Mullah Nasruddin

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Pur génie ou parfait crétin, mystique ou crapule, désintéressé ou avide, fictif ou réel, le personnage du Mullah Nasruddin a conquis l’Orient, et au-delà, avec ses facéties à facettes et ses leçons à double fond.

« Nasr Eddin Hodja est un ouléma mythique de la culture musulmane, ingénu et faux-naïf prodiguant des enseignements absurdes ou ingénieux, qui aurait vécu en Turquie de 1208 à 1284, né à Sivrihisar et mort à Aksehir. Sa renommée va des Balkans à la Mongolie et ses aventures sont célébrées dans des dizaines de langues, du serbo-croate au persan en passant par le turc, l’arabe, le grec, le russe et d’autres. »  (source) 

A Akséhir, en Turquie, on peut visiter son tombeau et même participer à un Festival Nasruddin.

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Nasruddin est maître d’école. Un élève demande : « Quel est le plus grand exploit? Conquérir un empire, se retenir de le faire, ou empêcher un tyran d’y parvenir ? » Le Mullah rigole : « Tout ça n’est rien. Je connais un exploit
bien plus grand encore. »
– Lequel ?
 Vous faire voir les choses comme elles sont. »

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Sur son minaret, le Mullah Nasruddin lance son appel à la prière de toutes ses forces, puis dégringole et se met à courir comme un dératé. « Où vas-tu ? » lui crie sa femme. « Je cours voir jusqu’où est allé l’appel. »

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Nasruddin a de bonnes nouvelles pour le roi, mais ne peut obtenir audience. Quand il y arrive, le roi le félicite : « Tes nouvelles sont excellentes, Mullah. Choisis toi-même ta récompense » A la grande surprise du roi, Nasruddin choisit cinquante coups de fouets. Le roi s’incline, le fait fouetter. Au vingt-cinquième coup, le Mullah proteste. « Holà ! ça suffit comme ça ! donnez le reste des coups à mon associé ! » Le roi s’étonne encore. « Le chambellan, Votre Majesté, ne m’a laissé vous approcher avant que je lui ai juré de lui donner la moitié de la récompense obtenue. »

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« Nasruddin, dit son voisin, il paraît que tu as un vinaigre de quarante ans d’âge. Donne m’en donc un peu » Le Mullah s’étrangle : « Tu veux rire ! Comment aurait-il eu quarante ans si je l’avais semé à tous vents? » 

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Nasruddin, installé entre les branches d’un arbre en fleurs, hume l’air doux et se dore au soleil. « Que fais-tu, paresseux ? » lui crie sa femme. « Tu vois, j’escalade la Grande Pyramide », répond le Mullah béat. « Quelle pyramide, imbécile ?! C’est un arbre ! » « Oui, dit-il. Mais regarde ces fleurs, ces oiseaux, ce soleil. Comment je pourrais faire mieux ? »

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Nasruddin médite à la mosquée quand quelqu’un s’écrie : « Le feu ! J’ai laissé le feu allumé chez moi ! » Son voisin lui dit : « Tu as rompu le silence, tu dois recommencer toute la prière »
– Toi aussi ! ajoute un autre.
– Allah soit loué, moi je n’ai rien dit », dit Nasruddin.

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Le Roi confie une grande mission à Nasruddin. Enquêter par monts et par vaux, fouiller les bibliothèques, interroger tous les vieux sages pour recueillir toute la sagesse des maîtres mystiques orientaux. Il a carte blanche, son budget est illimité. Quatre ans plus tard, il se présente devant le Roi. « Carottes » dit-il seulement. Quand le Roi se fâche, Nasruddin explique : 
– Le meilleur est caché. Le feuillage vert inutile cache sous terre l’orange savoureux. Sans soins constants, le fruit pourrit. De nombreux ânes tournent autour. »

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Nasruddin à court d’argent doit céder à un usurier le produit de son champ. Sur l’acte notarié, l’usurier méfiant fit préciser sa part : tout ce qui est au-dessus du sol. Le Mullah cultiva des navets.
L’an d’après, l’usurier bafoué changea l’acte : tout ce qui au-dessous du sol. Le Mullah fit du blé.

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Deux hommes se bagarrent devant la fenêtre de Nasruddin en pleine nuit. « Va voir ce que c’est, dit sa femme. Il y va, drapé dans sa couverture. Il tente de raisonner les ivrognes quand l’un d’eux lui arrache sa couverture et s’enfuit avec son compère. – Pourquoi ils se disputaient ? demande sa femme quand il revient au lit.
– Pour ma couverture. Dès qu’ils l’ont eue, la dispute a cessé. » 

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Nasruddin rentre chez lui avec un beau foie d’agneau qu’il vient d’acheter au marché. Il tient dans l’autre main une recette de paté de foie que le marchand lui a donné. Soudain une buse fond sur lui et arrache le foie d’agneau. « Triple buse! crie le Mullah. Tu as peut-être la viande, mais c’est moi qui ai la recette! « 

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Un philosophe prend rendez-vous chez Nasruddin pour lui exposer sa doctrine. Mais le Mullah oublie. Furieux de trouver porte close, le philosophe écrit à la craie: « Pauvre Con ». Dès son retour, Nasruddin se précipite chez le philosophe:  « Désolé d’avoir oublié notre rendez-vous, mais dès que j’ai vu votre nom sur ma porte, ça m’est revenu tout de suite. »

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Nasruddin donne à sa femme trois livres de bœuf pour le dîner de ses invités. Affamée, la pauvre femme mange toute la viande. Le soir venu : 
– Le chat l’a mangée, dit-elle.
Le Mullah pose le chat sur la balance : il pèse trois livres.
– Si c’est le chat, dit Nasruddin, où est le bœuf? Et si c’est le bœuf, où est le chat ?

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« Nasruddin, se plaint un voisin, la marmite que je t’ai prêtée est trouée ! »
Tant de mauvaise foi indigne le Mullah qui réplique : – Primo tu ne m’as jamais prêté de marmite. Deuxio, elle était déjà trouée quand tu me l’as prêtée. Et tertio, je te l’ai rendue intacte. »

Il est donné à tous les hommes de se connaître et de se maîtriser. (Héraclite)

 

Car rien de ce qui était caché ne restera caché plus longtemps. Le temps vient où tout vous sera révélé.
Evangiles