Le Chêne Bayeux

 

Il existe près d’Hénanbihen un arbre remarquable. La Bretagne en compte plus d’un. Celui-ci est un chêne pédonculé, Quercus Robur de franche lignée. Et franque aussi ! Il fut planté le 13 mai 516 par un Franc, n’en doutez pas ! un roi franc nommé Clodomir, fils de Clovis et petit-fils de Childéric. En vieux francique, Clodomir veut dire Glorieux et Grand.

Païens et chrétiens

Résonnez tambours ! Trompettes sonnez ! Filons sur l’aile des vents d’hier, toutes voiles dehors cinglons vers l’aventure. Celle-ci commence en quittant le port d’Orléans, où le bon roi Clodomir, sous un déguisement  s’embarque sur une gabarre de Loire. Rendu à Nantes, le roi Franc monte dans un chariot couvert qui l’emporte à Rennes, puis le long de la voie romaine à Corseul, temple de Mars, puis à Hénanbihen, ville payenne, le but de son voyage. A deux lieues du hameau, dans un vallon, il sort d’un étui d’argent un gland très précieux, déjà germé, tout prêt à croître.Soigneusement, il l’enterre en laissant affleurer le germe fragile. Un peu d’eau de sa gourde, et le bon roi s’en retourne vers d’autres aventures.

Le sixième siècle de notre ère voit le christianisme s’implanter fortement dans le Royaume des Francs. Aucun village gaulois ne résistait plus à l’envahisseur — qui n’est plus Romain, mais Franc, c’est à dire Allemand. Les Gaulois, ou plutôt les Gallo-Romains, étaient en majorité convertis à la nouvelle religion. Les envahisseurs francs, par contre, étaient encore païens. La naissance de Clodomir a pour cadre ce conflit omniprésent entre la vieille religion et la nouvelle.

La reine décide seule

Ingomer « grande race » ou « descendant illustre », premier fils de Clovis et Clotilde était mort en bas âge, après avoir été baptisé à l’initiative de Clotilde « dans les vêtements blancs, ceux mêmes dans lesquels il avait été régénéré », sans prendre conseil ou consultation auprès de Clovis. Dans les sociétés germaniques, l’organisation sociale est matrilinéaire, voire matriarcale, les reines germaniques furent donc habituées à commander.

Clovis était encore païen, et attaché à ses traditions. Il dit à sa femme : « Si l’enfant avait été voué aux dieux de mes ancêtres, il vivrait encore. Mais comme il a été baptisé au nom de votre nouveau dieu romain, il n’a pas pu vivre.
Je rends grâce à Dieu tout puissant, Créateur de toutes choses, qui ne m’a pas jugée indigne de voir associé à son royaume l’enfant né de mon sein, répondit la reine Clotilde.

 

 

Baptême celte ou chrétien ?

À l’orée du Moyen-Âge, Clotilde décida du baptême de son fils Clodomir après sa naissance, pour qu’il soit sauvé en cas de mort prématurée. Clodomir tomba malade et Clovis réprimanda Clotilde de lui avoir administré un baptême chrétien : « Il ne peut pas lui arriver autre chose que ce qui est arrivé à son frère ; après avoir été baptisé au nom de votre Christ, il mourra aussitôt. ». Mais Clotilde pria Dieu et Clodomir guérit. (source)

Clotilde avait fait un vœu à son Dieu. Puisque vous m’avez la vie de celui-ci, mon doux Seigneur, il ira lui-même planter le chêne d’alliance quand il aura atteint sa majorité. Aussi, dès qu’il eut 21 ans, Clodomir accomplit le vœu de sa chère mère. Il se rendit en son village natal pour y planter le chêne qu’on nomme à présent Bayeux. Il est puissant et doux. Sa puissance est très grande, sa douceur l’est aussi. Ce pachyderme concentre dans ses fibres une sagesse immobile et une force qui va.

J’y amène mes visiteurs, un par un ou à plusieurs. J’en ai déjà amené des dizaines, tous priés de saluer bien bas l’heureux fermier qui possède un tel ancêtre sur ses terres. Heureux et modeste, il mesure avec justesse le bonheur de passer sa vie aux côtés de ce mastodonte. -Je ne le possède pas, c’est plutôt lui qui me tient. Qui peut posséder un être vivant ? Un si vieux ! Tellement vieux !

-Sur la pancarte, il est écrit qu’il aurait 500 ans…
-Oui c’est écrit.
-Vous n’y croyez pas ?
-Ils peuvent bien raconter ça ou autre chose. Personne ne l’a coupé pour compter ses stries. S’agirait pas qu’on essaye !

Agecanonix

Ouais. N’empêche que cette histoire d’âge me trotte en tête. Souvent quand j’emmène des amis sur ce lieu, je leur suggère de questionner l’arbre. Demande-lui son âge. Le premier chiffre qui te viendra dans la tête, c’est le bon. Ne le censure pas.

Invariablement, la réponse tourne autour de 1500 ans.Récemment un voyant a obtenu… 8000 ans ! Le réseau racinaire peut-être ? Une ou deux fois le chiffre fut plus précis : 1504 ans en 2019, 1505 cette année. Ce qui donne la naissance de son germe en 516, comme je l’ai dit. L’histoire de sa naissance, le gland planté volontairement par un roi initié, un Franc agissant ainsi en terre celte, chose hautement improbable, l’est pourtant bien moins qu’un chêne qui vit 1500 ans.

Et pourtant… J’ai déjà raconté une histoire semblable avec le châtaignier gardien de la Roche aux Fées. L’arbre actuel est un rejet de la souche précédente. Il s’agit peut-être du troisième tronc à croître sur le même réseau racinaire. Donc si ce tronc n’a que 500 ans, je dis que l’arbre, la conscience de l’arbre, la sagesse de l’arbre s’est forgée au cours de 1500 ans d’existence, au même endroit, issu d’un gland sacré.

 

 

À suivre ?

Voilà. Si vous avez l’excellente idée de venir me voir, après un tirage de tarot, après une séance de reki d’Erquy ou un doux massage holistique, nous rendrons visite au Père Minéral, la grande roche de Guihalon, pierre dressée face au monde immobile et au temps arrêté — ensuite, s’il nous reste du temps, vous aurez le plaisir et l’émotion de faire la connaissance du vieux chêne et de ses secrets. Il rééquilibrera l’énergie dont vous vous serez gavé à la Grand’Pierre au risque d’un furieux mal de crâne, que le charmant chêne aura l’habileté d’éteindre.

Venez me voir sur ma terre-prêtre, venez découvrir l’autre face de votre être, venez vous ressourcer, retrouver les racines celtiques de cette civilisation, rêver doucement d’Hyperborée que vous apercevrez peut-être, je vous le souhaite de tout cœur.

 

Le chemin de la sagesse et de la liberté est un chemin qui mène au centre de soi-même.
Mircea Eliade