La Mère l’Oie

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Le personnage de l’oie avait jadis une symbolique spéciale : initiée, initiatrice, protectrice, maternelle, elle incarnait le triomphe de la lumière sur la ténèbre de l’ignorance profane.

Tous les contes, on l’a vu, contiennent leur part de trésors cachés. C’est par le conte que les petits enfants recevaient la substantificque moëlleLa formule est de François Rabelais de la sagesse traditionnelle. Ainsi les fameux Contes de la Mère l’Oye sont un enseignement initiatique à l’attention des enfants. Certes ils ont été dénaturés par la plume de Charles Perrault ou d’Andersen : malgré leur talent littéraire, ces auteurs ont profané la tradition orale, et c’est regrettable. Certains récits sont conçus pour être entendus, et non lus.

C’est ainsi qu’ils donnent toute leur sève.

Toutefois, l’oreille féeou tierce oreille peut encore accèder à la réalité vivante, orale et magique, des contes de Ma Mère l’Oye tels qu’on les entendait jadis à la veillée. Et l’on en est émerveillé. Pour l’enfançon assoiffé de féérie, ces contes sont une bouffée d’air frais. Mais à son insu, ils sont la mère-loi ou l‘amère loi que l’enfant devra suivre toute sa vie. Mis sous forme imagée, ces récits fonctionnent sur plusieurs niveaux, dont certains au-delà de la pensée logique, tout comme les histoires soufies.  

 

Qui était donc cette Mère l’Oye ? Nos amis britanniques prétendent que l’antériorité revient à leur version, Mother Goose. Et les Etasuniens, avides de surenchère, affirment que Mother Goose était de chez eux.

« Malgré les preuves du contraire, le bruit court, familier aux touristes de Boston, Massachusetts, que la Mère l’Oie authentique était Bostonienne épouse d’Isaac Goose, et nommée Elizabeth Foster Goose (1665-1758). Selon Eleanor Early, un écrivain des années 1930 et 40, la toute première Mère l’Oie fut une personne de chair et d’os qui a vécu à Boston vers 1660.

Elle aurait été la seconde femme d’Isaac Goose, qui a donné six enfants à Isaac qui en avait déjà dix. Après la mort d’Isaac, Elizabeth est allé vivre avec sa fille aînée, qui avait épousé Thomas Fleet, un éditeur qui a vécu sur Pudding Lane (maintenant Devonshire Street). Selon Early, « Mother Goose » contait des fables et des comptines à ses petits-enfants toute la journée, et tous les autres enfants se précipitaient pour l’écouter. Plus tard, son gendre rassembla ses contes pour les faire imprimer. » (source)  En fait, cette invention sert surtout d’attrape-gogos, et conforte les Etasuniens dans l’idée saugrenue que tout commence et finit chez eux…

L’empreinte de l’oie est celle d’une patte palmée. A ce titre, elle s’apparente à la palme, symbole universel d’excellence. Avant même que les lauriers n’honorent le vainqueur, avoir la palme marquait déjà une forme de maîtrise. Dans l’antiquité greco-romaine, la palme de l’oie récompensait le vainqueur. Sans oublier les oies du Capitole qui ont sauvé la Rome antique d’une invasion nocturne : elles ont donné l’alarme et les barbares ont été refoulés. En action de grâce, l’empereur leur fit ériger un temple sur le Capitole. Au-delà de l’anecdote, sommes-nous bien certains de connaître toute l’histoire ?

Au Moyen-Age, l’oie servait à désigner un langage codé, fait pour les seuls initiés, la langue des oisons – et non pas langue des oiseaux comme on l’entend trop souvent. Cette langue des oisons était aussi nommée patte-oie, le patois. De la même façon, la langue codée des bâtisseurs des cathédrales était nommée « art gothique », ou « art goth » qui est devenu argot. En vieux françois, le mot « oye » signifiait « entends », et se prononçait exactement comme « oui » au nord de la Loire.

La langue des oisons était la langue des enfants de Mère l’Oye. Elle était donc utilisée pour ne pas être compris des indésirables, d’abord les gens d’église, les maîtres d’oeuvre, ceux qui payaient les compagnons, et qui ne savaient rien de la construction sacrée et de ses effets sur leurs fidèles. Une bonne part de la ferveur chrétienne, à dater du 11e siècle, est dûe à l’efficacité énergétique des églises romanes et des cathédrales gothiques.

coquille-st-jacques-merelle-lz-200poAussi l’art gothique était-il, non seulement ces connaissances sacrées, mais aussi la langue secrète qui servait à les protéger du vulgaire. Nous avons vu comment cette même langue des oisons servit aux druides guérisseurs pour se faire connaître de leurs ouailles en se protégeant des rigueurs de l’Inquisition, qui les brûlait d’abord, et enquêtait après… 

Pour les bâtisseurs des cathédrales, le pédauque ou pied d’oie était un instrument de mesure et un signe de reconnaissance. La patte d’oie s’apparentera plus tard à la coquille St Jacques, dite aussi mérelle. Mère Aile ? Sur le chemin des Jacquaires ou pélerins de Compostelle, l’oie se retrouve dans la toponymie : Oca, Gansa, Ansa… De plus, le chemin du pélerin ressemble au parcours du jeu de l’oie. Dans la spirale du jeu, le Jacquaire  retrouve les difficultés du voyage, les espoirs, l’auberge et… la mort qui renvoie à la case départ ! Les Cagots, autre nom des Jacques ou Jacquaires, avaient dit-on les mains et les pieds palmés.

Cette réputation est sans doute fausse, pourtant la patte d’oie fut le signe distinctif des Cagots, de couleur rouge comme la patte de l’animal, cousue sur les vêtements en signe d’infâmie et de mise au banc de la société… comme quoi les nazis n’ont rien inventé avec le port de l’étoile jaune. Mêmes les nazis n’ont pas été insensibles à la magie de ce blanc volatile : ces sous-hommes défilaient en claquant les talons de leurs bottes, ein, zwei, d’un pas spécial, le pas de l’oie.

L’oie est un animal sacré, sinon l’animal le plus sacré, pour de très anciens peuples. Elle signifie vigilance, prospérité matérielle, mais aussi pureté. L’oie est l’amie d’Aphrodite, déesse de la beauté et de l’amour. Blanche comme la Voie Lactée, elle conduit également à la mort et, par le fait, à la résurrection de l’Esprit.

D’où l’on comprendra que les contes pour enfants réunis sous le titre de la Mère l’Oye ne sont pas des songes creux. Malgré l’affadissement dû à Perrault, ils font merveille. Ces textes renferment une portée symbolique que l’enfant enregistre pour s’en servir le moment venu. Ils ont un grand pouvoir initiatique et catarsique.De catarsis, nettoyage et guérison intérieurs

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Tout est énergie, tout est subtil, le grossier n’est que dans celui qui regarde.
Charles Bukowski