L’art de rêver des sorciers yaquis est une pratique hallucinante qui change le monde avec nos rêves. Ce sont les Naguals qui l’enseignent. On n’a pas toujours un Nagual à portée de main, me dira-t-on. En fait, si. Quand le moment viendra, le Nagual sera devant vous. Ouvrez grand l’œil fée. En attendant cette heureuse rencontre, voici quelques souvenirs de Rêver.
Première sortie de corps
« A 12 ans, j’ai fait ma première sortie de corps. C’était en 1961 à Erquy. Pré-ado comme les autres, je ne prenais ni drogue, ni alcool. Je n’avais pas non plus la moindre idée de l’éveil. Vacances de Pâques, je jardinais. Quand mon dos courbé me faisait mal, je me redressais et tombait à chaque fois dans la contemplation de la mer qui scintillait dans la baie. Ce spectacle, je l’ai encore sous les yeux en écrivant ces lignes, et je ne m’en lasse toujours pas.
Soudain je sentis le manche de ma bêche s’allonger, s’allonger sans fin. Je me sentis projeté en plein ciel. Choc ! Je planais à une dizaine de mètres au-dessus du jardin. Bouche bée, je contemplais la mer et les voiles vues du ciel. Les couleurs étaient démultipliées en un prisme infini. Des boules de feu coulaient sur la musique des sphères. En dessous, un bonhomme bêchait son jardin. C’était moi !! Pendant que je planais, mon corps continuait à vivre sans moi, comme si de rien n’était. » (source)Xavier Séguin, extrait de journal
Je venais de comprendre que ma conscience et mon esprit ne sont pas dans mon corps !! Découverte que je n’étais pas prêt d’oublier… Sauf que… J’ai décidé à l’époque de garder ça pour moi, et j’ai bien fait. Dans la foule des candidats à la célébrité, j’ai toujours eu la nausée. Les phénomènes psi sont souvent la porte ouverte vers le mouroir psy. Pour vivre heureux, vivons cachés.
Deuxième sortie de corps
J’avais 16 ans. Toujours ici, à Erquy. Je devais raccompagner un copain à Saint-Cast sur ma mobylette. Nous n’avions pas de casque ni aucune protection. Il faisait super chaud, c’était un 15 août, on ne portait qu’un tee-shirt et un slip de bain.
Il n’y avait pas de selle double ni de cales-pieds, il s’est assis sur le porte-bagage. Ses pieds traînaient par terre, il devrait les soulever pendant la bonne demie-heure que durerait le trajet. Il a dû oublier, ou il avait des crampes aux cuisses. Dans un virage serré, la mob s’est couchée sur les gravillons. Ma tête a cogné l’asphalte.
Le choc a été rude, mais l’important, c’est que la mob n’avait rien. On s’est relevé, épousseté. Je suis remonté en selle, je l’ai déposé à Saint-Cast, je suis rentré à Erquy. Et j’ai fait une syncope. Mon beau-frère étudiait la médecine. Il s’est empressé de me faire un massage cardiaque. Mais je n’étais plus dans mon corps. Je flottais dans un coin du plafond. Toute la famille était autour de mon corps et de mon beau-frère qui cognait dessus.
Je leur criais : « Arrêtez ! Je n’y suis plus, retournez-vous, je suis au plafond ! » Personne ne m’entendait. Personne ne me voyait. Alors j’ai compris que j’étais mort. Et j’ai regagné mon corps. (source)Xavier Séguin, extrait de journal
La sieste astrale
Voici la trace d’une autre vie. J’avais 42 ans. « Depuis des années, j’aime faire une sieste après midi. Quand j’étais en apprentissage chez mon benefactor, je m’endormais sur un canapé, profondément, allant même jusqu’à ronfler, au beau milieu des guerriers et des apprentis réunis autour du Nagual qui contait ses histoires de pouvoir. Je dormais profondément sans pour autant cesser de suivre la conversation qui se déroulait par-dessus mon corps endormi. Si bien qu’à certains moments, sans me réveiller le moins du monde, j’intervenais dans la conversation. C’est devenu un jeu entre mon benefactor et moi. Il s’adressait soudain à mon corps endormi, qui lui répondait d’une voix sépulcrale, entre deux ronflements. C’est ainsi que j’ai appris à me diriger dans mes rêves. Rêver, c’est vivre une sortie de corps en pleine conscience.
J’ai connu ma première sortie de corps consciente à l’âge de 12 ans. Je n’en ai parlé à personne, persuadé que j’avais intérêt à cacher ça comme une maladie honteuse. Et j’ai rudement bien fait. Sinon, je n’aurais jamais eu une adolescence normale. Enfin presque. J’avais tout de même une passion singulière, dérivée de mes sorties de corps : explorer les toits de Paris. Avec un ami de mon acabit, nous avons vécu des courses passionnantes, vertigineuses et célestes. » (source)Xavier Séguin, extrait de journal
C’est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble.
Bilocation
Rêver, c’est vivre un dédoublement de soi, une bilocation. Vous êtes à la fois endormi et éveillé, à la fois ici et là. L’un des deux est un double, mais votre conscience est dans l’un comme dans l’autre. Pas en même temps. En alternance. Etrange sensation.
Il y a quelques années, j’ai voulu prendre un bain de mer sous la pleine lune de Février. La Manche était glaciale, mais je n’ai rien senti. J’étais ailleurs. En grand danger. J’ai nagé vers le large, c’était marée descendante, je me sentais bien. Détaché… Je me souviens m’être dit « arrête, dès que tu vas dépasser la pointe, tu seras pris par le courant, tu vas te noyer » mais c’est resté lettre morte, j’ai continué à nager vers le noir, la nuit sans fin, vaste comme la mer, et froide aussi. Plus tard, quand le courant m’a pris, je me suis répété une nouvelle fois « tu vas te noyer » mais c’était une simple constatation comme s’il s’agissait d’un autre, d’une fourmi, d’un insecte sans importance, et tout était bien ainsi.
Alors j’ai eu l’image d’un de mes lieux de pouvoir derrière moi sur la côte. Un rocher magique où j’aimais m’asseoir face au large. Soudain je me suis retrouvé sur ce rocher. Frissonnant. Halluciné. Sans savoir comment, je m’étais arraché à l’étreinte de l’eau glacée, j’avais fait un bond de plusieurs kilomètres, jusqu’à ce rocher sur la falaise.
Clin de lune
Non, c’est encore pire que ça. A la même seconde où je me laissais couler bas dans l’eau glacée, j’étais aussi sur cette falaise, face à la nuit noire, écoutant le bruit monotone des vagues en contrebas. Oui, j’aurais pu me dire que j’avais rêvé toute l’histoire… Pourtant j’avais le souffle court, rapide. J’étais essoufflé, épuisé comme après un effort soutenu. Mes vêtements étaient trempés. Je frissonnais sans pouvoir m’arrêter. Tant bien que mal, je me levais, je partis dans une course hésitante vers chez moi, à travers les arbres. Comment ai-je fait ? Je claquais des dents, mes vêtements pesaient comme du plomb glacé, mais des suées m’inondaient le visage et le torse. Un nuage est passé sur la face ronde de la lune. J’aurais juré qu’elle m’avait fait un clin d’œil.
Le souvenir des faits extérieurs de ma vie s’est, pour la plus grande part, estompé dans mon esprit ou a disparu. Mais les rencontres avec l’autre réalité, la collision avec l’inconscient, se sont imprégnées de façon indélébile dans ma mémoire. Il y avait toujours là abondance et richesse. Tout le reste passe à l’arrière-plan.