En 1992, au domaine de Rochefort sur Mayenne, Jean-Claude Flornoy diffusait son enseignement original. Nous étions quelques douzaines à évoluer autour du grand prédateur comme autant de rémoras. Ce type était un copain d’enfance, et pourtant plus rien ne subsistait en lui du minot fragile que j’avais connu dans une autre vie.
J’avais devant moi un nagual magnifique. Centre immobile, pivot posé, il faisait tourner la troupe autour de lui. Fasciné, je le regardais faire. Je gobais ses mots comme autant de miettes savoureuses et pour rien au monde je n’aurais décollé ma ventouse. C’est drôle de retrouver un vieux copain qui ne t’avait pas laissé un souvenir impérissable, et de t’apercevoir qu’il est devenu ce que tu rêves de devenir toi-même.
Comment a-t-il fait pour aller aussi vite ? Souvent il me pressait : « Mets les mots, Xavier. Explique-leur ce que tu ressens. » J’en étais foutrement incapable. Quelque chose se nouait dans ma gorge et j’avais la bouche trop sèche pour sortir le moindre son. Je hochais la tête, vague assentiment. Ou constat d’impuissance. Les mots semblaient couler de sa bouche comme un long fleuve tranquille.
« Notre tradition est celle des conteurs. Nous sommes les fils de la Louve, tu m’entends, Xavier. Nous ne sommes pas du Clan du Sanglier, nous n’avons rien à voir avec les druides. Nous sommes du Clan du Loup. Nous appartenons à la tradition des enchanteurs. Hé oui, comme Merlin ! Chante-nous l’au-revoir, Xavier. Tu sais que j’aime ce chant. »
Et je chantais ma version du vieux chant celtique Auld Lang Syne :
Should auld acquaintance be forgot
And never brought to mind?
Should auld acquaintance be forgot
And days of auld lang syne?
Ce qui donne, dans ma version française restaurée :
Ce n’est qu’un au-revoir, Merlin,
ce n’est qu’un au-revoir
Comme il nous l’a promis, Merlin,
oui, nous nous reverrons.
Parfois, à la pleine lune, il faisait ronronner le moteur de son Opel Monza, et on taillait l’autoroute jusqu’en Brocéliande, voire plus loin au cœur de la Bretagne qui nous fascinait tous les deux. Jean-Claude m’avouait souvent qu’il avait peur des projecteurs. Jouer la vedette. Frimer la tête à l’auditoire. Mon cul ! Je savais qu’il en mourrait d’envie. « J’arrive pas à me décider, c’est tout. Jouer dans la cour des grands, non, je ne peux pas. »
Cette connerie ! Que faisait-il d’autre ? L’été, une bonne centaine de gugusses et de nénettes déboulaient au domaine rien que pour lui. Pour l’écouter, le humer, rester dans son aura le plus possible. Et ça squattait, ça campait, ça pionçait dehors, à la belle, dans la forêt, sur les berges de la rivière, dans la bambouseraie, dans les ruines de l’usine, au moulin, à la bibliothèque, ça se saoulait, ça planait, ça chantait, ça dansait, ça niquait un peu partout, Jean-Claude laissait faire. Mais pas au Rocher Bleu. Jamais.
Cette fois, après Brocéliande, on s’est dirigé vers Saint-Brieuc et sa cathédrale fortifiée. Il voulait me montrer des libera-me. Je n’avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait être. Il m’a répondu par une question. « Et l’Hotié de Viviane ? T’en as pensé quoi ? »
On en vient. Je n’en ai pas pensé grand chose. Quelques pierres plates fichées en terre pour former une sorte de tombeau… « Ce n’est pas un tombeau. Hôtié veut dire maison d’hôte en vieux françois. Maison d’hôte… ça te dit quelque chose ? » Ouais. C’est une belle connerie. Personne ne peut vivre là-dedans. Outre l’exigüité du lieu, ça vibre trop mal, une horreur. Je n’ai pas pu y rester plus de deux secondes. « C’était déjà trop, rigole Jeff. T’as vu comme ça te pompe, ce truc ?«
Jean-Claude m’a fait sortir vite fait. Ouais, ça te pompe. Il n’y a pas d’autre mot. N’importe quel sensitif se serait sauvé en courant. « Oui. Et les voyants n’y entrent même pas. » Une pierre dans mon jardin. Un signal rouge s’est allumé en moi quand j’ai voulu y entrer. Je n’en ai pas tenu compte, je suis un con. Bien sûr que je n’aurais pas dû y aller, même pas ces deux secondes, il a raison. Comme d’hab. Le requin rigole de plus belle.
« Tu fais tes classes, tu découvres par toi-même, dit-il d’un ton bonhomme. Ta tête n’y comprend rien, mais tu arrives quand même à suivre. Ton corps le fait.«
« Tout ceci pour t’expliquer à quoi on a affaire. L’Hôtié de Viviane était un libera-me. » Allons bon ! « On y mettait les cadavres pendant trois jours. La vibration négative y est si forte que rien de vivant ne peut y résister. Les corps ne pourrissaient pas. Toute activité vitale se trouvait suspendue pendant trois jours. Mieux qu’un frigo à la morgue.«
Oui, et après ? Je sens bien qu’il ménage ses effets. Il me révélera le mystère caché quand il l’aura décidé, pas avant. En attendant, il fait monter la pression. Et il se fout carrément de ma gueule. Inutile de le presser, il se taira. En riant plus fort et plus longtemps. « Ah, ça te fait chier que je me marre ? J’aimerais bien avoir ce truc du nagual qui arrivait à pleurer quand il avait trop envie de rire. Rire d’un apprenti, c’est très délicieux. Ce n’est pas de la moquerie, mais de l’attendrissement. On se souvient qu’on a été comme lui, à se poser les mêmes questions coconnes, à se prendre les pieds dans son mental. Mais quand on rit de lui, l’apprenti tire la tronche. Le truc, c’est d’arriver à pleurer quand on voudrait rire. Et si l’apprenti devient plus drôle encore, on pleure à chaudes larmes. C’est une super traque, Xavier. J’aimerais faire ça.«
Rire ou pleurer, ça se ressemble beaucoup. Ça fait travailler les mêmes muscles. On dit rire aux larmes. Un enfant qui pleure a des hoquets qui ressemblent à un rire. Voilà qu’on est arrivé. Il cherche une place pour sa Monza vert d’eau. « Une voiture d’épicier enrichi, avait lâché une sorcière de mon cercle. Dédain et mépris. On est entré dans la cathédrale. « Tu vas voir ça; il y a des libera-me partout ! » Jeff est tout excité, il cherche un coin pour pisser. Quand il est sur un lieu puissant ça lui fait toujours ça.
Des libera-me, en voici en voilà dans les photos qui suivent. Ce sont des niches dans l’épaisseur du mur, de la taille d’un corps humain. Ces niches ont un taux vibratoire très bas, comme l’Hôtié de Viviane. On y mettait les cadavres pendant 3 jours. La vibration extrêmement basse sur l’échelle bovis rendait la putréfaction impossible. Toute vie microbienne, animale ou subtile se trouvait empêchée. L’âme, par ce moyen radical, était contrainte de s’arracher à ce corps invivable. Elle continuait sa route normale vers l’être de lumière qui l’attend au bout du tunnel, et notre ici-bas se débarrassait d’un fantôme potentiel.
Voilà le sens profond, initiatique, du libera-me qui orne les murs des cathédrales gothiques. Il n’en va pas de même dans les églises romanes pour une raison très simple. Sur le plan géobiologique, la construction sacrée a deux savoir-faire contemporains, médiévaux tous les deux : l’art gothique et l’art roman. Ils sont très différents.
Les maîtres d’œuvre du 10e au 13e siècle en Europe possédaient un savoir-faire précieux pour la construction sacrée : l’art d’expurger la nef de tout miasme géobiologique – comme les réseaux hartmann ou curry, les doubles et triple réseaux, puits druidiques, etc. Ils savaient en utiliser la puissance en la débarrassant de ses impuretés. Ces bâtisseurs sacrés s’y prenaient de deux manières très différentes selon qu’ils appartenaient à la tradition romane, ou à l’art gothique. Les bâtisseurs romans chassaient la négativité à l’extérieur de l’église, ce qui explique la présence autour du saint lieu d’un cimetière -lieu négatif- comme le veut en Bretagne la coutume des enclos paroissiaux. Il ne fait pas bon longer les murs extérieurs d’une chapelle ou d’une église romane !
Tandis que les gothiques, par la grâce des ogives et des guirlandes de pierre, émiettaient la nocivité et concentraient ses débris dans l’épaisseur des murs, ce qui explique pourquoi les niches situées dans l’épaisseur du mur, celles que Jeff appellent des libera-me, concentrent une forte quantité d’ondes négatives.
Il n’en va pas de même pour les monuments mégalithiques, comme l’Hôtié de Viviane. Les bâtisseurs mégalithiques se contentaient de repérer un point vibrant négatif. Les voyants constataient son aura vert-négatif. Les libera-me comme l’Hôtié étaient utilisés pour la même fin : séparer de force l’âme et le corps.
C’était aussi la tâche des pleureuses, qui accentuaient pleurs et cris de douleur pour bien faire comprendre à l’esprit du défunt qu’il n’était plus de ce monde, et qu’il devait donc le quitter pour continuer son chemin vers les étoiles…
Le fameux tunnel de lumière décrit dans toutes les NDE (Near Death Expérience) ou EMI (Expérience de Mort Imminente) n’est rien d’autre que le centre galactique, où la densité des étoiles fait un halo lumineux que la vitesse de l’âme transforme en tunnel de lumière.
Libera-me, libère-moi de ma dernière entrave. L’attachement au plan terrestre après la mort du corps n’est rien d’autre qu’une manifestation de l’ego – encore lui, même après la mort ! Cet ego envahissant que l’archange St Michel extermine une bonne fois, nous montrant ainsi le chemin qu’il faut suivre. Cette statue de Michel terrassant le dragon nous donne une clé précieuse. Elle figure en bonne place dans la cathédrale de Saint-Brieuc dont je ne saurais trop vous recommander la visite.
Et tant que vous y êtes, Erquy est à deux pas, venez donc me voir !