Chimères

 

Avant de nous réussir, nos pères créateurs ont fait bien des essais et pas mal d’erreurs.  À commencer par des hommes-animaux, dont le détail abonde dans toutes les mythologies.

En Egypte, le panthéon comporte une grande variété de dieux animaux, aux côtés de Horus le faucon ou d’Anubis le chacal ; dans la mythologie grecque, il y a les centaures au corps de cheval, les satyres aux pieds de bouc, le le géant à tête de taureau Minotaure de Crète, sans compter les dieux qui prennent des formes animales ; chez les Dogons, Ommo ou Ummo, le dieu civilisateur, est sorti de la mer avec un corps mi-homme, mi-poisson ; idem chez les Chaldéens, avec Oannès.

Dans le Mahabharata et autres textes sacrés de l’Inde antique, le très opulent panthéon comporte d’innombrables dieux-animaux, comme Ganesha l’homme éléphant, Hanuman l’homme singe, et tant d’autres. Ganesha est le dieu de l’Esprit et des pouvoirs psys. En souvenir d’un temps où l’homme avait la force et la mémoire d’un éléphant ? Hanuman dieu des singes est l’allié de Krishna et d’Arjuna, des géants aux pouvoirs divins. Ces hybrides sont-ils des métaphores ou des monstres-éprouvettes ? 

Nos créateurs ont fait d’autres essais sans suite : les nains, les géants, et la ribambelle d’hommes-machines créés pour leur service. Nous en avons conservé la mémoire sous des vocables divers : homo erectus, yéti, homo habilis, sasquatch, orque ou neandertalien. Ensuite, par un nouveau tour de passe-passe génétique, nos créateurs font enfin une créature à leur convenance, d’abord homme puis femme. Ou l’inverse ! Dans la Genèse, l’histoire de la côte d’Adam, c’est vrai. Derrière l’image se cache une vérité scientifique.

Le chromosome XY a bien « une côte » de moins que le chromosome XX. Cette côte ou plutôt ce côté manquant, c’est tout simplement le segment qui manque au Y pour qu’il devienne un X. Ainsi naquirent Eve et Adam. Par la génétique. Or pendant des siècles, on a pris au pied de la lettre cette légende qui était une explication scientifique déguisée. Un chirurgien italien a même été brûlé sur les bûchers de l’Inquisition quand, après une dissection, il apporta la preuve qu’il ne manquait pas de côte à l’homme.

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Ainsi, l’homme et la femme ont été créés par des androgynes volants, des dieux-déesses venus des étoiles. Fort bien. Là-dessus, un certain Vorilhon s’est dit que nos créateurs devaient être des scientifiques extra-terrestres très calés en génétique. Il a rêvé qu’il en rencontrait un et dans la foulée s’est fait appeler Raël le prophète des dieux aliens. C’est son droit. Sauf que son histoire ne tient pas la route. Voyons ça d’un peu plus près : des aliens auraient créé les hommes à leur image, dit-il.

Donc c’était une civilisation humaine. Attendez un peu, des hommes qui créent des hommes ? Et eux, s’étaient-ils d’abord créés eux-mêmes ? Reprenons l’écheveau. Des scientifiques, des spécialistes du génie génétique auraient fabriqué l’espèce humaine. Fort bien. Mais l’espèce humaine existait déjà, puisque nos créateurs étaient des hommes. Alors de quelle humanité parle-t-on ? L’ancienneté de l’homme dit moderne paraît si grande qu’elle pourrait se compter en millions d’années.

Ce qui laisse tout le temps d’oublier nos origines… Et même dans l’hypothèse d’une apparition de l’Homo sapiens il y a seulement 150.000 ans, peut-on envisager que le souvenir de notre création se soit transmis à travers déluges et cataclysmes pendant 150 millénaires ? Ce n’est pas la création de l’espèce humaine que décrit le mythe d’Adam. C’est une re-création, une transformation de l’espèce pré-existante. Très bien : alors qui avait créé l’espèce en question ?

Vaste question, qui appelle de vastes réponses. Notre propos est plus modeste : monter que la création biblique n’en fut pas une. Si l’on compile les différentes mythologies, on voit que nos créateurs se sont livrés à une boulimie d’expériences génétiques plus ou moins foireuses. Parmi toutes ces tentatives avortées, au milieu de toutes ces espèces chimériques ou simplement inabouties, la nôtre a voulu survivre. Et nous voilà ce soir.

L’espèce survivante, la nôtre, était-elle la meilleure ? Pas nécessairement. Il semble que les neandertaliens avaient une capacité cérébrale plus grande que la nôtre. Mais à vrai dire, le débat n’est pas tranché.

 

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Notre espèce était-elle la plus pugnace, experte dans la lutte pour la survie ? Est-ce en se battant des griffes et des dents que l’homme a réussi à s’imposer ? Même pas sûr. Il semble que ce soit la technologie qui nous ait toujours maintenus au sommet des hiérarchies. La technologie et la paix, non la guerre.

On trouve partout la trace des essais génétiques malheureux tentés par nos créateurs. Ils se sont bien amusés, en nous laissant régler le délicat problème de la cohabitation avec ces monstres. La gravure qui suit est extraite des Heures de Charles d’Angoulême, composée vers 1475 – 1500. On y voit de quelle façon les Homo sapiens se sont débarrassés des gêneurs.

 

C’est la mythologie qui survivra à la science si la science doit décliner.
Roland Lehoucq