A la fin de l’âge de glace, nous disent les géologues, commençait un fabuleux dégel. D’énormes icebergs s’arrachaient à la vaste calotte glaciaire qui couvrait tout le nord de notre hémisphère. Une débâcle titanesque précipitait la fonte et le démantèlement des glaciers géants sur trois continents.
Dans la mémoire des peuples, la saga des déluges allait commencer. « De nombreux lacs proglaciaires parfois énormes se sont formés en Amérique et en Eurasie. Le bassin de la mer Baltique renfermait l’un des plus gros : le grand lac d’eau de fonte de la Baltique. Il était environ trente mètres au-dessus du niveau de la mer, avant de se déverser dans la mer du Nord au début du pré-boréal, vers -10.200, causant ce qu’un archéologue a décrit comme « un désastre écologique majeur ». (source)Huggett cité par J-M Greer, L’Atlantide, p.158
En effet, la géographie de toute cette région allait connaître un terrible bouleversement. A l’époque, l’Angleterre était reliée au continent par un cordon de falaises crayeuses, blanches, dont on retrouve les traces à Douvres comme à Etretat. La mer du Nord ne communiquait pas avec l’Atlantique, car la Manche n’existait pas. A sa place, des prairies et des forêts où vivaient des chasseurs-cueilleurs parmi toutes sortes d’animaux. Mais le grand lac Baltique rompit le barrage de glace qui le retenait à trente mètres au dessus du niveau de la mer du Nord.
C’est alors qu’une vague énorme, chargée de montagnes de glace, s’abat sur la falaise. Sous la poussée, la roche se lézarde, la craie fond, les icebergs s’effondrent dans la brèche. Fendant la digue naturelle, des cataractes tombent dans un torrent grondant qui va devenir le British Channel. Un coup de canon fait soudain trembler la terre. L’énorme digue s’est rompue. Les flots, les glaces, les rocs et les vents ont brisé la falaise qui vomit d’énormes pains de craie blanche.
Les chasseurs-cueilleurs ont vu arriver sur eux un mur de glace, des icebergs et des rochers charriés par la Mère des Vagues les a soufflés comme des fétus. Dévoreuse, la mer nouvelle efface les vallées, ratisse les fermes et nivelle les bourgs, engloutissant les hommes comme des fourmis affolées au fond de leurs galeries. Huttes et récoltes, greniers et séchoirs, toute trace humaine a disparu… sauf une grande pyramide blanche engloutie sans dommage. Ainsi s’ouvrit la Manche.
Le souvenir multimillénaire de cette inexorable montée des eaux trouve encore des échos dans de nombreuses légendes de cités englouties. En Bretagne, c’est la ville d’Ysou encore Is au large de Douarnenez (Finistère), ou celle de Nazado au large d’Erquy (Côtes d’Armor). Ornée d’une pyramide tronquée, Ys la blanche était une capitale pré-celtique. Elle gît, dit-on, au large de Douarnenez, au fin fond de la baie des Trépassés. Aux grandes marées, émerge son clocher qui fait tinter son glas.
Nazado, de même origine, était une puissante cité néolithique construite autour d’une grande pyramide blanche. Elle était située au large d’Erquy, dans les Côtes d’Armor, quelquepart entre le cap Fréhel et l’île de Guernesey, sur les récifs des Minquiers qui dominaient alors la rive sud d’un grand fleuve constitué par la Seine, la Somme et la Solent, fleuve anglais. La légende reste très vivace à Erquy, le nom de Nazado y baptise encore villa, commerce et chalutier. En saison, il orne parfois les tee-shirts des touristes.
Il faut donc se souvenir du temps où l’île d’Angleterre était rattaché au continent, du temps où les deux Bretagnes ne faisaient qu’une seule terre, ouverte par un grand fleuve. Ce temps semble immémorial, il a pourtant laissé trace dans la mémoire des Celtes.
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