Velléda est une prophétesse gauloise du 1er siècle de notre ère. Comme la plupart des druidesses, elle était aussi guérisseuse et  thaumaturge. Le peu qu’on sait de son histoire m’a titillé. Alors j’ai dû me rendre à son époque.

 

Son nom s’écrit aussi Velleda, Veleda ou même Welleda. Il vient du gaulois veled, en irlandais filid, qui signifie le druide guérisseur — on le retrouve dans le vieux français file, le guérisseur, comme dans l’expression la truie qui file. Pour respecter cette étymologie il faudrait écrire Filéda, la guérisseuse. Mais l’orthographe la plus courante est Velléda, je l’ai reprise ici. 

Les druidesses possédaient une science magique plus ancienne et plus terrible que les druides. C’est la raison pour laquelle l’église chrétienne des origines reconnaissait aux femmes le droit de célébrer la messe, comme il apparaît sur une fresque antique des catacombes de Rome.  

Druidesse ou pythie, Velléda a vécu la période cruciale du premier siècle de notre ère, quand le christianisme de Jésus ne s’était pas encore imposé sur les autres religions chrétiennes, quand aucun des évangiles canoniques n’était encore écrit. La Gaule –ou plutôt les Gaules– étaient alors des terres de haute magie, où les mages, les druides et les enchanteurs rivalisaient d’adresse dans l’art de guérir et de prédire.

On venait de très loin pour consulter les oracles gaulois, d’aussi loin que la Syrie, l’Inde ou l’Éthiopie. Les druides qui filent ou druides guérisseurs faisaient merveilles, accumulant des guérisons spectaculaires et même des résurrections. De nombreux charlatans profitaient de ce contexte pour berner les naïfs.

C’est du moins ce qu’on prétendait dans l’empire romain, qui cultivait alors la pire image des Gaules, pourtant phare culturel de ce coin du monde. Pour Rome, toute contrée non romanisée est forcément sauvage; les Gaulois pratiquaient des sacrifices humains, des tortures jusqu’à la mort et autres coutumes barbares. Tous ces faits ont été grandement exagérés par les tribuns romains, qui voulaient montrer ce peuple sous un jour détestable. Ainsi Rome se posait en sauveur et en civilisateur, ce qui justifiait la conquête par Jules César, à peine un siècle plus tôt.

 

 

La réalité était bien différente. La Gaule abritait depuis des siècles une civilisation raffinée, dont l’artisanat, les artistes et la mode étaient appréciés dans tout l’Empire, orfèvrerie, joaillerie et tissage qui faisaient école jusqu’en orient. Les fils de famille venaient de tout l’Empire étudier les sciences et le savoir caché dans les universités druidiques à la réputation élogieuse. Mais si Rome avait reconnu ces faits, son agression militaire contre les Gaules serait apparue sous son vrai jour : le pillage pur et simple. Vae victis,Malheur au vaincu comme dit l’autre.

Velléda vivait donc dans une terre magique, la Gaule germanique. Un pays dont elle ignorait les paysages, enfermée à double tour par des parents soucieux de protéger ses intérêts… ou les leurs. Velléda était donc recluse dans une tour sur la Lippe, affluent du Rhin, dans la région de Dortmund. Voici ce qu’en dit Wikipédia, qui cette fois-ci n’est pas bavard, ni dans sa version française, ni dans sa version allemande.

« Fille de Segenax, elle était de la nation des Bructères et habitait une tour sur la Lippe. Elle exerçait une influence immense sur toutes les populations germaniques : ainsi Tacite rapporte que les habitants de Colonia Claudia Ara Agrippinensium (Cologne) lui confièrent l’arbitrage de leur conflit avec les Tenctères, une tribu germanique habitant hors du limes, c’est à dire hors des frontières de l’empire romain. 
 
« Considérée comme une déesse vivante, en communication constante avec les dieux Sucellus et Nantosuelte, les envoyés des deux parties ne furent pas admis en sa présence, et la prophétesse rendit son jugement » par l’intermédiaire de ses parents, comme elle le faisait à chaque fois qu’on demandait son oracle. « Dans une inscription trouvée à Augusta Rauricorum (Augst moderne), Sucellus est identifié avec Silvanus » (wikipédia)
 
« Tacite lui fait jouer dans le soulèvement des Bataves contre Vespasien en 70 un rôle aussi important que celui de Civilis, mais on ne sait si elle prophétisa simplement la rébellion ou eut un rôle plus actif. Une démonstration de force opérée par neuf légions sous le commandement de Gaius Licinius Mucianus mit fin à la rébellion.
 
« Le général Petilius Cerialis captura Civilis, mais il traita les rebelles avec clémence, et Velléda ne fut pas inquiétée. Un bref extrait de Stace permet d’établir que Velléda, prisonnière en 77 ou 78 du général romain Caius Rutilius Gallicus, fut amenée à Rome, où elle vécut, semble-t-il, quelques années. Une épigramme grecque retrouvée à Ardea, au sud de Rome, se moque de ses pouvoirs magiques. » (wikipédia)
 
 
 
 
C’est à peu près tout ce qu’on sait. Pour étoffer ces infos laconiques, il fallait que je me rende sur place. Voici le récit de ma quête. Velléda était adorée comme une déesse, et son  statut sacré était encore renforcé par son isolement dans cette tour. L’image d’une jeune vierge enfermée dans une tour sera reprise et développée dans bien des contes et légendes médiévaux.
 
Ici nous sommes, semble-t-il, à l’origine de ce mythe. Je crois en effet que c’est Velléda qui a servi de modèle et d’archétype initial. Chaque tour, gardée ou non par un dragon, deviendra la tour de Velléda, que des parents sévères ont enfermée pour protéger sa vertu. En tout cas, cette légende romantique de la jeune et belle vierge dans sa tour a touché Chateaubriand au point qu’il la fit apparaître dans l’un de ses romans, Les Martyrs, écrit dans sa propriété de la Vallée aux Loups.actuelle commune de Châtenay Malabry 
 
Dans son livre, Velléda n’a qu’un tout petit rôle, mais Châteaubriand la kiffait grave. Dans sa propriété de la Vallée aux Loups, il fit bâtir une tour à laquelle il donna le nom de la prophétesse gauloise.  
 
Les seules personnes admises auprès de Velléda étaient ses parents. Elle n’a jamais vu d’autres êtres humains que son père et sa mère, qu’elle confondait sans doute avec les dieux qui lui rendaient visite. En effet, la jeune sibylle passait ses journées dans un état d’euphorie que certains qualifieront de transe mystique. Sans doute les aliments et les tisanes préparés par ses parents y jouaient un rôle.
 
Dans sa transe hallucinée, Velléda adorait le dieu gaulois Sucellos, que les Romains appellent Sucellus. L’amateur de la langue des Oisons préfère le nom gaulois.
 
Sucellos était armé d’un marteau magique, encore un, et mériterait à ce titre de figurer au panthéon des divinités aux armes magiques. Ça commence avec Shiva et sa bombe, Yahveh et la sienne, puis ça se poursuit avec Zeus et son tonnerre, Osiris et ses couronnes, Thor et son marteau, Cuchulainn et son Gae Bolga, et ça continue avec le preux Roland et sa Durandal, le Roi Arthur et son Excalibur !
 
Sucellos porte un marteau magique, parfois remplacé par une faucille. La faucille et le marteau, déjà ! À l’aide de son marteau, Sucellos peut aussi bien tuer que guérir, rendre fou, donner l’éveil, et même ressusciter les morts, comme le faisait sa prêtresse Velléda.
 
Le marteau de Thor est doué de la même magie. Selon moi, il s’agit d’armes technologiques, utilisant l’électronique, comme expliqué dans les articles précédemment cités en liens. Sucellos avait pour parèdre une certaine Nantosuelte. Ce dieu et sa déesse étaient, j’en ai peur, les propres parents de la petite, qui pour être voyante n’en était pas moins crédule. Le papa et la maman se déguisaient en Sucellos et Nantosuelte, et montaient l’escalier à vis de la tour sur la Lippe pour apporter à la pauvrette les aliments drogués et les requêtes de visions. Tous les gens du coin ont une question à poser, la pauvrette n’a qu’à bien se tenir.
 
Le proconsul Maximus Minus veut savoir si la récolte de vinum sera bonum cette année. La veuve Caliquot veut savoir si son vinum blanc pétillant a de l’avenir. Le guerrier Marchandos veut savoir s’il va pleuvoir pendant la prochaine guerre, pour prendre un parapluie parce que la cotte de maille sous la pluie, ça rouille. Le préfet des Gaules veut savoir s’il a une question à poser, ça le tracasse depuis son plus jeune âge. Sa femme veut savoir à quelle heure il va rentrer dîner parce que ça commence à bien faire. Et moi je veux savoir ce que je fous là.
 
Bref, tout le monde veut savoir, Velléda est au bout de son pouvoir, la pauvre folle n’en peut plus de Sucellos, de son père, elle a dans la tête toujours la même image, une tour dressée près de sa Lippe natale.
 
À cet instant j’ai compris que je venais d’absorber une pleine écuelle de bouffe droguée destinée à la voyante recluse. Du coup j’ai piqué du nez dans la langue des Oisons juste avant de perdre connaissance. Ça ne fait rien, oubliez le dernier paragraphe, le reste est meilleur, je l’avais écrit avant mon coma. 
 
 
 
 
 
 

Après trois ans

 
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu’éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
 
Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
 
Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
 
Même j’ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
– Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.

 

Paul Verlaine
 
 
 
 
Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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