Enquête criminelle, suspect sous les verrous, procès en assises. Que de souffrances, que d’injustices dans cette justice avant de décider si le suspect est coupable ou non ! Le clairvoyant sait tout de suite à quoi s’en tenir. Le meurtre laisse dans la luminosité du criminel une trace que rien n’efface. Jamais. Quoi qu’on fasse.
La mort qui tache
Un homme que la mort a sali. Voilà ce que verront le cœur, le ventre et l’esprit du clairvoyant. Il n’aura pas besoin des preuves ni des présomptions, des témoignages contradictoires, des auditions, confrontations, délibérations et de toutes les inepties de la justice des hommes. Et des femmes, bordel ! Il me semble qu’elles ont aussi leur mot à dire, ces grandes oubliées de toutes les pensées des hommes. Et des pensées des femmes aussi, vains dieux ! Si on trouvait davantage de féministes dans leurs rangs, je suis certain que le sexisme aurait vécu.
Et avec lui la dictature insultante du cochon mâle chauviniste, comme disaient mes copines dans les années 70. Ah les seventies ! Qu’elles vivent toujours !et mes copines avec. Toujours. Elles nous ont donné de si beaux jours ! Des journées qui duraient un an, juste le contraire de cette chanson de l’époque (écouter). Un an d’amour dans une rencontre d’un soir.
J’ai toujours su dilater le temps. Étirer à l’infini les bons moments qui passeraient trop vite. Prolonger les amours enfantines. Septuagénaire j’ai toujours mes 8 ans. Je fais durer les joies, qu’elles enterrent les chagrins. Ça marche. Alors je continue. Je revisite mon premier amour qui dure toujours, quelque part, je ne sais où, mais je sais qu’il ne s’éteindra jamais. Même s’il est fini depuis longtemps dans un coin de ma mémoire accordéon.
Le passé m’invite. Je lui rends visite. D’autres, j’en connais plein, préfèrent l’espace. Je jouis du temps comme un locataire entre en jouissance de son appartement. Le temps et moi, nous sommes quittes. Il ne m’appartient pas. Je ne lui appartiens pas non plus. Le temps est mon jardin.
Le temps est une illusion obstinément persistante.
Tokyo est mon jardin
spécial amical ombilical
Un bel album, le meilleur de mon vieux pote Frédéric Boilet, le meilleur des mangakas français, l’ami du regretté Jiro Taniguchi – Frédéric lui a donné un coup de main pour la publication de son premier bouquin chez Casterman. Fred Boilet est à présent exilé dans son pays natal, les Vosges. À moins que ce ne soit l’Espagne. Il court, il court, le Boilet. Il est passé par ici, j’aimerais qu’il repasse par là. Ce bouquin, ce chef d’œuvre est bien digne d’intérêt. Il se doit de figurer dans la bibliothèque de l’honnête homme. Sur la table de chevet de la femme de goût.
Femme de goût, il y en a beaucoup. Pas comme cette starlette qui saute sur Sacha Guitry quand il sort de chez lui.
-Maître, oh maître, prenez-moi dans votre prochain film. J’ai beaucoup de goût, vous savez.
-Mademoiselle, ce qui importe en matière de goût, ce n’est pas d’en avoir beaucoup, mais de l’avoir bon.
Tokyo est son jardin. Il le connaît comme sa poche. Il s’appelle Boilet. Frédéric, tu me manques.
Le temps élastique
Les physiciens et les philosophes distinguent deux sortes de temps qui n’ont rien à voir. Le temps objectif qui se mesure avec des instruments mécaniques, électroniques, mathématiques. Le temps subjectif qui varie d’un sujet à l’autre, d’un instant à l’autre, d’une occupation à l’autre. Le fait que puissent coexister deux temps si différents est une bonne preuve de son inexistence. Et du même coup, une preuve étincelante du primat du sujet. ‘Je‘ est le centre du monde. Tentez d’éprouver le contraire. Qui a tenté ? ‘Je‘…
Les fournis, les abeilles, les termites ont-ils un ‘je‘ ? Vivent-ils dans le temps subjectif ? Sont-ils autre chose que les rouages d’une machine, oh combien superbe, bien huilée, parfaite si l’on veut. La ruche, la termitière, la fourmilière ont été décrites comme des modèles de société. Chacun ses sales goûts. Je n’y vivrais pas pour un empire, surtout si cet empire devait leur ressembler.
Le temps, le temps, le temps et rien d’autre
Le tien, le mien, celui qu’on dit nôtre.
(Charles Aznavour) (paroles)
Chemises et chemins
Pour moi le temps est élastique. Il l’a toujours été. Comme la morale, l’humeur, les certitudes, le baromètre, le temps varie. Il change d’avis comme de chemise. Tu ne connais pas les chemises du temps ? Pourquoi n’en aurait-il pas ? Les dossiers en ont bien, les balles aussi. Full metal jacket, excellent film, qui veut dire balle chemisée métal.
Ma plus belle chemise
A plus de dix-huit ans
La pluie fait la lessive
Je la sèche au beau temps
Je vais mon train
et sans me faire de peine de rien
Je vais mon train. (source)https://www.partitions-domaine-public.fr/pdf/15264/Traditionnel-Je-vais-mon-train.html.
Ceux qu’on appelle les pieds-poudreux, vagabonds peu recommandables, traîne savates de tous acabits, rôdeurs et pèlerins, ce sont eux ma famille. Longtemps j’étais l’un d’eux. J’ai posé mon sac à terre. Je les regarde passer au seuil de ma mémoire. Ils sont mon peuple errant, ma liberté, ma gloire. La pluie du matin n’arrête pas le pèlerin. Au contraire, il la bénit qui va laver sa chemise.
Pèlerin
Pèlerin dans ma pèlerine
Mage qui l’étoile imagine (source)c’est de moi quand j’étais petit. Je le suis encore.
Nous avons tout à foison. Chapeau, pipeau, maison. Motif, chanson, raison. Auto, vélo, stylo, tant de murs, si peu d’oraison. Je n’ai rien qui soit mien. Si je m’attache à quelque objet, je le donne. C’est ainsi qu’il m’appartient. En en laissant la charge à d’autres, le pèlerin renie l’apôtre. Trinquons. À la vôtre !
Je m’en allais les poings dans mes poches crevées
Mon paletot aussi devenait idéal
J’allais sous ciel muse et j’étais ton féal
Oh là là que d’amours sublimes j’ai rêvé (Arthur Rimbaud)
Chansons
J’ai tant de chansons dans la tête, je ne sais plus laquelle chanter (Isabelle Aubret) (source)
Je chante, je chante soirs et matin, je chante sur mon chemin. (Charles Trenet)
Il me suffit d’une chanson pour faire le tour du monde. Si j’en ai mille, je visite autant de mondes. Si la terre est ronde, c’est pour nous entraîner dans sa ronde.
Un grand soleil étend sur l’onde
Sa beauté blonde
La brume opale effarouchée
Va se coucher
Il est des sentiers parfumés
À la merise
Loin du vacarme et des fumées
Des cités grises
Auras-tu le temps d’achever
Ta cathédrale
Trouveras-tu à son chevet
Ton dernier Graal
Ils sont venus, ils sont partis
Laissant leur trace
Il faut en prendre ton parti
Le temps l’efface
Grand temps
Oui, mais la vie, la vôtre, la mienne, a plus d’un tour dans son sac. Sans qu’on s’y attende, la voilà debout qui vous pousse au cul. On croyait dormir, on était perdu, la voilà qui tire à dia comme à hue. Que le ciel m’entende Si la vie me tue Je veux qu’on m’étende au bois ‘Loup-y-es-tu’ ? Ma vie fut parfaite mais l’espoir ténu Elle est ainsi faite qu’on s’en va tout nu.
Oui, plus d’un tour dans son sac. Le sac à chiffons que sur son dos portait Ficelle. On a toujours besoin d’un ballot sur l’épaule pendu à la cuillère à pot. Aller cul nu, ça n’est pas drôle : les chats errants font griffes dessus.
qui sait le jour qui sait l’endroit
où s’en va-t-on quand on s’en va
pour le meilleur ou pour le pire
bien malin qui pourra le dire
il est grand temps que je vous dise
si quelqu’un cherche à vous fourguer
sa religion c’est des sottises
mieux vaut en rire au gué au gué
maintenant je devrais me taire
il parait que j’en ai trop dit
quand le silence est salutaire
pourquoi transgresser l’interdit