Mamy la Papesse

 

Ici continue le récit de ma vie en regard des 22 arcanes majeures du tarot initiatique. Comme je m’en suis déjà expliqué, j’ai choisi d’utiliser les gravures de Jean Dodal, dans la magnifique restauration du regretté maître cartier Jean-Claude Flornoy, mon ami et benefactor.

 

C’est le temps de l’arcane II – LA PAPESSE. Jean Dodal, à son habitude, orthographie ce nom différemment : LA PANCES. S’agit-il d’une faute d’othographe ? On sait qu’au 17e siècle l’orthographe était encore fluctuant. Mais la vérité est ailleurs, et la pseudo faute est volontaire, à en croire notre auteure Noémie Fortin.

La Papesse et les trois arcanes qui suivent sont les seules dont vous n’êtes pas le personnage principal de l’arcane. Le Bateleur, c’est l’enfant nouveau-né. L’Amoureux, c’est l’ado qui reçoit un coup de foudre. Si vous êtes une femme, voyez l’Amoureux comme l’Amoureuse, et le Bateleur comme la Bateleuse. Mais pour les arcanes II, III, IIII, et V vous n’êtes ni la Papesse, ni l’Impératrice, ni l’Empereur, ni le Pape.

Je cite ici la découverte de Flornoyvoir photo  qui voit dans ces quatre arcanes les quatre initiateurs que le jeune enfant rencontre en grandissant. Ces quatre initiateurs lui permettront d’avoir un aperçu des collèges – ou castes – qu’ils représentent, et ainsi de l’aider à choisir laquelle lui convient le mieux.

Pour Flornoy, la Papesse représente le collège – ou la caste – des artisans et des manuels, agriculteurs, ouvriers, etc. Il voit dans l’Impératrice le collège des marchands, financiers, commerçants, tous ceux qui manient l’argent. Pour lui, l’Empereur incarne la force et l’ordre. Il représente le collège des policiers, gendarmes, militaires, mais aussi de la magistrature au sens large. Enfin le Pape, dernier initiateur, représente ceux qui soignent l’âme et le corps : collège des prêtres, rabbins, imams, médecins, thérapeutes, guérisseurs, psychologues et psychiatres, etc.

C’est vrai, mais c’est encore plus vrai si on y ajoute ceci. La Papesse est aussi la grand-mère, l’Impératrice la mère, l’Empereur le père et le Pape le grand-père. Ce sont les quatre initiateurs que l’enfant rencontre au cours de son enfance. Pourquoi dans cet ordre ? Je m’en suis expliqué ailleurs

« Entrons dans ces images et retrouvons les étapes de notre toute première initiation, celle du corps physique. D’abord, la grand-mère donne au tout-petit une tendresse sans faille et sans stress. C’est le terreau sur lequel l’être pourra s’épanouir. Puis la mère lui prodigue ses soins et son amour. Au moyen-âge, à cause de la mortalité infantile élevée, la mère ne s’occupait pas des très jeunes enfants, confiés à la charge d’une nourrice ou d’une grand-mère. Vers l’âge de 7 ans, le père prend la relève. Vers 14 ans, vient le tour du grand-père, qui transmet les secrets de l’âme. »

Ma grand-mère et ma mère – âgée, elle fit souvent office de seconde grand-mère pour moi – m’ont appris le goût du travail manuel, le plus souvent artistique. Je me revois tirant la langue, à quatre ans, pour tenter de reproduire sur un cahier à carreaux les merveilleuses frises que Maman dessinait comme modèle pour son bout de chou. Observation, précision du geste, soin et respect de l’œuvre, rien n’a manqué à ma formation d’artisan, grâce soient rendues à ces deux initiatrices. Nul doute que mon talent d’artiste s’origine dans ces patientes imitations.

 

 

Nous avons tous rencontré, dans notre très jeune âge, une initiatrice de ce type, qu’elle soit notre mère, notre grand’mère, une tante, une maîtresse à la maternelle ou une amie de la famille. Cette initiation au travail manuel passe aussi par les fameux jouets éducatifs pour la petite enfance, cubes, jeux de reconnaissance de formes, de couleurs, cubes ou puzzles d’apprentissage de la lecture, reconnaissance des objets usuels, des animaux familiers…

Dans son premier âge, l’enfant apprend avec ses mains. Il doit toucher pour connaître. Quand j’étais petit, il y a avait cet écriteau dans les magasins de jouets : « On touche avec les yeux« . Pour un petit, les yeux ne suffisent pas. C’est la main qui connaît. Plus tard, la proximité de la mère dans l’exercice quotidien de la gestion domestique apprendra d’autres valeurs au jeune enfant. Mais pour l’instant, c’est la main qui prend et qui apprend. 

 

Pourquoi La Pances ?

Oui, on peut se demander si l’orthographe fantaisiste de Papesse est anecdotique. Mais non. La distorsion est trop grande. Jamais Papesse ne peut se prononcer Pances. Il y a autre chose. Je cite Noémie Fortin : « Sainte en apparence, •LA•PANCES• a une seconde face de loup, par son menton bizarre qui ressemble à un museau. On le voit mieux lorsque le nez s’efface… Un « L » est imprimé dans le bleu de sa toge – sur sa pance,pour panse – la faute est volontaire justement! Est-ce la marque du Loup ?

Sur sa poitrine, en blanc et couleur chair, apparaît ce qui semble être un membre viril… Cette arcane aurait-il un lien avec la légende de la papesse Jeanne ? En 855, travestie, elle est nommée pape Jean VIII. Elle met un enfant au monde lors d’une procession. La foule scandalisée la lapide aussitôt. On ne connaît pas le sort de l’enfançon. » (lire la suite)

À propos de cette fameuse marque du Loup, je ne sais si je la possède aussi. toujours est-il que j’appartiens au Clan du Loup, précisément. Notre rôle est celui de passeurs d’âmes. J’ai exercé cette fonction pendant plus de quinze ans, mais à présent j’ai pris ma retraite. Les petits mystères d’Isis n’ont plus besoin de passeur pour se résoudre. Maintenant ça se fait dans le vivant de chacun. J’en suis bien content, car ce sacerdoce est un des plus pénibles qui soit.

La Pances n’a pas rendu tous ses secrets, le nouveau-né n’a pas vomi son quatre-heures, le lecteur ravi n’a pas perdu son temps. Peut-être qu’à présent le tarot devient vraiment initiatique ?

À suivre : La Reine Mère

L’esprit qui ne lit pas, maigrit. Comme un corps qui ne mange pas.
Victor Hugo