Hénoch et Jésus

 

Hénoch signifie en hébreu « celui qui est consacré, initié ». A rapprocher de Christos qui signifie en grec « l’oint » c’est à dire l’initié, celui qui a reçu l’onction. Hénoch serait donc un Christ, lui aussi. En y regardant de plus près, il y a de fameux points communs entre Hénoch et Jésus. Ils se ressemblent comme des frères à vrai dire…

 

D’ailleurs Pierre Jovanovic nous apprend que le bouquin préféré de Jésus était le livre d’Hénoch. Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es. Jésus avait tellement intériorisé son modèle qu’il l’imitait en tout. Hénoch et Jésus étaient des initiés tous les deux. Ils fréquentaient les dieux, tutoyaient les anges, avaient un pied sur terre et l’autre dans le ciel.

Hénoch fut tenté par les Anges Rebelles, c’est à dire la bande à Satan. Comme Hénoch, Jésus fut tenté par le diable. Et comme Hénoch, il sut résister à la tentation. Hénoch fut enlevé dans l’espace par les Elohim, préfigurant les modernes histoires d’abduction. Comme Hénoch, Jésus fut enlevé par le divin : son ascension en gloire est aussi une sorte d’abduction. En tout cas, on a le droit de la voir ainsi. Il est vrai que l’époque de Jésus semble bien différente de l’ère lointaine où vécut Hénoch, quand les Dieux marchaient parmi les hommes.

« Septième patriarche antédiluvien depuis Adam, Hénoch est avant tout le témoin d’une époque où l’humanité aurait commencé à sombrer dans le chaos sous l’impulsion des Anges Rebelles et des Néphilim, ces hybrides d’une force et d’une férocité rares. » (source)Mélusine Vaglio, Elohim, une autre histoire du mal, Armand Colin, 2010 

On comprend que les religions monothéïstes n’aient guère envie de s’appesantir sur cette période où les dieux étaient légions, où ils enlevaient des hommes dans leurs vaisseaux et où l’Unique portait un nom pluriel

 

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Au passage, je trouve instructif que les exégètes bibliques parlent d’hybrides pour désigner les enfants divino-humains. L’hybridation est le croisement de deux espèces animales, comme nous l’avons vu. Les Elohim sont donc des animaux comme nous : les Anges ont trouvé les humaines à leur goût. Du coup, la scène de l’annonciation devient cocasse. 

L’annonce faite à Marie ne serait qu’une histoire de fesse ? L’archange Gabriel ne serait-il que Gaby le suborneur et Jésus, une sorte d’hybride ?

Les chapitres 37 à 71 du Livre d’Hénoch de Qumran regroupent les paraboles d’Enoch. On y trouve la source de bon nombre des paraboles de Jésus, car le Livre d’Enoch était « le seul livre que le Christ citait régulièrement parce qu’il le connaissait par coeur. » (source)P. Jovanovic-A.M. Bruyant, Enoch, Jardin des Livres 2002

Jésus, comme chacun sait avait un goût marqué pour les paraboles. Hénoch, son cher modèle, affectionnait aussi cette forme d’enseignement. Que sont les paraboles sinon des histoires-enseignements, tout comme les contes soufis ?

« Après ce temps, dans le lieu même où j’avais vu tant de mystères, je fus enlevé par un tourbillon et emporté vers l’occident. Là, mes yeux aperçurent les secrets du ciel et ceux de la terre ; une montagne de fer, une montagne d’airain, une montagne d’argent, une montagne d’or, une montagne d’un métal liquide, enfin une montagne de plomb. Et j’interrogeai l’ange qui était avec moi, et je lui dis : Que signifient ces choses ? Et l’ange me répondit : Elles regardent l’empire du Messie et sont un symbole de son règne et de sa puissance sur la terre. » 

 

Hénoch et Jésus sont montés au ciel. Pareils.

 

Si Hénoch est l’élu, choisi par les Elohim pour être élevé parmi eux et initié aux grands secrets de l’univers, Hénoch n’est pas le Messie. Il est celui qui annonce le Messie, comme tous les prophètes après lui. Jésus s’est avancé dans une allée majestueuse, celle qu’avait ouvert dans l’imaginaire juif l’attente d’un Messie, d’un sauveur. Pour lui, c’était tentant d’endosser ce costume de gloire taillé de longue date. C’est pourquoi les Juifs n’ont pas gobé l’appât. Ils attendent encore le Messie. Mais si.

« Et cet ange de paix me répondit encore : Encore un peu de temps et il te sera révélé toutes les choses qu’a décrétées la sagesse du Seigneur des esprits. Ces montagnes que tu as aperçues, et qui sont l’une d’airain, l’autre de fer, la troisième d’argent, la quatrième d’or, la cinquième d’un métal liquide, la sixième enfin, de plomb ; elles seront en la présence de l’élu, comme un gâteau de miel devant une fournaise ardente, ou comme l’eau qui coule du haut d’une montagne ; elles tomberont à ses pieds.

Dans ces jours-là, les hommes ne trouveront leur salut ni dans l’or ni l’argent. Ils ne pourront ni fuir ni se défendre. Alors il n’y aura plus d’armes à fabriquer avec l’airain ni de cuirasse pour protéger la poitrine. Le fer deviendra inutile : cela même ne servira à rien qui ne se rouille ni ne s’use, et le plomb ne sera plus recherché. Tout sera rejeté, tout sera effacé de dessus la terre, quand l’élu apparaîtra en la présence du Seigneur des esprits. » (source)Livre d’Hénoch, 3-51

 

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Plus troublant encore, ici Hénoch ne parle plus du Messie, mais de l’Elu. L’ambigüité revient sans cesse entre les deux élus de Dieu, Hénoch et Jésus. Pas étonnant que le livre d’Hénoch ait été le livre de chevet de Jésus. Il y a trouvé de puissantes et saintes aspirations. On s’étonne d’autant plus que le Livre d’Hénoch, distingué par le Christ lui-même, ait été à ce point boudé par l’Eglise Catholique qu’elle l’a purement et simplement retiré de la Bible canonique. De leur côté, les Juifs l’ont aussi retiré de la Torah. Trop dangereux…

Ces histoires d’extraterrestres et d’engins volants sentent décidément trop le soufre pour nos religions de la vérité révélée. Seuls les Orthodoxes ont conservé la première version de la Bible qui comprend le Livre d’Hénoch. Car orthodoxe signifie doctrine juste.

Les religions existent depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile. (Voltaire)

 

Ainsi donc

Chacun ses croyances, et les vaches sacrées seront bien gardées. Nous ancêtres ont tout gobé. Ils ont avalé des couleuvres avec l’aisance d’un charmeur de serpents. C’était compter sans le web, sans la diffusion planétaire de tous les textes jadis enfermés dans des bibliothèques strictement protégées par le Saint Siège. N’oublions pas que jusqu’à l’invention de la typographie vers 1440, tous les écrits étaient recopiés par des copistes. Des moines, le plus souvent.  Ils recopiaient dans leur couvent ce que le supérieur leur disait de recopier, omettant et ajoutant ce qu’il leur indiquait. Le contrôle de l’église catholique a été quasi total pendant tout ce temps.

Une foule d’anecdotes bidons, pleines d’erreurs et d’anachronismes, a été ajouté par les copistes. Que ceci n’empêchent pas les croyants de croire, ni les incrédules de ne pas croire. Je suis mythologue, je porte sur toutes les mythologies un regard critique : est-ce vrai ? Est-ce déformé ? Est-ce exagéré ? Pour quelles raisons ? Mon travail n’a d’autre but que de regarder en face la vérité — si une telle chose existe ! — avec un œil critique et l’esprit débarrassé de tout a-priori. C’est pour cette raison que vous êtes nombreux à me lire. Vous savez que vos convictions vous appartiennent. Elles vous aident à vivre, loin de moi l’idée de les dynamiter, du grec ancien dunamos, qui veut dire ange.

Toutes les croyances sont infiniment respectables, bien que je préfère m’aligner sur l’éternel principe d’incertitude, il est bon de croire sans y croire.

 

 

 

Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l’Histoire est la leçon la plus importante que l’Histoire nous enseigne.
Aldous Huxley