Erquy, l’antique Rekinea

Ma maison est perchée – je le suis aussi, forcément. Tous deux perchés sur le cap d’Erquy, avec vue sur la mer, le port, la pointe sculpturale et quelques-unes des dix belles plages de ma commune éternelle.

Étymologie

Oui, éternelle. Nul chauvinisme là-dedans, comme on va le voir.

Éternelle, Erquy l’est à plus d’un titre. Ce joli port de pêche et de plaisance tire son origine d’un comptoir gallo-romain, Reghinea ou Rekinea, selon la version officielle de l’histoire locale. Un instant ! Reki Nea ? Le nom n’est pas Romain, mais Grec. En latin on eut dit Reki Nova, La nouvelle reki. On a laissé tomber nouvelle, et Reki est devenu Erquy. Qui devrait s’écrire Erki ou Arki.

Ce qui ferait plus bretonnant, soit dit en passant. Ou plus arabe ? Arki m’évoque les Harkis, ces Algériens qui ont combattu aux côtés de la France Coloniale contre leurs compatriotes indépendantistes.

Ar, article défini breton. Ki, c’est le Ki ou Chi, l’énergie subtile des Chinois. Arki, terre de l’énergie subtile, je le sais depuis la petite enfance. Je l’ai vécu au plus profond de moi. Quand mes parents se sont installés ici, j’avais quatre ans. Avec Papa, j’ai planté un pin aujourd’hui vénérable. Près de lui, un dolmen à demi enfoui – la Pierre au Diable qui donne son nom à ma rue – fait vibrer toute la colline en écho aux émissions puissantes de Guihalon.

Ma vie est à Erquy. Mes racines liquides. Mon sable fin qui coule entre les doigts comme un foulard de soie. Ma terre à jamais, ma presque-île sauvage, mes landes de bruyère, mes falaises roses. C’est pourquoi j’ai choisi de baptiser ma bio-énergie d’un nom illustre, reiki, que j’orthographie reki, oui, le reki d’Erquy. Le nom est certes illustre. On le dit d’origine nippone, mais il vient d’ici, comme la technique. Elle trouve ses origines ici même, à Reki Nea, Reki Nevez, la Nouvelle Reki.

L’étymologie n’a rien de fantaisiste. Elle m’a été inspirée par un amoureux d’Erquy, Hervé Kerivel. Son père Alexis Kerivel était féru d’histoire locale. Il y a quelques décennies, il a exhumé cette étymologie grecque qui montre le lien entre le nom actuel, Erquy, et le nom antique, Reki. Découverte qui n’a intéressé personne, ni alors, ni aujourd’hui, je suppose. Nul n’est prophète en son pays.

Moi j’ai accroché tout de suite. Il y a de la langue des oiseaux là-dedans. J’ai fait des recherches. En voilà les résultats.

Port romain

La présence des Romains à Erquy n’est pas un secret. Sur la plage du centre, près de la pointe de la Hussaye, on peut voir la trace d’un petit bassin. C’est tout ce qui reste de l’antique port romain. En Bretagne gallo-romaine, le port d’Erquy était la villégiature des riches bourgeois de Condate, aujourd’hui Rennes. Une voie romaine reliait les deux villes en passant par Corseul, l’ancienne Coriosolis où se trouvent les vestiges d’un temple de Mars. Condate-Coriosolis-Rekinea, telle était la desserte de cette via romana.

Mon jardin s’accroche aux flancs du cap d’Erquy, où des archéologues ont découvert les vestiges d’un camp romain. Est-ce Laudanum, Bibendum, Babaorum ou Petibonum ? Je n’en sais rien, mais il est là. Les Gaulois qui résistent à l’envahisseur romain, histoire bien connue… Blague à part, savez-vous qu’Erquy est le modèle du village gaulois d’Astérix

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La page de garde des albums d’Astérix montre une loupe grossissant un détail des Côtes d’Armor. Ce détail représente le village d’Astérix. Il est juste à l’emplacement d’Erquy. Uderzo a doté ce village d’un cap que prolonge trois récifs. Au bout du cap d’Erquy s’alignent les Trois Pierres, bien connues des navigateurs locaux.

Avant de devenir un dessinateur à succès, le jeune Albert Uderzo a vécu la guerre ici même, à Erquy. Quand son ami René Goscinny lui a proposé de dessiner les aventures du petit Gaulois teigneux, Uderzo, tout naturellement, a choisi de le localiser ici, à Erquy. Dans mon village. Aujourd’hui l’envahisseur n’est plus romain… Mais les Celtes résistent encore !

Détail piquant, quand Uderzo a dessiné son village gaulois entouré des quatre camps romains de Laudanum, Babaorum, Petibonum etdevinette : comment s’appelle le dernier ? , il ignorait que le cap d’Erquy abritait jadis un camp romain. Étonnant, non ? J’adore les synchronicités, les coïncidences qui n’en sont pas. Sur ce point Erquy m’a toujours servi la part du lion. J’ai toujours laissé Osiris me guider, et je le loue à chaque instant sous son vrai nom : Al Hazar.

Vestiges

Comme je l’ai dit, le suffixe nea n’est pas du latin, mais du grec. Ce qui montre clairement que cette antique Reki fut d’abord un comptoir hellène avant de devenir un port romain en Gaule conquise. Eh oui, conquise, hélas ! Le village gaulois n’a pas résisté à l’envahisseur, et le petit Gaulois au casque ailé s’appelle Astericus.

Avant d’être un port romain, Erquy fut donc un comptoir grec. En dehors du nom, il ne reste pas grand chose de Grec ici. Rien du tout, même. Pourtant, à remonter le temps, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Erquy possède des vestiges beaucoup plus anciens. Il y a le dolmen de la Pierre au Diable, dans mon jardin. Un autre mégalithe ruiné, le dolmen de la Ville Hamon, peut s’admirer dans la rue du même nom.

Il y a aussi les rochers sculptés des plages sauvages. L’ourtoué, le Portuais, le Guen et Saint-Michel recèlent d’étonnants rochers sculptés, des têtes de géants ou d’animaux pour la plupart, que le promeneur curieux s’amusera à repérer sur les plages en question. En continuant vers le cap Fréhel, on verra d’autres rochers remarquables, noirs comme le jais, sur le sable blanc de la plage de la Fosse. Sur cette même plage, de nombreuses sculptures érodées peuvent se discerner sur les falaises de grès rose.

L’air est vif et léger, les embruns chargés d’iode, les bécasseaux courent comme des fous au bord de l’eau. Leur bande compacte semble mue par un seul pilote, tant leur mouvements sont coordonnés. Je me promène, je m’oxygène, je fais le plein d’énergie reine. Le vent du large apporte l’écho des terres celtiques. Il parle d’Irlande et d’Écosse, de Cornouailles et du Pays de Galles, terres chères au cœur de la petite Bretagne, qui regarde s’éloigner la Grande, juste en face, outre Manche.

Plusieurs d’entre vous ont souhaité me rencontrer. Il leur faut aussi rencontrer Erquy, ses caps, ses falaises et sa côte sauvage. Il leur faut rencontrer ma maison et la maison d’hôtes dans le même jardin, un jardin vénérable, en pentes et en terrasses face à la grande bleue qui sous mes yeux ruisselle de soleil.

Moi aussi j’adore les rencontres, elles sont le sel de la vie. C’est pourquoi j’ai imaginé les Rencontres d’Erquy. Au début je disais les Rencontres pour l’âme, c’est ce qu’elles sont. Mais à la réflexion, l’âme qui m’anime et qui habite ces Rencontres, c’est ici, chers amis, c’est Erquy. Venez vous baigner dans son aura franche et douce, sa lumière directe et prenante… et repartez si vous pouvez !

Les Neuvièmes Rencontres d’Erquy auront lieu ici même, du 17 au 20 septembre prochain. Il n’est que temps de vous inscrire par le formulaire contact, en précisant : 9es Rencontres. Merci de faire vite ! Selon les consignes sanitaires, les places seront très limitées.

Ma maison est perchée – qu’on peut prononcer à l’italienne : Perché ? Pourquoi ? Quand un Italien dit au revoir, il arrive ici. Oui. Parce qu’il dit : Arrivederchi ! et ça se prononce : Arrivée d’Erquy. L’ascendance romaine se précise…

 

Je ne veux pas croire, je veux savoir.
Carl Sagan