« Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute limite » a dit Nelson Mandela. (source) Je suis bien d’accord avec lui. Et j’ajouterai ceci. Notre devoir le plus urgent est de sortir de la léthargie qui obscurcit notre esprit et nous condamne à l’imbécillité.
L’histoire se déroule dans une magnifique propriété ardéchoise, il y a une bonne vingtaine d’années. Juliet, la propriétaire des lieux, était l’amie d’un ami très cher. Elle ne me connaissait que par ouï-dire. Elle ne savait donc que le pire. Ma folie ordinaire m’a toujours taillé un costard près du corps. Où que j’aille dans les cercles concentriques des amis de mes amis, des collègues de mes collègues ou des copines de mes copines, cette hystérique réputation précédait ma venue. Dans chacun de ces cercles, des exploits inventés avaient pris la place de mes excès réels.
On ne prête qu’aux riches. J’étais une sorte d’anti-héros. Psychologiquement instable. Capable du meilleur comme du pire. De fabuleuses aventures improbables vécues par plus puissants que moi m’ont été attribuées, il y a de quoi rougir de honte. Mes lecteurs n’y souscriront pas. Je n’ai rien caché de celui que je fus au cours des vies qui ont précédées cet instant. Page après page, au gré des sujets traités, j’égrène des bribes de ma vraie vie, qui fut multiple, ahurissante, merveilleuse. Cette belle tranche d’éternité m’a comblé au-delà de mes espérances, qui n’ont guère eu d’importance. J’ai toujours préféré l’histoire à l’espoir.
Je suis un cinglé, c’est vrai. Ma folie est contrôlée. Soixante-dix ans de maturation, me voici comestible. Et garanti bio. J’ai renoncé depuis longtemps à tous les excitants, stupéfiants et autres drogues légales. Comme Obélix dans sa potion magique, je suis tombé dans la marmite étant petit. Tout petit. Quand je suis sorti pour la première fois de mon corps en toute conscience, j’avais 12 ou 13 ans. C’était ici, dans mon jardin qui était alors le jardin familial de notre maison de vacances. Ici à Erquy. Ce qui explique pourquoi j’ai une tendresse tout particulière pour ce jardin et les maisons qui sont posées dessus. Depuis lors, le délire n’a jamais faibli. Rien ne ressemble à rien de ce qu’on m’a dit. J’en ai pris mon parti. Et je l’écris.
L’Ardéchois
Déplacez délicatement le curseur temporel jusqu’à la fin du siècle dernier. Vers le milieu des années 90 qui ont vu l’envol du phénix. Vous y êtes ? Régler le GPS sur Mirabel, en France, dans le massif du Coiron. Écoutez voir l’histoire de Juliet, qu’on appelait Djou. Avant de partir pour l’autre monde, elle possédait une grosse fortune immobilière héritée de ses parents. L’immobilier est une passion familiale. Aussi a-t-elle investi dans ce manoir et le magnifique parc qui l’entoure. Elle a transformé plusieurs maisons traditionnelles en appartements à louer, excellentes prestations, jacuzzi, piscine, restaurant de plein air, tout pour les séminaires et les séjours haut de gamme.
Je ne sais si son domaine reçoit toujours des hôtes payants, mais j’y avais séjourné à l’époque, hôte non payant, revêtu d’un prestige usurpé. Elle me voyait sorcier, comme mon bénéfactor Flornoy. Elle nous mettait dans le même sac. Beaucoup l’ont fait, certains le font encore. Pour tenter d’égaler ma sulfureuse image, je lui proposais une séance de reiki d’Erquy, qui ne portait pas encore ce nom. J’ai bien vu ça l’aguichait. Pourtant, quand je lui ai dit que le reiki se recevait dans le plus simple appareil, elle a très mal réagi. Surpris, je corrigeais le tir.
– Garde tes sous-vêtements si ça te chante, je soignerai ton slip et ton soutif, lui dis-je d’un ton bonhomme. Mais j’étais choqué. Incroyable pudeur qui ne cadre pas avec le personnage. Je ne la voyais pas si bégueule.
Aujourd’hui je ne fais plus ainsi. Chacun gardera un linge, sous-vêt ou autre, à condition que le tissu ne soit pas synthétique. Coton, laine, lin, chanvre, soie, tout va. Aucune matière naturelle ne fait écran aux ondes. Je peux aisément percevoir les chakras et les canaux d’énergie sur le corps subtil. C’est toujours à ce niveau que je pratique, à quelques centimètres du corps physique, sans contact avec lui. Ainsi la pudeur est sauve. De toutes façons, je travaille la circulation d’énergie subtile, donc les chakras. Ils ne se trouvent pas dans le corps physique, mais à quelques centimètres au-dessus de la face ventrale, sur le corps subtil précisément.
Y apparaissent non seulement les moulins d’énergie des chakras, mais aussi les trois canaux, le central rectiligne que les Hindous nomment Sushumna, et les deux canaux latéraux, Ida et Pingala, qui s’entrecroisent comme le montre le serpent du caducée.voir l’image qui suit
À propos du caducée, je me dois d’attirer l’attention du lecteur avide de comprendre sur la triste évolution de sa représentation. Alors que le caducée original, celui d’Hermès (en noir) fait clairement apparaître les sept chakras et les deux canaux latéraux figurés par des serpents, les caducées actuels ont perdu un canal latéral, il n’y a plus qu’un serpent. Le caducée des toubibs, en rouge, ne présente que cinq chakras, et celui des pharmaciens, en vert, en montre six.
Beaucoup d’erreurs. Beaucoup trop. Là encore, inutile de crier au complot, les seuls fautifs sont l’oubli et l’ignorance. Et cette fâcheuse manie qu’a chaque génération nouvelle de considérer que le savoir des anciens est caduque, obsolète, ringard, périmé, nul, non avenu, ignorant et craignos. Je l’ai fait moi-même avec mes compères et commères sur les barricades de mai 68, et pendant pas mal d’années j’ai répété ce slogan assassin : Never trust anybody above 30. Ne fais jamais confiance à un plus de 30 ans.
Des centaines de milliers de baba-cools et de hippies ont ânonné cette connerie comme une sourate ou un précieux koan. Connerie, oui, car ça sous-entend pour beaucoup d’entre nousceux qui étaient fâchés avec la logique… qu’on peut faire confiance à tous les moins de 30 ans. Ce qui est super crétin. Il y a la même proportion d’escrocs et de connards dans toutes les strates de la société, dans tous les milieux, tous les pays, toutes les tranches d’âge.
L’art des choix
Djou était une femme de tête. Femme d’affaire autoritaire et très égocentrique, elle menait tout son personnel à la baguette, considérant tous ceux qui l’approchaient comme faisant plus ou moins partie de ses larbins. Son orgueil était évident pour tous, même pour elle. Refusant donc d’ôter ses coûteuses dentelles, elle eut cette phrase stupéfiante : – J’ai beaucoup d’amants, mais c’est toujours moi qui les choisit !
Allons bon ! Quel rapport ? Je ne la toucherai pas pour un empire ! Non mais pour qui se prend-elle ? Tant qu’une fillette se prend pour une princesse, ça peut énerver, mais passe encore. Quand une femme mûre joue à ce petit jeu, c’est ridicule ou c’est odieux. Et bien souvent les deux. Mais ça, Djou ne s’en rend pas compte… Bref, la voilà qui s’allonge sur la table de massage, sans soutif mais en petite culotte. Je m’intériorise, je déploie en grand mes antennes de perception, et je commence à remonter sur le corps subtil de chakra en chakra. Soudain l’impératrice change d’idée. Elle décolle les fesses de la table de massage et retire sa petite culotte. Elle me colle sa touffe sous le nez, ça déconcentre. Cette exhibi l’a fait exprès. Elle ne tient aucun compte du respect, du quant-à-soi et de la bonne éducation. Ça lui passe largement au-dessus de la tête.
Il en faut plus pour me déstabiliser quand j’officie. La pratique du reiki fait de moi une sorte de prêtre, oui, bien plus qu’un trivial guérisseur. Cela vient du respect absolu que j’accorde aux impétrants. Chaque séance est une initiation. Les dons de pouvoirs sont donnés et la plupart du temps reçus avec reconnaissance. Pourtant, ce jour-là, Djou a tout refusé en bloc. Tandis que je fluidifiais sa circulation énergétique, j’ai « vu » une grande lumière monter avec sa kundalini, et quand la lumière atteignit la fontanelle; Djou s’est transfigurée. Elle venait de s’éveiller avec une puissance et une intensité rare. Les effets de cette illumination lui ont fait peur.
– Xavier ! Que m’as-tu fait? Qu’est-ce qui m’arrive ?
– Ne t’inquiètes pas, tout va bien. Tu as reçu le grand pouvoir, lui répondis-je.
– Le grand pouvoir ??? Non, non, je n’en veux pas ! Je suis beaucoup trop égoïste, j’en ferai mauvais usage !
Elle n’avait pas plus tôt prononcé ces mots que l’éveil a reflué de son corps subtil comme la mer qui se retire au ressac. C’était fini. Elle est redevenue l’orgueilleuse pimbêche et la mégère tyrannique qu’elle a été jusqu’alors. Tant pis pour elle. Chacun dispose à son gré des dons qu’il reçoit. Libre à lui de les refuser. Quel dommage pourtant ! C’est d’autant plus idiot que le grand pouvoir de l’éveil qu’elle venait de recevoir était le meilleur moyen -le seul pour elle ?- de sortir de son égoïsme. Si elle avait lu Le grand pouvoir du Chninkel, elle aurait compris de quoi il retournait. Le grand pouvoir n’est pas celui d’un dictateur mégalomane, bien au contraire. Le grand pouvoir, le seul véritable, c’est celui de l’amour.
Djou en avait bien besoin, plus qu’une autre sans doute. Elle a refusé, c’est son choix. Elle n’a pas eu de seconde chance. Pas dans cette vie.
« Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute limite » a dit Nelson Mandela. (source) J’ajouterai : grâce à l’amour. Sans amour, le plus riche n’est qu’un vilain perdant.