L’étoile sur terre

Les arcanes majeurs du tarot initiatique montrent la personne que tu es. C’est toujours toi qui est représenté sur l’arcane. Ainsi, tu es l’étoile. Non pas au fond du ciel, mais sur la terre. Ta lumière n’éblouit pas, elle apaise. Elle donne à voir. Elle est ton guide. Un jour, après ton départ, elle sera susceptible d’en guider d’autres sur le chemin montant qui conduit vers la Voie.

L’étoile du tarot représente la réalisation d’une œuvre qui va faire date. Il s’agit d’une œuvre sacrée. Un écrit, une peinture, une musique, une danse, une sculpture, une architecture, quelque soit le domaine où l’œuvre s’exerce, on la reconnaît à ses effets sur ceux qui sont à son contact. Cette œuvre-là ouvre à l’éveil. Elle fait progresser. Elle pousse vers le haut. Elle tire de chacun ce qu’il a de meilleur. Elle ouvre les cœurs comme elle élargit les esprits et comme elle épanouit les cœurs.

L’arcane montre une femme nue qui verse l’eau de deux cruches dans un ruisseau. Singulière façon de faire. D’ordinaire, on puise l’eau dans les sources, on n’en verse pas. Sauf si notre eau est assez pure pour qu’on puisse l’ajouter à l’eau vive. Ainsi fait cette femme qui verse son eau dans l’eau du Vivant.

La femme est nue. La nudité du tarot exprime la pureté intérieure. Elle se retrouve dans tous les arcanes qui suivent l’éveil en Maison-Dieu. L’arcane XVI montre une tour couleur chair. La tour est nue, elle aussi. C’est ton corps, toi qui tires cette carte. Tu es le personnage central de chaque arcane.

Tu es nu, car c’est nu que tu rencontres le saint esprit. Tu es pur, tu t’envoles dans la lumière blanche, tu connais l’éveil qui très vite te recrache. Et tu redescends sur terre avec ton double. Pourtant il est habillé, comme toi. Tu retombes sur les mains. Tu n’es plus tout à fait du monde, même si tu y es encore.

Les arcanes qui suivent montrent la nudité sous toutes ses facettes. Nudité animale, avec les deux chiens et l’écrevisse de la Lune. Nudité enfantine, avec les jumeaux sous le Soleil. Triple nudité du Jugement, qui répond au trio vêtu de l’Amoureux. Nudité de l’androgyne céleste du Monde, en majesté dans sa mandorle.

Et le Mat ? En fait de nudité, il n’a qu’une fesse à l’air… C’est qu’il a fini son cycle terrestre. Le voici bouddha. Il n’a plus rien à voir avec ce plan matériel. Il est hors ligne, c’est pourquoi il n’a pas de numéro. La nudité / pureté n’est plus au programme, pas plus que tout le reste. Une exception pourtant : la fesse. Il y goûte encore avec quelque plaisir, tout comme la bonne cuisine qu’il prépare : voyez le bâton qui tient son baluchon, c’est une grande cuillère en bois.

Mon étoile

Retour à l’étoile. La bonne étoile, la mienne, qui jamais ne m’a fait défaut. Ni à toi, ami lecteur. Car mon étoile, mon grand œuvre, la tâche sacrée qui m’occupe depuis plusieurs décennies, la voici, tu es en train de la lire. Mon étoile, c’est ce site, c’est la Saga d’Eden.

Au lieu d’une œuvre limitée dans le temps, comme le font les gentils arcanes bien disciplinés, j’astique mon étoile depuis longtemps, et ce travail me prendra des années encore. Tant que je vivrai, probablement. Je me vois mal m’arrêter en si bon chemin.

Mon bon plaisir est d’écrire, je l’ai fait toute ma vie. La retraite et internet m’ont donné la liberté d’écrire enfin ce qui me chante, ce qui vous enchante. J’appartiens, faut-il le dire ? à la tradition des enchanteurs. Eh oui, tout comme le vieux Merlin, à qui l’on m’a parfois comparé. Je ne sais si je mérite cet excès d’honneur ou cette indignité.

Pourquoi me prendre pour un autre, si illustre soit-il ? Comme Jacques Brel, je crois fermement qu’il ne faut se comparer à personne, sinon à celui que nous étions hier. La réalisation du grand œuvre, c’est devenir soi-même, incarner enfin celui que l’on est.

À écrire devant la mer immense, à rêver devant les nuages sans cesse renouvelés, à contempler le soleil qui ruisselle dans l’éclat des fleurs nouvelles, à composer des images et des textes dont je suis le premier lecteur, ému de voir jaillir d’on ne sait où ces mots que je n’ai pas pensés, qui se formulent d’eux-mêmes, enchanteurs, charmeurs, rigolards et planants, je me dis que ça valait le coup d’en chier si longtemps. Puisqu’à la fin, l’amour triomphe.

Au bout du compte, mes vies m’ont transporté. Qu’est-ce que je me suis marré, comme dit Bébel dans l’œuvre maîtresse de Bertrand Blier, Les Acteurs. Je suis un homme comblé. Tout doucettement je marche vers ma dernière demeure, que je souhaite la plus lointaine possible. J’ai tout mon temps. La retraite a ça de bon.

Il n’est de bonne compagnie qui se quitte, dit-on. La vôtre, amis lecteurs, chères lectrices, est sans doute la meilleure qui se puisse rêver. Je n’ai aucune envie de la quitter trop vite, ni de m’en passer si peu que ce soit.

Vos e-mails chaleureux, amusants, excitants, tantôt graves, tantôt légers, pleins d’inattendu, d’irrévérence, d’humour, comme ils me ressemblent, comme ils font écho à ma vie et mes écrits ! Et nos rencontres donc ! Délicieuses. Fabuleuses. Exquises. J’adore cette façon que nous avons, vous et moi, de passer de l’autre côté du miroir. J’adore mettre un visage, un corps, une âme vive sur ces mots que vous m’adressez.

Mon jardin face à la mer abrite deux demeures. La mienne, maison de poupée perchée sur le cap d’Erquy, ainsi qu’une autre en contrebas, plus grande, où je vous reçois quand vous me faites l’honneur et le plaisir de me rendre visite. Nous mangeons ensemble les petits plats que je cuisine, à base d’amour pur et de produits locaux. Nous errons ensemble sur les chemins escarpés, le long des falaises, au creux des bois, face au grand vent du large.

Ma Bretagne est une terre d’accueil. Quelque soit le mois de l’année, il y a quatre saisons dans une seule journée. Certains prétendent qu’il y pleut beaucoup. Rassurez-vous, il y fait beau plusieurs fois par jour ! Et puis, pour écouter le vieux conteur que je suis, quel meilleur endroit que le coin du feu ? N’attendez plus, venez me voir. Pour le plaisir. Vous me reconnaîtrez, je ressemble à mon site. Ma vie est une saga. Vous êtes mon Eden.

La réponse mon ami t’est soufflée par le vent.
Bob Dylan