Hilares et risibles, sulfureux et surfaits, enflés de suffisance et dénués de scrupules, les gourous sont partout. Celui-ci a vu des aliens, celle-là a entendu des voix, telle autre a les saints stigmates, tel autre enfin ment comme il respire avec un grand sourire…
D’aussi loin qu’il me souvienne, les gourous m’ont toujours fait chier. En 1973, un certain Claude Vorilhon, qui avait lu le Livre d’Enoch, s’est dit que nos créateurs devaient être des généticiens extra-terrestres. Cela s’est passé à la terrasse d’un café parisien, en tapant la discute avec des potes. Un délire comme on en fait tous, la bière aidant. Puis il a rêvé qu’il rencontrait un des E.T. en question. Il a mitonné auprès des filles. Très vite, il y a cru. Et d’autres aussi. Ainsi naquit Raël, prophète d’une nouvelle farce.
Ces bêtises seraient sans conséquence si ce crétin et ses semblables ne rencontraient aucun succès, si les médias unanimes les dénonçaient, si les pays développés les fustigeaient d’une seule voix, et si personne ne s’intéressait aux mensonges de ces ratés en mal de célébrité et de puissance usurpée. Mais rassurons-nous, ça ne dure jamais bien longtemps, et pour une simple raison :
« Les êtres humains aiment qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire, mais ils aiment encore plus protester et ne pas faire ce qu’on leur dit, ce qui les amène à haïr ceux qui les ont guidés au départ. » (source)Castaneda, Le Second anneau de pouvoir
Eden Saga c’est notre histoire, celle du peuple humain depuis l’aube des temps jusqu’à nos jours. Eden Saga n’est pas une secte et ne soutient aucune secte, ne dépend d’aucune organisation, n’est inféodé à aucune obédience, et tout au contraire ne cesse de répéter que chacun doit rester son seul guide, fuyant les gourous, les coachs et les imams, les prêtres, les moines, les lamas, les pasteurs, les psychomachins et les orthochoses. Tous ces tordus se font payer à vous berner, vous n’avez besoin que de vous.
De tous ceux qui n’ont rien à dire,les plus agréables sont ceux qui se taisent.
Seulement voilà, dans ce monde soi-disant démocratique, toutes les idées peuvent se défendre, surtout celles qui ne dérangent pas l’ordre établi. Et les gourous de tout crin font la fortune des banques en plus de la leur et la prospérité du système en plus de celle de leur sale petite magouille. Voyez la suffisance méphitique du fondateur de la scientologie, triste secte sévèrement combattue en France mais légale ailleurs et même considérée comme église aux USA où elle ne paye pas d’impôts.
Mais il y a bien d’autres sujets d’indignation. Telle l’hypocrisie du Dalaï-Lama, grand collectionneur de Rolex et autres montres suisses, grand destructeur de consciences, qui se fait passer sans vergogne pour un doux pape des Lamaïstes, au détriment du Karmapa, au mépris des canons de sa propre religion, et qui soutire des fortunes à ses adeptes occidentaux. Tout autour du globe, les milliardaires de la spiritualité surfent sur le vague à l’âme pour empocher toujours plus. Et ce ne sont pas les clients qui manquent ! Les naïfs, les déracinés, les oubliés de l’âme, les infirmes de la vie, les désaxés et les junkies sont l’inépuisable vivier d’adorateurs où les gourous n’ont qu’à puiser. Les religions occidentales connaissent un repli qui profite aux marchands de terreur.
La foule des croyants déçus se reporte sur les sectes. Ou sur les divers intégrismes, ce qui revient au même. Barbu ou tondu, islamiste ou bouddhiste, adventiste ou taxidermiste, le gourou est une plaie. On ne peut pas s’en débarrasser par la voie légale, les sectes étant protégés dans beaucoup de « démocraties ».
« Il faut nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voies que par la raison, autrement dit les chefs charismatiques : nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu’un d’autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place. Puisqu’il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions-nous de tous les prophètes. » (source)Primo Levi, « Si c’est un homme » La liberté de penser n’est pas une garantie d’intelligence. Qu’importe la voie légale. Pervertie et inique, la justice est aux mains de la Matrice.
Si tu laisses quelqu’un prendre en main ton destin C’est la fin. La fin.
Éradiquer les gourous est pourtant une oeuvre de salut public. J’ai passé ma vie à les traquer, je me suis infiltré dans plusieurs sectes pour les voir de plus près, et déjouer leurs magouilles. Ces cons-là ne vivent que sur la naïveté de leurs émules. A toi de ne pas tomber dans le panneau. On peut facilement se passer des maîtres, tandis que les maîtres ne peuvent pas se passer de disciples. Remettre sa destinée entre les mains d’un homme ou d’une femme, c’est vendre son âme au diable. Est diable celui qui prétend te contrôler, celui qui sait mieux que toi-même ce qui te convient et ce qui te nuit.
Pourtant il n’est jamais dangereux d’étudier l’oeuvre d’un sage ou d’une prophétesse. Je recommande même d’en étudier plusieurs, de façon à ne pas s’aligner, inconsciemment, sur la pensée d’une seule personne, aussi géniale soit-elle.
André Franquin, génial père de Gaston et du marsupilami, donnait ce conseil aux jeunes dessineux : « Ne t’inspire jamais d’un seul auteur. Tu peux copier tant que tu veux, c’est en copiant qu’on apprend. Mais copie plusieurs auteurs, si tu ne veux pas que ta copie devienne servile et que ta personnalité se dilue dans celle de ton modèle. » Tous les auteurs de bandes dessinées n’ont pas la même délicatesse, certains gouroutent avec une totale absence de pudeur comme de compétence.
Les loups ont revêtu la peau de l’agneau. Ce siècle est celui des faux prophètes et des marchands de merde. Ils ont tous quelque chose à te vendre qui va changer ta vie. Certains tenteront de te faire peur, certains feront ressortir tes défauts et tes échecs, certains voudront te donner de l’espoir, ne les crois pas.
S’ils sont sincères, ils n’ont pas besoin de ton argent. S’ils sont éveillés, ils n’ont pas besoin de ton admiration. S’ils sont illuminés, ils n’ont pas de babioles à fourguer. Quant à toi, tu n’as aucun besoin de grigri, d’amulette, de porte-bonheur ou d’espérance. Le gourou te donne tout l’espoir qu’il peut. C’est bien la seule chose qu’il pourra te donner, ça ne lui coûte rien et ça te maintient dans sa dépendance. L’espoir est un poison qui dispense d’agir : on remet son sort dans les mains de la divine providence au lieu de se retrousser les manches pour s’en sortir tout seul.
Quand tu auras désappris d’espérer, je t’apprendrai à vouloir.
Aide-toi le ciel t’aidera. Mais n’attends pas que les alouettes te tombent toutes rôties dans le bec. C’est ça l’espérance. Un emplâtre sur une jambe de bois. Une fourchette contre la soif.
Tout comme le gourou, l’espoir t’infantilise, t’invalide et te rétrécit. La confiance en toi est le seul antidote à l’espérance chrétienne, cette grossière arnaque qui a fait de nous des domestiques impuissants, assistés, assurés, protégés contre tout et surtout contre la vie. La vie, c’est ce qui t’arrive dès que tu sors de ta zone de confort. Et le confort intellectuel dispense d’écouter son âme.
Ne fais pas de disciple, tu n’aurais que des zéros !
La confiance en toi te dispense de faire confiance aux gourous. Ces gens-là ne vivent que grâce à celles et ceux qui manquent de confiance en eux. Qui a besoin de ça ?
Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.