L’irruption de l’inexplicable

« La vie, c’est ce qui t’arrive quand tu es occupé à autre chose. » La vie vraie, inédite, incomparable, est une bouffée d’air pur qui fait irruption dans la monotonie du quotidien. Le reste du temps, tu n’es qu’à moitié vivant.

Combien de moments exceptionnels ont marqué ton compteur ? Je parle de moments vraiment énormes, magnifiques, inespérés, ces moments qui illuminent une vie, et qui la rendent digne d’être vécue. Combien, dites-moi ? Un ? Deux ? Davantage ? Quel que soit le nombre dont vous vous souvenez, je puis vous dire ceci : toutes vos nuits regorgent de ces précieux moments. Eh non, petite coquine, je ne veux pas parler de ça, mon galopin. Je pense à toutes ces folies divines qui nous arrivent à notre insu, quand on dort

Nos vies sont pleines de ces merveilles oubliées, fabuleuses expériences d’une réalité non-ordinaire, totalement déconcertante, absolument inexplicable et qui ne correspond à rien de connu. Notre cerveau est programmé pour refouler les données qui ne cadrent pas avec la représentation du monde admise. Donc on les oublie au réveil. Et on avance à tâtons dans le triste monde, mécanique et trop routinier, sans garder le moindre souvenir de qui nous sommes vraiment, et des pouvoirs infinis qui sont les nôtres dès que notre conditionnement s’arrête. Ce qui n’arrive que quand on dort. Ou dans de très rares moments que notre cerveau s’empresse d’oublier, tant ils nous déconcertent.

Pour vous en parler, je vais devoir jongler avec les mots. Ces moments-là font ressortir toute l’ambiguïté de la condition humaine. Qui veut faire l’ange, fait la bête. Mais qui oublie sa nature divine fait le jeu des exploiteurs. Une foule de gens s’intéressent à nous, rarement pour notre bien. Un tas de grosses boîtes stockent fébrilement toutes les données qui nous concernent, et ce n’est pas pour nous aider à retrouver le nord. Ces gens-là ne veulent que nous asservir plus encore. Pour rester simplement nous-mêmes, il faut sans cesse mobiliser toute notre énergie, bander notre volonté, renforcer notre carapace au risque de devenir insensibles, ce qui arrange nos exploiteurs.

On passe le tiers de sa vie à dormir, le plus souvent sans souvenir de « rêves » qui n’en sont pas. Ces rêves oubliés, ou complètement déformés dans nos souvenirs, sont la principale source d’information sur la vie au-delà de cette vie et les mondes au-delà du nôtre. Certaines s’imaginent qu’on peut berner un voyant. On ne peut pas. Si tu crois ça, dis-toi que le voyant l’a vu, ça lui donne un coup d’avance sur toi, et il le gardera tout le temps.

En est-il de même avec l’esprit qui nous dirige ? Oui, absolument. Ce n’est pas toi qui décides pour toi-même, mais celui ou celle qui sait mieux que toi qui tu es. Tous les plans qu’on fait avec la tête ont de fortes chances de foirer, toutes les comédies qu’on joue pour berner un voyant se retournent contre leur auteur. C’est ainsi. Le don de voir et de guérir protègent ceux qui les ont reçus. S’en prendre à eux est présomption. Le châtiment tombe sur le fautif plus vite que la foudre sur le clocher. Seul l’amour absolu, le don de soi total peuvent mettre à l’abri des retours de flamme.

On ne fait pas de marché avec l’âme immortelle qui nous éclaire. Le mental ne joue qu’à ça, passer des marchés, faire des deals, gérer des compromis. L’âme n’entre pas dans ces bassesses. Son éternité la place au-dessus du corps mortel où l’ego se croit maître. Pourtant, sitôt que l’âme s’incarne, le petit ego déguerpit sans demander son reste. C’est comme s’il n’avait jamais existé.

Tant que l’âme est incarnée dans le corps, l’être est éveillé, il devient luminescent, il rayonne et fait rayonner tous les témoins en sa présence. Il n’y a pas de trace d’ego à ces moments précieux. Mais quand l’âme quitte le corps pour éviter une souillure, l’ego surgit comme un diable hors de sa boîte à ressort. Ceux qui parlent d’éveil oublient souvent de dire que l’éveil n’est pas un état stable. Quand l’âme s’incarne, l’éveil est là. Dès qu’elle repart, l’être redescend vite fait : il se rendort. Rien ne dure, ni l’enfer ni le paradis.

L’affront du frêle

On est ballotté par ces vagues plus ou moins longues, plus ou moins fortes, comme un bouchon dans la tempête. La mer déchaînée, c’est ton mental. Rien ne t’oblige à te laisser secouer comme un prunier. Saches qu’à l’intérieur, dans les tréfonds de ton être, il y a ce lac d’éternité, toujours calme, sans une ride, dont la profondeur est cristalline. Plonge, idiot. Ta place est là. Fuis la foule en furie, refuse les refus, réfute les futiles, défais-toi des fanfreluches et des fétus frivoles. L’être est diamant. Pur, lumineux, coupant. L’âme est un astre éblouissant. Son éclat est insoutenable. On ne peut pas la regarder en face. On ne voit que les ombres qu’elle porte sur le monde.

Et dans ces ombres, quelquefois, surgit l’inexplicable. L’impensable fait irruption. Se produit un fait inouï, incompréhensible, brut. Ton mental s’enfuit, ton être est submergé, rien ne saurait décrire ce qui se passe, ni dire ce qui s’est passé. Les mots sont impuissants. Les images n’ont plus cours. Si ça se trouve, tu as vu ton Dieu dans les yeux. Il t’a dit les secrets enfouis, il t’a montré les mondes, les astres et les règnes. Si ça se trouve, tu as volé avec les anges. Ou pas. Les souvenirs que tu gardes au réveil ne sont pas des souvenirs, mais un habillage que ton cerveau fabrique à la hâte pour cacher l’impensable. Le cerveau abuse de son programme d’effacement : dès que ça craint un peu, il refoule les faits au fond du gouffre de l’inconscient.

Si tu veux comprendre qui tu es vraiment, pars à l’instant dans la seule quête qui compte au-delà de la vie même : la conquête de ton inconscient. La collecte des données cachées par ton cerveau. Le complot n’est pas seulement dehors, il est en toi d’abord. Toi le premier tu te bernes, tu te merlines, tu te roules dans la farine. Tout le mal que tu fais aux autres, c’est à toi que tu le fais. Tout le bien, pareil. Alors cesse de finasser. Rejoins le groupe scalaire. Donne l’amour, rayonne la lumière. Des portes s’ouvrent en toi qui ne se refermeront pas. Toi aussi, tu vas chevaucher Bouraq, traverser les Sept Ciels, visiter les Vivants et les Morts, et ta vie en sera grandie. C’est ici. Ça commence maintenant.

Dis-toi bien ceci : tu n’es vivant qu’en face de l’inexplicable. Là tu vois l’envers du décor. T’apparaît la trame de la toile peinte. Seul l’inexplicable est authentique, tout le reste de ta vie ne diffère que très peu de celle d’un robot. Le robot suit un programme, toi aussi. Par accident, le programme bug. Choufff ! tu te prends une bouffée d’inexplicable dans ta face. Sur le coup ça réveille. Mais bien malin qui s’en souvient. Plus fort encore qui peut dire la chose. Décrire. Mettre les mots. Combien de fois Jean-Claude Flornoy m’a répété ça : Mets les mots, Xavier. Je ne pouvais strictement pas, langue paralysée, page blanche. Pourtant j’étais communiquant. Mais le nagual m’écrasait, c’est tout. Aujourd’hui je me régale et les mots sortent tout seul. Il m’a fallu 25 ans pour y parvenir. A l’époque, j’écrivais pour la pub. Ça mène à tout, la pub. A condition d’en sortir.

A ce soir sur les ondes ?

 

Pour qu’une chose mérite d’être dite, il faut qu’elle soit bonne, utile et vraie. Les trois, et dans cet ordre.
Marie Bénazet