Des étiquettes illisibles sur des bocaux vides, ces grands mots se réduisent à d’encombrantes valises au contenu incertain.

On peut cultiver sa vie durant la certitude un jour de joindre le néant. On peut tout aussi bien vivre avec la foi contraire, un esprit qui ne s’éteint jamais, quelles que soient les dédales de la matière. Ce fut la trame d’une hérésie célèbre. Laissez-moi rigoler doucement. Est hérétique tout celui qui ne croit pas ce que je crois. Le dernier homme en vie sur cette terre de misère sera un de ces fanatiques ivres d’intolérance, les mains rouges du sang de la dernière femme qui ne croyait qu’en l’amour, cette conne.

Ils ont tout perdu tous les deux. Et du coup, nous aussi. L’humanité a vécu.poil au cul

 

Du gruyère dans la tuyère

Prendre sa mort pour conseillère est un fameux moyen de quitter ses œillères. Sortir de son gruyère. Allumer les tuyères. Briser nos cœurs de pierre. Débiter les prières comme un croyant sincère qui invoque le Père en souvenir d’hier. Et pourtant soyons clairs, le Chef était la Mère.

La Matrone était femme. La Terre avait une âme. La Force était aux Dames. Le mâle était infâme. Jusqu’aux siècles de Ram.

 

Spécial dédicace

Finalement, finalement, il nous fallut bien du talent pour être vieux sans être adultes… (Jacques Brel, La chanson des vieux amants)

 

 

Croire à l’histoire officielle, c’est croire des criminels sur parole.
Simone Weil