L’étudiant en ésotérisme a souvent rencontré cette expression, le Gardien du Seuil, sans être vraiment sûr de ce qu’elle signifie. Au-delà du sens ordinaire, profane si l’on veut, Carlos Castaneda nous a donné la conception des sorciers, tandis que Rudolf Steiner nous donne le point de vue de l’occultisme.
D’abord, qui est ce monsieur ? « Rudolf Steiner, 1861-1925, philosophe et occultiste autrichien, a fondé l’anthroposophie, doctrine ésotérique qu’il qualifie de « chemin de connaissance visant à restaurer le lien entre l’Homme et les mondes spirituels ».
La doctrine de ce guide spirituel est à l’origine de projets aussi divers que les écoles Waldorf, l’agriculture biodynamique, les médicaments et produits cosmétiques Weleda, le mouvement Camphill et la Communauté des Chrétiens. » (source)Wikipedia
Rencontres
Les rencontres avec le Gardien du Seuil sont des expériences de grande importance qui accompagnent l’entrée dans les mondes supérieurs. Voici comment ton Gardien te révèle le sens de son être :
« Jusqu’ici tu as été guidé par des puissances invisibles qui ont récompensé tes bonnes actions et puni tes méfaits. Elles ont décidé de ton destin, elles ont régné sur toi sous forme de la loi universelle du karma. Elles vont renoncer maintenant à une part de leur domination, et leur travail va être remis à tes soins.
De rudes coups du destin t’ont frappés jusqu’ici et tu ne savais pas pourquoi. C’était la suite d’une de tes actions nuisibles dans une existence précédente. Parfois aussi tu as rencontré le bonheur et la joie, c’était aussi un effet de tes anciennes actions.
A présent vont se révéler à toi tous les bons et mauvais côtés de tes incarnations précédentes.
Ces causes étaient jusqu’ici tissées dans ta propre nature ; elles étaient en toi et tu ne pouvais les voir, de même qu’avec ton œil tu ne saurais voir ton cerveau.
Maintenant tout ce passé se détache de toi-même ; il prend une forme autonome que tu peux regarder comme les arbres et les pierres du monde extérieur. Et moi-même, je suis l’être qui s’est façonné un corps avec tout ce qu’il y a en toi de noble ou de vil.
Clarté
Jusqu’à maintenant, tu m’as porté en toi sans me voir. Cet aveuglement fut heureux pour toi, car la sagesse d’un destin qui t’était caché a pu ainsi travailler à mon amélioration. Maintenant que je suis sorti de toi, cette sagesse cachée t’a également abandonné.
Désormais elle ne se souciera plus de toi. A présent, ta propre sagesse doit être assez grande pour prendre sur elle cette nouvelle tâche. Lorsque tu auras franchi le seuil que je garde, tu me verras sans cesse à tes côtés.
Nos destins sont à jamais liés. Quand tu agiras mal, tu en payeras aussitôt le prix car mon apparence s’enlaidira de façon terrible, démoniaque. Quand tu auras réparé toutes tes erreurs passées, quand tu te seras suffisamment purifié, le mal te deviendra impossible ; alors mon être se revêtira d’une radieuse beauté ; nous ne formerons plus qu’un seul être.
Au-delà de la peur
Mais mon seuil est barré par les craintes que tu ressens encore devant l’entière charge de toi-même, l’entière responsabilité de ta conduite, de ta pensée. Tant que tu redoutes d’avoir à diriger toi-même ta destinée, tu dois rester devant ce seuil ou te heurter à lui, tu ne passeras pas. N’essaie pas de le franchir avant d’être affranchi de la peur et prêt à te charger de la responsabilité suprême. Lorsque tu auras franchi mon seuil, tu entreras dans les sphères qu’on ne connaît qu’après la mort. Tu vas y entrer en pleine conscience ; et tandis que tu continueras à évoluer sur terre, tu vas évoluer désormais dans le royaume de la mort, c’est à dire de la vie éternelle.
Car je suis l’ange de la mort en même temps que je suis l’annonciateur d’une vie supérieure, intarissable. Par moi, tu traverseras la mort pour renaître à une existence que plus jamais rien n’anéantira. Tu vas connaître la félicité, tu vas rencontrer des êtres supra sensibles. Et ta première rencontre dans ce nouveau monde, c’est moi-même, ta créature. Auparavant, je vivais de ta vie propre ; tu m’as éveillé, me voici devant toi, juge de tes actions à venir, reproche constant, aiguillon de chaque instant. Tu as pu me créer, mais souviens-toi qu’en même temps tu as pris sur toi la tâche de me transformer en un être parfait. « (source)Rudolf Steiner, L’initiation
L’auteur s’empresse d’ajouter que ce récit n’est pas un symbole, mais une expérience des plus réelles. Sauf que sa description est un poil trop dramatique, et le propos moralisateur date un peu.
Mais l’essence du Gardien du Seuil est bien vue : produit de notre karma, le Gardien est notre double karmique.
Qui est le dragon ?
Un double que, tel une chrysalide, nous avons créé en nous par nos actes, nos paroles, nos pensées, nos émotions. Un double que nous alimentons en énergie, et qui parfois nous joue des tours. Contrairement à l’ange gardien, qui veillait sur nous à notre insu quand nous étions encore endormis, le Gardien du seuil ne nous protège pas. Au contraire, c’est à nous de veiller sur lui, car il peut échapper à notre vigilance. Nos faiblesses l’enlaidissent, et peuvent le tuer.
S’il vit, s’il embellit, s’il rayonne, nous sommes sauvés, conclut Steiner. Pas tout à fait sauvés. Une étape n’est pas l’arrivée. Nous en sommes encore loin.
Un but élevé exige un effort élevé. Disons que nous avons franchi le seuil. C’est une étape irréversible, très importante. On voit que ce point de vue de l’occultisme sur le Gardien du Seuil diffère beaucoup de la version « grand public ».
C’est toi
Pour cette dernière, le Gardien du Seuil se confond avec le Dragon qui garde la tour où est enfermée la princesse. Le prince charmant devra terrasser le dragon, ou le mettre en fuite. Cette approximation génère trop de contresens dans l’esprit du guerrier. Les contes de fées ne disent pas qui est ce dragon. Il est taillé dans l’étoffe de mon être profond, il est fait de la somme de mes actions passées.
Lui, c’est moi. Le dragon est devenu mon bilan karmique, mon avancée sur le chemin intérieur lui a donné vie. Pas question de le tuer ni de le mettre en fuite : son énergie est la mienne !
De guerrier je deviens équilibriste et je travaille sans filet. Par contre, je dispose d’un écran de contrôle : l’apparence subtile de mon double karmique. Sa laideur repoussante reflète celle que je ne peux plus cacher au fond de moi.
« Et tes déceptions, tes malédictions,
s’en vont toutes nues dans la rue ».
Embellir mon double devient ma loi, mon but, mon bon plaisir.
« Mais fais donc un paquet de ta déprime
Histoire de tout balancer
Ta triste mine, ce mal qui te mine
Je peux t’en débarrasser«
(source)Pack Up Yours Sorrows, adaptation Xavier Séguin
Poursuivant mon chemin d’équilibre sur la corde raide de l’autre monde – ce monde de la vie éternelle peuplé d’entités suprasensibles – guerrier dédoublé, puis adoubé, puis unifié, enfin apaisé, je n’ai pas fini de faire des rencontres.
L’univers est rempli de magie et il attend patiemment que notre intelligence s’affine.