Cinq mondes possibles

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Il existe cinq plans accessibles à l’homme, nous enseignent les sorciers toltèques. Chacun de ces plans comprend une infinité d’univers parallèles. Ces cinq plans sont les « bandes d’émanations » dont parle Castaneda. « Il y a cinq grandes bandes d’émanations que nous pouvons assembler. Une bande dans laquelle nous sommes, et deux autres de chaque côté. »

Cette curieuse formulation renvoie à la belle théorie de la connaissance des sorciers toltèques, à laquelle se réfère constamment Juan Matus. Aux aventureux intrépides, je recommande la plus grande prudence. Ecoutez votre ventre, il sait, il sera votre meilleur guide. Méfiez-vous de votre coeur, souvent d’artichaut, il peut vous perdre sur certains plans implacables. Si la quête de l’inconnu est bonne, il est inutile – voire dangereux – de chercher l’inconnaissable. 

La recherche de l’inconnu est stimulante et gratifiante, la quête de l’inconnaissable est épuisante, décourageante et vaine. Quelle que soit votre quête, à ces signes qui ne trompent pas vous reconnaîtrez le chemin de lumière et la voie de garage.

 

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Si la route que vous suivez ne vous apporte que soucis, chagrin, fatigue ou maladie, ne vous y obstinez pas à tenter de saisir l’insaisissable. Acceptons nos limites, ce qui est d’autant plus facile qu’elles sont en train de reculer vitesse grand V. A demain les miracles, à tantôt l’absolu.

De quoi ont-ils l’air, ces cinq plans des sorciers amérindiens ? Ils ressemblent au nôtre. Vers la gauche, il y a la première grande bande d’émanations de l’Aigle, le premier ensemble de mondes accessible aux humains. Il y règne d’abord une chaleur oppressante, et une pesanteur qui peut s’avérer insupportable. Aussi, quand des mystiques chrétiens sont tombés dedans, ont-ils évoqués les enfers : chaleur, oppression, l’enfer des curés ressemble trop au monde d’en bas. A part quelques notables différences…

Les êtres qu’on y rencontre sont faciles à manier. A condition de ne jamais leur dire ‘oui’ quand ils vous invitent à rester parmi eux. Si vous le faites, vous avez signé le pacte, le piège se refermera sur vous. Tant que vous ne le faites pas, vous ne risquez rien. Faites-vous donc votre propre opinion, allez voir. Et n’oubliez pas de remonter, ce qui n’est pas une mince affaire, combien y sont restés à jamais. Et des farouches.

Ce monde n’est pas vraiment en bas, mais à gauche du mur de brouillard. Pour y aller, il suffit de traverser le brouillard. C’est difficile, parce que le mur de brouillard tourne en même temps que nous. Difficile de se trouver en face de lui. On a beau tourner, il reste toujours à notre gauche.

De même le monde d’en haut n’est pas réellement au-dessus du nôtre, mais à côté, ou ailleurs. C’est le monde astral des rêves joyeux, un monde de lumière et de clarté qui cependant recèle plus d’un piège. Le visiteur imprudent, trop sûr de lui ou trop naïf, ne manquera pas d’y laisser quelques plumes. Tout ce qui brille n’est pas or, et le monde des anges est peut-être enchanté, il est rarement enchanteur.

Les abrutis bas de plafond qui invoquent les anges à tour de bras méritent les déboires incessants qu’ils s’attirent. Laissez les morts enterrer les morts, nous avons bien assez de travail avec les vivants. Je reviendrai plus loin sur ces deux mondes immédiatement accolés à notre monde de tous les jours. Ce sont les mondes de toutes les nuits.

Mais il existe encore deux plans, ou deux mondes, qui nous sont théoriquement accessibles. 

 

Ce monde est tout plein de choses magiques qui attendent patiemment que nos sens s’affinent. (William Butler Yeats)

 

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D’après Castaneda, ces plans de réalité nous attendent aussi de l’autre côté du mur de brouillard. Ils sont accessibles à l’homme, non sans difficultés. Les femmes ont plus de facilité que les hommes à fixer le mur, à pénétrer le brouillard et à s’y déplacer, car elles sont plus fluides, et surtout, elles sont équipées d’un dispositif qui leur donne la maîtrise de la vie et de la magie : leur matrice. Celles qui ont appris à s’en servir sont capables de prouesses que nul homme ne peut égaler. Ainsi la période des menstrues leur offre un passage facile vers la haute magie.

A dire vrai, les règles sont le seul permis de conduire qui existe en ce domaine. Les Sioux les appellent les lunes, parce qu’elles sont censées venir à la pleine lune… Ce qu’elles font immanquablement à condition que la femme ne soit ni pilulée, ni stressée, ni déboussolée. Quand s’ouvre la Porte des Lunes, cinq jours avant les règles, donc cinq jours avant la pleine lune, l’univers visible se met à faire des vagues.

Entre ces vagues une femme se glissera sans peine ; si son pouvoir est grand, elle pourra y emmener un homme ou deux. Certaine sorcière d’exception y a emmené toute une équipe de footballeurs. Mes copines sorcières me signalent de fréquents cas de menstrues à la nouvelle lune et à la pleine lune. Deux fois par mois ! Certaines pourraient s’en plaindre, celles qui n’en voient que les inconvénients. Mais les sorcières se régalent ! (source)Ce paragraphe a été ajouté en juin 2017. 

 

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De l’autre côté de notre grande bande d’émanations, vers la droite, se trouve le monde de la lumière blanche. C’est le Gwenwed des Celtes. Un monde plein d’embûches. On y rencontre des créatures lumineuses qui n’ont rien d’angélique. Leur puissance sans état d’âme les rendent terribles à nos yeux. Les mystiques chrétiens qui s’y sont trouvés ont parlé de paradis, mais à voir leurs stigmates ou autres mortifications, je doute qu’il s’agisse d’un paradis pour nous. Inutile de les suivre sur cette voie scabreuse, trop mentale pour être honnête. La lumière blanche est un camp d’entraînement, on y fait ses gammes, on observe, on y affûte ses vingt-cinq sens. Dès qu’on en sait assez, on se casse vite fait. 

Les sorciers et les guerriers de lumière ne sont ni des rabbins ni des curés. Ils ne peuvent se permettre la moindre naïveté ni le moindre angélisme. Ils sont sur leurs gardes, toujours ; dans cet univers prédateur, ils tentent d’avoir un œil sur tout. Le monde de lumière blanche est terriblement rapide, beaucoup trop rapide pour le guerrier le plus aguerri. Inutile d’aller s’y planter béatement pour se faire pomper l’émotivité par les êtres lumineux. Ils s’en nourrissent.

Combien de mystiques ont donné dans ce panneau, qui ont vécu l’enfer sur terre, dans un corps de douleurs, de plaies et de maladies, pendant qu’un sourire béat éclairait leur visage émacié. Ces gens-là sont victimes de vampires psychiques, les pires. Les autres me sont inconnus. On ne se méfiera jamais assez de la lumière blanche qui est aussi celle de l’éveil. Elle est aveuglante, grisante, et nous égare très facilement. D’un seul coup, on se retrouve à jouer dans la cour des grands, des très grands, mais personne ne nous a jamais donné les règles de ce jeu-là. Personne.

Et nous, pauvres de nous, à force d’espérer le miracle, on y croit. On pense que tout est bon qui brille comme de l’or pur, on croit aux anges comme l’enfant croit au Père Noël. Sans doute confond-on ces « anges » avec l’ange gardien. Erreur : l’ange gardien est intérieur. La nuance est d’importance. Si tu vois un ange dans ce monde ou dans un autre, ce n’est pas ton ange gardien, c’est un prédateur. Il peut bouffer tes émotions, il sait les déclencher en toi pour s’en repaître, comme font certains aliens. Et il croquera ta luminosité. Et tu finiras par y laisser la vie. Et si tu es mystique, tu béniras comme un crétin le jour de ta rencontre avec « ton » ange. Change de trottoir vite fait. Oublie la lumière blanche pour l’instant, danger. Temps mort. 

Aliens, anges, la différence est infime. Elle est uniquement dans notre regard. 

 

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Le nom qu’on donne à ces êtres dépend surtout de notre propre système de référence. Au delà de ce plan de la lumière blanche, on peut tenter d’atteindre le plan suivant, qui est encore à notre portée. Il est accessible, oui. Certains y sont allés.

De la même façon, juste à l’opposé, au-delà du plan décrit naïvement comme les enfers, il y a encore un plan qu’on peut atteindre. Sur ces deux plans extrêmes, rien n’a été enseigné ni par oral ni par écrit. Pour la plus simple des raisons : nul ne peut rien en dire. C’est l’opinion de Juan Matus, et c’était la mienne aussi jusqu’à ce qu’une prodigieuse sorcière me montre le chemin. J’ai visité ces plans extrêmes. Pendant des lustres, avec son aide, j’ai permuté de niveau jusqu’à devenir parfaitement fluide.

Je me suis promis, un jour, de raconter cette expérience et tous les possibles qu’elle a ouvert pour moi. Le temps a passé qui a chahuté ma mémoire, avec la paix intérieure le silence est venu et c’est bien ainsi.

 

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« Dure est la Voie, sûr le chemin, rogue est la route, triste est la piste, lente est la sente, nue l’avenue, hard le boulevard, lasse est l’impasse, cage le passage, belle la venelle, ailée l’allée, entier le sentier, noir le couloir, laid le défilé, lié l’escalier…  mais au bout du compte on se rend compte qu’on est toujours tout seul au monde » slamait le regretté Lao Surlam. Que j’aimais tant écouter quand j’étais un petit enfant.

 

Il n’y a pas de pessimistes, il n’y a que des optimistes bien informés.
Patrick Timsit