Shiva et Shakti

« C’est seulement lorsque Shiva s’unit à Toi, Ô Shakti, qu’Il devient le Seigneur Tout-Puissant. Laissé à Lui-même, Il n’a même pas la force de lever le petit doigt. » (Devi Upanishad)

Tout d’abord qu’est-ce que shakti ? L’énergie féminine qui permet à Shiva principe créateur masculin d’atteindre sa complétude et son opérativité. L’union de Shiva et Shakti est une union charnelle, sexuelle, et qui vise à engendrer autant qu’à la recherche du plaisir. Ainsi faut-il entendre les hiérogamies, les unions sacrées entre un dieu et sa parèdre, sa compagne sexuelle, son complément.

Toute hiérogamie est sexuelle, mais elle prend aussi la couleur des autres centres. C’est une union sacrée qui prend la couleur de tous les centres subtils. Elle est donc à la fois à la fois basique, sexuelle, tripale, émotionnelle, magique, visionnaire et transcendantale.

« Shakti est le principe de l’énergie ou encore du pouvoir de manifestation de la conscience. Dans le système énergétique de la Kundalini, Shakti est tout d’abord représentée par le tattvasignifie en sanskrit : vérité , réalité, essence, principe essentiel. Prakriti.

Prakriti est la nature de l’univers et des individus, c’est-à-dire de tout ce qui apparaît. Elle possède les trois qualités fondamentales ou trois gunas : Sattva la force centripète, Tamas la force centrifuge et Rajas la force orbitante. Elle qui engendre le monde sensible : en elle tous les autres tattvas se déploient et c’est en elle qu’ils se résorbent. (source)

Shiva est le plus ancien dieu de l’Inde. Il incarne la puissance masculine. On le représente sous différentes formes comme l’ascète, le danseur cosmique ou le Yogi. Il possède la connaissance universelle. Profondément plongé dans une méditation continue dans une immobilité et une concentration parfaite, il prépare les transformations du Monde et de l’homme. Il mène une vie de sage dans son paradis sur le mont Kailash. Shiva représente aussi la destruction, mais celle-ci a pour but la création d’un monde nouveau, un monde meilleur.

Voilà ce qu’on entend généralement au sujet de Shiwa Baba – ainsi se prononce son nom en Inde. Vous savez comme moi que ce site ne va pas se contenter de généralités souvent bancales, sinon complètement fausses. Shiva n’est pas immobile à jamais sur le mont Meru ou sur le Kailash. Il réside à bord d’un gigantesque vaisseau-mère venu pour terraformer cette planète, l’ensemencer, y développer la vie organique et finalement y concevoir l’humain, maître après les dieux de tout ce qui vit sur cette planète.

Il a bel et bien existé, non en tant que dieu, mais en tant qu’être vivant qui nous ressemble, tant il est vrai que les dieux nous ont créés à leur image. C’est si vrai que le récit hindouiste de son mariage nous le montre en tant qu’homme, avec ses deux visages très différents, l’un repoussant, l’autre attirant. On reconnaît tamas et sattva. Il y manque rajas, la force orbitante : elle est incarnée par la méditation de Shiva. Trois personnes en une seule : on reconnaît l’éternelle trinité qui résume l’essentiel de notre condition. Incarne ces trois aspects de prakriti, tu connaîtras l’éveil, tu seras l’égal des dieux.

Mais dans ce cas, que vient faire Shakti dans l’histoire ? Shiva semble très bien s’en passer. Oui et non. Sans sa Sahkti, sans l’énergie féminine de sa parèdre qui le complète et le met en mouvement, Shiva n’est qu’un pauvre diable. On voit bien qu’en descendant sur terre il a pris femme. Au ciel il a pris femme aussi. Ailleurs il a pris femme probablement. C’est la nature de Shiva de n’être opérationnel qu’en étant comblé par la sensualité féminine. C’est aussi notre nature à tous et à toutes. 

Est-ce que la complémentarité des sexes est nécessaire pour que l’être s’accomplisse ? Autrement dit, qu’en est-il des homosexuels ? Selon moi, la question ne se pose pas. Nous avons tous l’énergie de l’autre sexe en nous. De nombreuses filles ont tout du mec, j’en ai même connu des franchement macho ! Bien des gars sont plus féminins que beaucoup de femmes, et vice versa. Je dis ça, mais il n’y a pas du tout de vice là-dedans. Ni de versa. De verso, peut-être, mais passons.  

C’est seulement par habitude que je parle de l’autre sexe. Il serait plus exact de parler non de l’autre sexe, mais de l’énergie sexuelle complémentaire, ce qui aurait l’avantage de ne pas exclure les homos.sexuels et sapiens Cette belle sculpture intitulée Le baiser à la source exprime cette nécessaire union. Y a-t-il rien de plus doux que ce baiser-là ? Non. Rien de rien.Y a-t-il rien de plus clair que le message qu’elle nous donne, y compris avec son titre ?

Si tu veux devenir fluide, répandre sans compter ta belle énergie comme la rivière répand son eau pour tout le monde, eh bien, n’oublie surtout pas de donner le baiser à la source. En métallurgie comme en amour, un bel alliage se fait dans la totale fusion. Pas dans la confusion. Je sais où tu commences, tu sais où je finis. Tu n’es pas ma maîtresse, je ne suis pas ton maître. J’écoute, tu reçois. Je prends, tu te sers. Je m’ouvre, tu m’acceptes. Tu te donnes, je m’abandonne.

Les deux forces sont utiles, parce que complémentaires. Mieux encore : elles n’existent que l’une par l’autre. L’indispensable langue des oiseaux montre cette réciprocité dans le mot : mariage. C’est aussi bien l’âge du mari que l’âge de Marie. Alleluia madame Booya.

On peut avoir une lecture symbolique du couple shiva-shakti. On peut les représenter comme des principes. Comme la base de toutes les interactions. Comme les ondes push-pull. Attirance-répulsion. Et la roue tourne, n’oublions pas la force orbitante. C’est vrai, ce couple shiva-shakti est la base et le sommet, l’alpha et l’omega, l’aleph et le tau, le début et la fin. Mais je le maintiens : Shiva a connu une existence terrestre, parenthèse dans sa très longue vie céleste. Peut-être vit-il encore ?

Shiva est ou fut un être vivant, la mort est donc à son programme, comme pour tous les vivants. Le plus puissant des dieux lui-même ne peut prétendre y échapper. Il peut retarder l’inévitable échéance par tous les moyens possibles – et les dieux d’avant ne s’en privaient pas – au bout du compte la mort le prend. Et sa Shakti, sa bien-aimée, de nombreuses femmes ont joué pour lui ce rôle. Comment pourrait-il en être autrement ? On ne passe pas toute une éternité avec la même parèdre. Elle la première se lassera de son bien-aimé, fut-il Shiva. Futile Shiva ! Pars. Vas-t-y. 

Quand je t’aime, je me dois d’incarner Shiva. Mon lingam y gagne en puissance, mon corps en fougue, mes mains en ferme douceur. Et tu seras comblée. J’ai toujours envie de toi. À chaque instant je te désire, jour et nuit, soir et matin. Et le midi je t’aime aussi. Aucun souci. Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai. Jusqu’à ?

L’oiseau de la liberté vole en ligne droite et il ne s’arrête jamais.
Carlos Castaneda