D’où me vient cette voix qui m’étreint ? D’où me vient cette science ? D’où vient le tendre éclat de mon amour pour toi ? D’où vient l’ombre et la nuit ? L’ineffable présence d’une ombre sous mon toit qui n’est pas toi sans doute. Ton double a cet entrain qui me manque et la simplissime envolée qui te saisit. Voilà tout mon pécule enfin. Thé vert mais sans jasmin. Thé sans menthe sans rien qui trompe ou bien qui mente.

 

Mon cœur est ton pays, ton âme est mon chemin. Celui de la déité qui ouvre la main. Celui du ciel. Du vent. Du vacarme coquin d’un grincement connu. Soudain tu parais nue et l’univers vacille. Au mépris des faisceaux, des marteaux, des faucilles. En grand dégoût des lois, des juges, des bourgeois et des maîtres connards qui nous ont fait accroire que la merde est un art.

Te voici. Point final. Voici mon clair flambeau, ma torche, mon fanal et ma lumière sœur. Oh fille du passeur endormie près du gué, souviens-toi des matins si rares si précieux où ton corps près du mien a la blondeur des cieux sous le soleil d’été la verdeur printanière et l’ardeur douloureuse à mon dos fin, trop fin. Rien n’empêche la faim d’amour, l’envie d’unir ce que la destinée a conçu de plus pur, ce pourquoi tu es née, ce pour qui je suis mûr. 

Il a fallu me dénuder. Arracher un à un des lambeaux de mon cœur. Devenir lisse et doux. Polir jusqu’à mes os, mes veines, mes tendons que je pince en mesure et qui jouent ton morceau. Celui qui t’a charmée, qui t’a laissée rêveuse, épanouie, désarmée, nue contre mon épaule. Aphrodite amoureuse au fil d’un destin fort.

Tintent les carillons, résonnent les sonnailles, les cloches et leur babil en tous lieux m’accompagnent. D’où que je vienne, où que j’aille leurs échos d’antiques ripailles me parviennent et m’enchantent. Oh ma vie, mon amante, qu’as-tu fait de l’enfant qui dormait dans la paille ? Qu’as-tu fait de l’envie toujours qui me tenaille et me tient lieu d’oubli ?

À l’aube il faut partir où le soir vient déjà, partir aux Amériques. Arrêtez la musique ! Arrêtez de me nuire, ô démons d’inframonde ! Vous n’avez rien gagné, je n’ai perdu que vous. Il faut que je m’éveille et je m’endors encore. J’ai la vie d’un martien et l’habit d’un gredin. Je ne suis plus que l’ombre où le soleil s’étonne. Sans mentir. Je reviens. Dans ce concert qu’on donne au pied des murs lépreux. Au sommet d’inventaire. Il ne me reste rien à faire qu’à me taire.

Silence. Il est venu, pas de loup, le concert de la soupe. Le con sert de la soupe — il faut la boire au verre. Je n’ai plus d’aventure, poteau indicateur qui montre le couchant, qui m’étonne à toute heure et qui me désoblige. Il faudra le couper, l’abattre comme un chien qui ne sert plus à rien. 

 

 

Nous sommes des chiens et les chiens, quand ils sentent la compagnie, 
II se dérangent, ils se décolliérisent 
Et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a quelque chose d´urgent à faire 
Même et de préférence si l´urgence contient l´idée de vous foutre 
sur la margoulette 
Je n´écris pas comme de Gaulle ou comme Perse 
Je cause et je gueule comme un chien 
Je suis un chien  (Léo Ferré) (écouter Léo)

 

D’où me vient l’arrogance ? Où s’en vont les remords ? Faut-il que l’on y pense et que l’on pleure encore ? D’où me vient ce chagrin qui mine mes dimanches ? Attriste mes lundis ? Démolit mes vacances ? Me fait garder le lit ? J’ai couru tant de chances Tant de vibrantes nuits Tant de jolies mésanges Et trop d’amours enfuis. D’où me vient ce challenge d’écrire et m’y noyer ? D’où me vient la folie de me déshabiller ? De m’offrir dévêtu, tel que Maman m’a fait ? D’étaler mes amours comme autant de méfaits ? D’où me vient cet orgueil de me vouloir utile ? D’où sont venus les jours, d’où venaient mes amours ? D’où sont issus les brins du tissu de ma vie ?

Quel programme imbécile a décidé de tout ? Quel infernal décret m’a cloué sur ce plan ? Pourquoi m’efforcer de quitter la circonstance ? De filer à l’anglaise au pays de Cocagne ? De tirer mon épingle hors du jeu collectif ? Qu’ai-je de plus qu’un autre ? Ou de moins, soyons clair. Je n’ai pas le profil d’un seigneur de la terre. Je ne suis né d’un astre égaré, restons humble. Le seul bien qui me reste est cette humilité qui m’abrite de bien des dangers. Bien des chocs m’ont été évités grâce à elle. 

Il importe avant tout de la prendre pour celle qui m’a toujours guidé dans ce monde et dans d’autres. Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas né d’elle. Toujours j’ai bagarré pour fissurer l’ego qui prétend tout gérer, lui qui ne comprend rien. L’orgueil ne nous sied pas, enfants de presque rien qui errons, désœuvrés, demi-nus, tristes sires, conscients de n’être rien et pourtant pleins de nous, infoutus de ramper, de nous mettre à genoux face à l’immensité, face au destin aveugle et pourtant terrassés par nos rois, par nos juges qui valent moins que nous, moins que rien, moins que tout. Et pourtant qui nous lient.

Ces dieux-là sont la lie de cette humanité.

 

 

D’où vient tout ça ? La chance ? L’amour ? La vie ? Surtout dis-moi où ça s’en va.

Xavier Séguin

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