Céleste Chine

 

La Chine éternelle est le pays des Fils du Ciel. Qui sont-ils ? De quel ciel viennent-ils ? J’ai déjà parlé du mythique empereur Yao qui semble étroitement lié au chaos cosmique évoqué par d’autres mythes, notamment scandinaves. Yao ! Son nom évoque le son qui d’après Velikowski sortait des entrailles de la planète.

 

Derrière cet homme, c’est un phénomène qu’il faut retrouver, celui d’une fin du monde. Il y a déjà eu plusieurs fins du monde car il y a eu plusieurs mondes et d’autres vont venir.

 

Cosmique chaos

La très lointaine antiquité, celle que décrivent les mythes, demande d’agir avec précaution quand on cherche à les décrypter. Parfois derrière le nom d’un homme se cache tout un peuple. C’est le cas de Lugh, de Cuchulainn, de Rama, d’Hénoch et de quelques autres. Ici derrière le nom de l’empereur Yao se cache la fin de l’ordre cosmique. Immanuel Velikowski évoque l’irruption d’une comète géante dans le système solaire. Elle aurait explosé plusieurs planètes et sérieusement perturbé la nôtre, au point d’allonger de 5 jours la durée de sa rotation autour du soleil. Conséquence : l’année de 360 jours tout ronds devient une année de 365 jours et quelques heures. Le grand Chamboul’tout. Il faut donc tout recalculer. Du boulot pour les astronomes. Et surtout l’irruption traumatisante d’un chaos cosmique qui poursuit ses bouleversements jusqu’à notre époque. La perfection antérieure a disparue. Châtiment divin ? Les humains tremblent et s’inquiètent.

Pour tenter de pénétrer la pensée chinoise, le spécialiste Marcel Granet s’intéresse aux mythes fondateurs de la Chine éternelle. Les spécialistes sont des virtuoses dans leur genre — même s’ils nous en apprennent davantage sur eux-mêmes que sur le sujet dont ils traitent. Les mythes sont des chevaux sauvages qui ne se laissent pas facilement monter. Granet énumère, ne relie rien. Il est savant. Décrit l’impensable, ne traduit rien. Il est universitaire. Distribue des images, n’explique rien. Il s’adresse à ses pairs. À nous de finir le boulot et de mettre à plat les contenus qu’il évoque. Je vais examiner avec vous quelques-unes de ses descriptions pour en « sugcer la substantificque moëlle. » (source)

L’empereur Yao mit de l’ordre dans le monde en se bornant à envoyer aux quatre pôles quatre délégués à l’astronomie. Chouen réussit, à son tour, à instaurer un ordre neuf en se contentant d’expédier quatre bannis sur quatre monts polaires. Les délégués de Yao étaient les deux frères Hi et les deux frères Ho. Hiho est le Soleil, ou plutôt la Mère des Soleils qui sont dix. (source)Marcel GRANET— La pensée chinoise p 66

Pour les Chinois Yao, ou bien pour les Romains Jove,Jupiter-Zeus ou bien pour les Juifs YHWHYahweh – trois exemples d’orthographes différentes, très différentes jusqu’à leurs caractères, mais dont la prononciation est identique. Ce qui nous renvoie à cette nouvelle linguistique qui donne la priorité au son, avant de se soucier de la racine ou de la graphie.

Yao est-il l’empereur ou le peuple tout entier? Son nom désigne-t-il des personnes ou une époque ? Ou un événement ? Immanuel Velikowski y voit un son puissant, un sourd grondement qu’on n’oublie pas. Il est gravé dans l’inconscient collectif. Il monte du plus profond du sol qui vibre sous nos pieds. Il terrifie tous les animaux. Il obsède tous les humains. Les dieux font grise mine et fuient ces parages incertains. Hyperborée s’éloigne, le Soleil majeur prive la Terre de sa lumière éblouissante qui ne connaît ni nuit, ni éclipse d’aucune sorte. Sa lumière qui tout éclaire mieux que soleil-le-petit, lointain astre du jour que les humains retrouvent avec angoisse. La noirceur du jour a des accents de cataracte. Les premières nuits sont terribles. L’hiver sous le cercle polaire est devenu l’enfer. Au temps d’Hyperborée c’était le paradis. L’amiral Byrd nous en donne une hallucinante description.

 

 

La Terre et Nibiru

À en croire ce bon amiral, le paradis terrestre existe, à quelques pas du pôle nord il y fait beau et chaud, plusieurs récoltes par an… Soit c’est Hyperborée, soit c’est la terre intérieure ! Il s’agit en tout cas du paradis terrestre. Ce mythe se retrouve sous toutes les latitudes. Cette version chinoise comporte des détails curieux. Les quatre pôles : l’emploi du mot pôle est étrange. Il n’y a que deux pôles par planète. On aurait mieux compris les quatre orients, les quatre quartiers, les quatre points cardinaux. Non, l’auteur parle de quatre pôles. Alors ? Y aurait-il deux planètes ?

Oui, c’est possible… si l’on compte Hyperborée, que les Sumériens appellent Nibiru et qu’ils qualifient de planète vagabonde. Selon mon hypothèse, Hyperborée est le vaisseau-mère abritant les terraformeurs, des êtres divins –en tout cas plus divins que nous– venus aménager cette planète qui avant eux était encore sauvage. Ils ont créé des plantes avec les graines qu’ils avaient apporté. Ils ont créé des lignées animales à partir de la banque génétique qu’ils avaient apporté. Leur première visite a eu lien il y a plusieurs milliards d’années, quand cette planète était bébé.

Derrière ces mots flous, bizarres, il y a la peinture exacte d’une situation bien réelle vécue par les ancêtres de nos ancêtres. Le récit s’est transmis de génération en génération, traduit de langue en langue, il a franchi le mur des ans, des siècles, des éons. Nous ne possédons que l’ultime version, classée dans la douteuse rubrique : mythe. Ne pas se laisser bluffer par la poussière. Décryptage, décodage, traduction, interprétation, narration : voilà les cinq étapes de mon gai labeur.

 

Mythe ou vérité ?

Un mythe est une vérité mal comprise, mal transmise, mal admise. Ceux qui l’ont écrit l’avaient entendu dire, et ceux qui leur ont dit le tenaient de lointains ancêtres, qui avaient oublié depuis des générations de quoi il était question au départ. Qu’importe ? On se répète religieusement des mots depuis longtemps vides de sens. De siècle en siècle, un barjot dans mon genre tentera d’expliquer la litanie absurde qui enchante les têtes et les cœurs. Peine perdue. L’enchantement tient bon. Pourquoi tuer une légende si la légende est belle?

Une minute! Je ne tue pas les légendes, au contraire. Je les apparie. Je suis un marieur de légendes. Je les approche, je les rapproche, je les accroche ensemble. Quand je vois qu’elles ont tout pour se plaire, je les accouple. Elles me font des petits. Une flopée de mini séquences légendaires, des loops, des boucles de mythe qu’on retrouve inchangées dans nombre de mythologies. Parricide, infanticide, fratricide, inceste, trahison, mais aussi animaux volants, chariots volants, fusées, armes de destruction massive, et beaucoup de tours de passe-passe qu’on appelle magie mais qui pourraient bien être de la technologie. Notre très lointain passé semble tissé dans cette étoffe.

Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.

Arthur C. Clarke

 

Ces éléments de mythe comportent des détails caractéristiques, décrivent des comportements absurdes ou tout du moins inappropriés, hors contexte, qui permettent au mythologue une traçabilité parfaite de ces morceaux choisis. Appelons-les mythèmes, éléments de mythe, comme on dit phonèmes, unités sonores d’une langue. Ou encore, comme la philo nous parle de noumènes, unités de pensée.

Le noumène? C’est nous-mêmes.

Lao Surlam

 

Parenthèse culturelle

Le noumène (en grec ancien νοούμενoν / nooúmenon) est un terme employé à l’origine par Platon pour désigner les « Idées », c’est-à-dire la réalité intelligible (par opposition au monde sensible), accessible à la connaissance rationnelle. Au contraire, chez Emmanuel Kant, auquel le terme de « noumène » renvoie le plus souvent, il s’agit de tout ce qui existe et que la sensibilité ne peut atteindre, restreignant par là les prétentions de la raison quant à la connaissance. « Noumène » est parfois considéré comme synonyme de chose en soi,allemand: Ding an sich faisant référence aux faits tels qu’ils sont absolument et en eux-mêmes, par opposition au terme de phénomène, faisant référence à ce qui est connaissable. (source)

 

 

Visionnaire

Eden Saga se donne pour propos de faire ressortir les mythèmes qui composent les pièces d’un puzzle géant, interminable. Seuls les mythèmes nous parlent dans les mythes. Le reste est remplissage. Je note que les pros de la profession utilisent le mot mythologème. Pourquoi faire simple quand on peut fait compliqué ? Je préfère de beaucoup mythème.

Hiho est un comme il est dix, mais il est d’abord un couple, car la Mère des Soleils est mariée. Aussi Hi et Ho sontils un couple d’astronomes. Couple complexe à vrai dire: il y a 3 Hi et 3 Ho. Ils forment cependant un total, non pas de 6, mais de 4, dès qu’on leur a distribué les saisons et les orients. C’est que Yao, enlevant leurs chefs à ces chœurs opposés, a pris soin de conserver à la Capitale proches émanations de son pouvoir régulateur l’aîné des 3 Hi et l’aîné des 3 Ho. Il forme avec ces aînés une triade, auguste et centrale. Si on veut la compter pour 1, un centre se trouve constitué au milieu du carré. (source)Marcel GRANET— La pensée chinoise p 66

Il y avait les chrysanthèmes du Japon, voici les mythèmes de Chine. Ce texte visionnaire décrit, trop allusivement sans doute, deux phénomènes connexes : primo, la durée de l’année 3 x 4 = 12 mois de 3 x 10 = 30 jours, soit 360 jours, jusqu’à secundo, l’irruption d’un Soleil-maître rayonnant, divisé en quatre quartiers (quadrants), dans lequel il est aisé de reconnaître Hyperborée.

Tel un Soleil, central et fixe, l’autorité éminente du Chef y éclate à demeure, tandis qu’elle se manifeste, écartelée aux quatre orients, sous l’aspect particulier qui convient à chacun des quadrants du monde. L’année se distribue dès lors en secteurs auxquels on peut prêter des emblèmes empruntés aux saisons. Ces secteurs rayonnants semblent émaner d’un Soleilmaître condamné à s’écarteler, parce qu’il doit régenter les différents espaces. C’est cependant 6 et non pas 4 (ou 5) qui est le nombre véritable d’une famille solaire, de même que c’est le simple affrontement par bandes et non la répartition en carré qui indique la division première de l’Espace. (source)Marcel GRANET La pensée chinoise p 66

 

Soleil fixe

Mon opinion est que, dans ce court extrait tout au moins, Marcel Granet a lâché la bride à sa créativité sacrée. Je suppose qu’il serait le premier étonné, sinon choqué de l’interprétation que je fais de ses textes qui s’inscrivent dans la droite ligne de la pensée dominante — ce qui n’est pas mon cas. Oh que non. Mais je sais bien que malgré nous, en dépit de nos idées fausses depuis deux mille ans ressassées, au-delà de nos incertitudes et de notre penchant pour l’à-peu-près, certaines idées peuvent filtrer, venues d’ailleurs, édictées par un autre que soi-même.

Tel un Soleil, central et fixe : Soleil avec une majuscule désigne, non pas le lointain astre du jour, mais Hyperborée centrale et fixe au-dessus du pôle nord. Granet le savait-il ? En tout cas il l’a dit. L’autorité éminente du Chef y éclate à demeure : Le chef réside sur Hyperborée, son autorité descend sur les dieux comme sur les hommes du haut de son palais qui trône sur le mont central. Cette montagne que les Grecs ont nommé Olympe avant de la relocaliser chez eux. Acte chauvin quasi universel, la relocalisation des mythes antiques peut se retrouver à travers tous les continents.

Tandis qu’elle se manifeste, écartelée aux quatre orients : Ce sont les quatre orients qui crucifient le monde (source), les quatre régions du globe sont soumises à la volonté du Dieu des Dieux ou de la Grande déesse qui règne depuis l’Olympe céleste. D’où cette nouvelle traduction d’une prière connue : Notre Mère qui es au cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite ici-bas comme en Hyperborée…