Les quatre ennemis du guerrier

 

Le guerrier de lumière se sent souvent extraordinairement seul et désarmé face à cette immensité là-dehors. Cette peur sans forme, cette frayeur au-delà de toutes les paniques, c’est la grandeur du voyage astral. Cette vie en est un parmi d’autres. Ce monde n’est pas réel. Ce n’est qu’un mauvais rêve, je le sais depuis toujours.

 

La seule façon de vivre cette farce, c’est de croire sans y croire. De vivre en guerrier impeccable qui assume à chaque instant son djihad intérieur. Et qui sait que chaque combat peut être le dernier.

Il y a quatre ennemis sur le chemin du guerrier, quatre obstacles à dépasser, enseigne le sorcier yaqui. Le premier obstacle est la peur. Je viens de l’évoquer. Vaincre la peur, c’est passer le seuil où commence le Voyage. C’est embarquer dans l’aventure. Vaincre la peur n’est pas une mince affaire.

« Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. » (source)Frank Herbert, Dune

Voilà ce que dit le guerrier, ce que fait le héros, ce que fuit l’homme ordinaire. Lui fait le contraire. Dans ce monde marchand, les vendeurs de peur font recette. Tout ce qui fait peur fait plaisir aux ados et attardés, d’où le succès des morts vivants et des zombies.

Quelle chose étrange ! Dans les sociétés dites primitives, la communauté des adultes enseigne au jeune comment vaincre sa peur. Par cet exploit il devient adulte, c’est à dire courageux, efficace et collectif.Chez nous, tout le monde s’en fout. Tout le monde mouille, trouille et dérouille. La peur est admise, banale, et même on la cultive. Comme toutes les émotions négatives. C’est même à ça qu’on reconnait le kaliyuga.

Le système nous pousse à l’irresponsabilité en distillant la peur, la haine et l’égoïsme. Du coup c’est quasi impossible de vivre en guerrier dans une métropole. Trop d’affects, trop de terreurs larvées, trop de détresse sans fond, trop de béton, trop peu de nature, trop peu de ciel, trop peu de vent.

 

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Le guerrier se choisira son terrain d’entraînement. Pour vaincre la peur, un lit suffit : tout se joue en astral, et que l’habitat soit urbain ou non importe peu. Oui, pourtant il est juste d’entraîner son corps physique. Réflexes. Tonicité. Souplesse. Voilà le seul bouclier qui protègera le guerrier contre son dernier ennemi… voir plus loin. S’efforcer, recommencer, se dépasser, avancer… Un beau jour, à force d’efforts, la peur est vaincue.

A ce point surgit le deuxième obstacle sur la route : la clarté. Ici on s’étonne : « sur le chemin de lumière, n’est-il pas naturel et réjouissant de rencontrer la clarté ? Comment la clarté pourrait-elle être mon ennemi ? Au contraire, j’ai l’impression que mon ennemi est la confusion. » Bien sûr, la confusion est piégeuse. On le sait tous. Les maléfices de la clarté sont bien plus insidieux. Soudain on y voit clair, on a tout compris, on peut tout expliquer, on sait tout, on est chiant comme la pluie.

Y céder, c’est l’horreur. S’enferrer sur cette voie revient à s’enfermer dans une cellule de haute-sécurité où la lumière brille jour et nuit. Et seul, archi-seul parce trop chiant. Comment faire pour ne surtout pas en arriver là ? Se traquer soi-même : accepter la clarté sans se laisser griser. Croire sans y croire. Garder ses distances avec la science admise. Ne s’étonner de rien pour s’émerveiller de tout. Implacable, inaliénable dans le secret du cœur.

Il faut des années pour y parvenir. Beaucoup n’y arrivent pas. Alors, par dépit, ils fondent une secte. La plupart des gourous sont des voyageurs intérieurs arrêtés par le mur de clarté. Ça peut vous rendre dingue, pourtant ce n’est qu’un miroir aux alouettes et le guerrier n’a rien d’un crâne de piaf.

Les anciens nous ont transmis un parfait résumé de ces différentes étapes grâce au chemin du Tarot de Marseille. Les 22 arcanes majeurs décrivent en effet, très précisément, les 22 étapes de toute vie humaine : les 22 arcanes majeurs sont les 22 phases de la construction personnelle, en montée spiralée, de l’extérieur vers l’intérieur.

 

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Un troisième ennemi émerge ensuite : le pouvoir. Inutile de s’en glorifier, c’est le résultat automatique de la progression intérieure. Le pouvoir personnel se met à rayonner, les gens croient voir un faiseur de miracles. La clé : rester anodin. Des miracles ? La belle affaire ! Nous en sommes tous capables. 

Prendre ? non. Rendre ? oui. Et plus encore.
Dernière chance de sauver notre espèce et notre planète,
inverser l’avarice : chacun doit donner plus qu’il a reçu.

On fait tous des miracles et pas seulement rêvés. Le plus ardu est de l’accepter comme une banalité, tout en gardant l’humilité. Alors plus que jamais se défier de l’ego. Le pouvoir est l’ennemi tout comme la clarté. Il donne une griserie, l’ivresse du pouvoir, à laquelle on a du mal à résister. Quelque soit le pouvoir, elle sévit. Le pouvoir tourne toutes les têtes, surtout lorsqu’il survient trop tôt. Le danger, c’est que l’ego, l’indécrottable moi-je, s’en attribue le mérite. « Telle personne, c’est moi qui l’ai guérie ». Ou bien : « Sans moi, Untel n’en serait pas là ». Et autres conneries du même acabit.

Se répéter tel un mantra : Je ne suis pas le Dieu qui est en moi.  Les Templiers en faisaient leur devise : « Non nobis, domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam »(?)Pas pour nous, Seigneur, pas pour nous, mais pour ton nom donne ta gloire

 

Accepter les pouvoirs sans jamais s’en glorifier. Les regarder affluer avec la même indifférence qu’on les verra partir demain. Car les pouvoirs ne restent pas. La clarté cesse d’être aveuglante. Et le guerrier serein continue sa route vers son dernier ennemi. Il sait qu’il ne pourra le vaincre : le grand âge. Tôt ou tard, l’âge rejoint le guerrier le plus alerte, lui coupe les jambes et les bras, lui ôte l’énergie vitale qui le tenait debout. Cet ennemi terrible, il faut l’apprivoiser, puisqu’on ne peut le vaincre. 

Un jour Castaneda demande à son vieux maître :   « Comment se peut-il que vous soyez plus jeune que moi, Don Juan? – J’ai vaincu ma pensée,dit-il, en ouvrant de grands yeux pour traduire son émerveillement.Je n‘ai pas un esprit qui me dit qu’il est temps pour moi d’être vieux. Je ne respecte pas les engagements que je n’ai pas pris. N’oublie pas ça : pour les sorciers, ce n’est pas une simple formule de dire qu’ils ne respectent pas les engagements qu’ils n’ont pas pris. Les atteintes du grand âge font partie de ces engagements. »  (source)Carlos Castaneda « Les Passes magiques »

La vieillesse n’est pas l’arrêt du combat. L’antichambre de la mort est aussi la porte de la Vie qui vient. La vie qui va… accepte-la. N’aie pas peur, la peur tue l’âme. On peut être vieux très tôt. Il n’y a pas d’âge pour ça. On peut aussi rester jeune, ou même se mettre à rajeunir. Et sans chirurgie plastique. 

 

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Dépêche-toi. La vie est courte, et la tâche est vaste.

Please, don’t be long Please don’t belong. (John Lennon et Paul McCartney)

 

Et là nous avons vu les géants, les enfants d’Anak, de la race des géants de Sumer; et nous étions des sauterelles à nos yeux, et nous étions la même chose à leurs yeux.
La Bible