Mages, sages, professeurs, guérisseurs, les Druides gaulois hantent encore l’imaginaire de la vieille Europe. De la Galice à l’Ecosse, de l’Irlande à la Bretagne, du Pays de Galles au Pays Arverne, l’image du druide en robe blanche vibre encore dans le gui des chênes.
On connaît tous le druide Panoramix. Mais ce que Goscinny ne dit pas, c’est la place sacrée que le druide occupe dans la vie gauloise. Il est à la fois professeur, prêtre, guérisseur, stratège ou chef de guerre, et magicien par dessus le marché. Son côté sorcier le rend dangereux, sa science fascine.
Les universités druidiques
Dans le récit Táin Bó Cúailnge, le druide Cathbad provoque la mort d’un émissaire qui a parlé sans permission, car « Nul ne parle avant le roi, mais le roi ne parle pas avant son druide ». Leur côté profs valent aux druides des étudiants sans nombre, venus de toute l’Europe. En Gaule, les universités druidiques étaient aussi réputées, sinon plus, que celles d’Egypte. Bien des jeunes Grecs y sont venus étudier l’astronomie, les sciences naturelles et les mathématiques, toujours selon la tradition orale.
Les druides étaient les hommes les plus savants du monde.
C’est pourquoi nous n’avons aucun texte rédigé par les Gaulois eux-mêmes, car les Druides dédaignaient l’écriture, convaincus que la parole écrite est morte et ne peut donc donner vie à rien de sain. (source)Wikipédia
Comme dans les écoles coraniques, la transmission du savoir était orale. Les étudiants savaient par coeur des milliers de stances et de lois naturelles. Les seules sources écrites dont nous disposons sont latines, principalement la Guerre des Gaules de Jules César. Mais César, pour justifier ses massacres aux yeux du sénat, a rabaissé le degré de civilisation des Gaulois. Il est donc impossible de se fier aux exagérations et aux âneries qui émaillent son journal de conquête.
Il existe également des sources galloise et irlandaise tardives, datant du moyen-âge, mais dignes de foi pour certains auteurs.
Le druide et le chêne
Depuis les Romains, on a longtemps pensé que le mot druide était associé au chêne, à cause des rites druidiques sur cet arbre. Les philologues ont établi que ce terme spécifiquement celtique, présent tant dans le texte de Jules César que ceux du Moyen Âge, provenait de « dru-wid-es » qui signifie « très savants ».
On remarquera toutefois que chêne se dit derw en breton, dervo en gaulois, daur, dar en irlandais. En gallois, chêne se dit derw et druide, derwydd. La parenté entre chêne et druide paraît donc acquise.
En dépit de l’évidence, cette thèse est réfutée par Guyonvarc’h et Le Roux. Pour ces universitaires de la celtitude, il n’existe aucune possibilité immédiate de relier le nom des druides à celui du chêne. Libre à eux de le croire …et à nous d’en douter.
J’ai la conviction que le druidisme est une religion – ou une sagesse – bien antérieure aux Celtes. Elle démarre avec Ram le Bélier, guérisseur qui s’est rendu célèbre en éradiquant la phtysie pulmonaire qui décimaient les Hyperboréens. Et avec quoi a-t-il terrassé cette infection ? Avec le gui du chêne…
Le gui est la plante d’élection des druides, son pouvoir, disent-ils, est sans borne. « Tout gui venant sur le rouvre est regardé comme envoyé du ciel ; ils pensent que c’est un signe de l’élection que le dieu même a faite de l’arbre. Le gui sur le rouvre est extrêmement rare, et quand on en trouve, on le cueille avec un très grand appareil religieux. Avant tout, il faut que ce soit le sixième jour de la Lune, jour qui est le commencement de leur mois, de leurs années et de leurs siècles, qui durent trente ans ; jour auquel l’astre, sans être au milieu de son cours, est déjà dans toute sa force » (source)Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre XVI – XCV
Rama le druide ?
De là à inférer que Ram était druide, il n’y a qu’un petit pas vite franchi. Il était l’ancêtre des druides, tout comme au Tibet, à la fin de sa vie, il devint le tout premier Lama et le vrai fondateur du Bouddhisme. Le personnage de Sakyamouni Gautama, le bouddha dit historique, est une parfaite invention. Le Bouddhisme est né au Tibet, sous l’impulsion de Rama ou Ram, qui est donc le fondateur du Druidisme, du Lamaisme ou Bouddhisme tibétain, et du Mithraïsme, car Mithra et Ram ne font qu’un, ou tout au moins doublonnent. Quand on sait que le Christianisme est l’héritier du Mithraïsme, on voit l’importance planétaire du personnage de Rama.
Les trois éminences
On trouve cette vieille description latine de la religion druidique – un commentaire qui, pour une fois, n’est pas de César. « Chez tous les peuples gaulois sans exception se retrouvent trois classes d’hommes qui sont l’objet d’honneurs extraordinaires, à savoir les Bardes, les Vates et les Druides : les Bardes sont les chantres sacrés, les Vates sont les devins qui président aux sacrifices et interrogent la nature, enfin les Druides, qui, indépendamment de la physiologie ou philosophie naturelle, professent l’éthique ou philosophie morale. » (source)Strabon, Géographie, IV, 4.
Ces trois fonctions incarnent les trois pôles des sociétés chamaniques : le chant sacré pour le Barde, le don de vision pour le Vate, et le pouvoir d’initier pour le Druide.
Les « tout savants »
En vérité, il s’agit d’une déformation due aux Celtes. Ils avaient hérité de l’antique religion druidique des Hyperboréens. Ceux-ci organisaient la société en quatre castes ou collèges. Les Celtes, obsédés par la triade, ont ramené les quatre collèges à trois. D’où la célèbre thèse de Georges Dumézil sur la tripartition fonctionnelle de nos sociétés. J’ai eu l’occasion d’indiquer mon désaccord. A l’origine, toutes les sociétés terrestres reposent sur le modèle que les dieux astronautes nous ont donné et qui nous a été transmis par Rama : la quadripartition fonctionnelle.
« Les Druides, les “tout savants”, étaient les initiateurs de la première fonction. Ils portaient une ample tunique blanche, sans ceinture qui est à l’origine de la chemise sans couture du Christ/ (J)Esus Cernunos. C’était leur soi-disant “vêtement de femme” dont parlaient les Romains, eux qui portaient des jupes plissées ! Leurs attributs étaient la ceinture et la crosse appelée Lituus, comme chez les Romains. Les Druides dissertaient abondamment des astres et de leurs mouvements, de l’immense étendue du monde et de la terre, de la nature des choses, de la puissance et du pouvoir des dieux immortels et ils transmettaient ces connaissances à la jeunesse. » (source)Jules César, Comment./ Guerre des Gaules, VI–XIV.
En langue des oiseaux, tout savants s’entend aussi tous avant… Ce qui montre à quel point les druides passaient avant tous les autres. Et tous les dieux celtes savent que les druides s’y entendaient dans cette noble langue des oisons, qui sont les petits de l’Oie.
Pontonniers et pontifes
Ils vivaient isolés, car ils étaient les intermédiaires, le “pont” de communication entre les hommes et les Dieux – d’où le nom du Pontifex à Rome, et du souverain pontife qu’on donne au Pape – le pont aussi entre les hommes et le Roi dont ils étaient les conseils. Rappelons que “s’ils parlaient avant le roi, c’était néanmoins lui qui décidait” ! (source) De fait, chez les Celtes, le druide occupe une double fonction : il est mage guerrier dans les batailles et sage guérisseur après le combat. Tout comme Merlin, Gandalf et plus tard les Templiers, ou les moines de Shao Lin. « Idéalement, tout pouvoir est rattaché aux druides et à l’autorité de leur science divine. Le roi est un noble investi d’un mandat de gestion temporel sur la noblesse et les classes laborieuses qui se partagent les devoirs sociaux : respectivement la protection et la satisfaction des besoins de tous. » (source)Claude Sterckx, Mythologie du monde celte, page 54, Marabout, Paris, 2009
Les Druides, devins et initiateurs, sont aussi guérisseurs. « Les Tuatha Dé Danaan ont un dieu-médecin, Diancecht qui est un expert dans la magie et la médecine. Il soigne et rétablit les blessés, il ressuscite les morts en les immergeant dans la Fontaine de Santé, il fabrique une prothèse au roi Nuada qui a eu le bras arraché. Les épopées sont pleines de ces guérisons, où les plantes, les incantations et les breuvages magiques sont utilisés. » (source)Wikipédia
Déjà une nouvelle religion montrait le nez… A partir du 3e siècle de notre ère, la montée en puissance du christianisme fit reculer la vieille religion de la Déesse Mère, Bélisama, pourtant solidement implantée chez les Celtes.
La truie qui file
La légende dit que Merlin, qui vivait au 6e siècle, à la fois païen et chrétien, fut le dernier druide et le premier évêque. Or le premier évêque officiel est Irénée de Lyon… Pourtant jusqu’au 11e siècle, voire jusqu’à la Renaissance, on sait que les Druides exerçaient encore leur noble art. Les curés et les évêques n’aimaient pas beaucoup ces pratiques au fort relent de soufre. Alors le druide se cachait. Tout guérisseur qu’on soit, on n’a pas trop envie de finir sur le bûcher de la Sainte Inquisition ! A deux pas de la cathédrale de Chartres, une curieuse enseigne se balance à la façade d’un restaurant. On y voit une truie qui file.
Depuis 2011, date de la publication de cet article, cette enseigne a disparu. Rassurez-vous, on la trouve encore dans beaucoup d’autres villes. (note de 2022)
Cette enseigne n’est pas rare, on la trouve un peu partout en France et même à Paris, rue Saint Jacques. Une gentille légende bretonne dit qu’une jeune fille se serait changée en truie pour échapper à un viol. Plus sérieuse est la version de Fulcanelli. Selon lui, la truie signifie le druide, par homophonie. Et si elle file, c’est que le druide est guérisseur. Dans la tradition irlandaise, le file est un devin qui impose les mains. A l’enseigne de la truie qui file, les initiés ou simplement les familiers de la langue des oisons savaient qu’ils trouveraient un druide guérisseur.
J’en profite pour corriger une erreur trop répandue. « Il est bien à noter que le file est strictement irlandais comme sa hiérarchie et pas panceltique. » (source) Le file n’appartient pas seulement à la tradition irlandaise, mais aussi à la nôtre, bien française. Ces enseignes en seraient la preuve.
Qui est Fulcanelli ? Un bien étrange personnage en vérité. Sous ce nom sont parus jadis deux ouvrages ésotériques sur la symbolique alchimique, Le mystère des cathédrales et Les Demeures philosophales. Selon la légende, Fulcanelli aurait réalisé le grand œuvre, c’est à dire non seulement changer le vil métal en or, mais aussi découvrir les secrets de la vie éternelle et de la pierre philosophale, avant de disparaître mystérieusement. Il aurait laissé dit-on un legs d’une rare importance. C’est tout ce qu’on sait, même si certains chuchotent… Par les vertus d’une magie très druidique, voire alchimique, Fulcanelli aurait-il donné vie à quelque créature, à quelque golem immortel ?