Le retour des dieux

 

Quand la grande guerre divine a éclatée, toute la planète a morflé. Des milliers de bombes et d’engins de morts, tous plus effroyables les uns que les autres, ont semé la désolation sur toutes les terres habitées. Les morts se comptaient par dizaine de milliers, ce qui est un pourcentage élevé vu la faible densité humaine sur terre, il y a quelques 100.000 ans.

Les villes furent rayées de la carte, les palais et les maisons détruites par les flammes et le souffle des bombes. Sur le littoral où se concentraient le maximum d’humains, des lames de fond et des tsunamis firent de tels dégâts qu’il ne restât plus pierre sur pierre après leur passage. Le niveau des eaux monta de plusieurs dizaines de mètres, suite à la fonte des glaces et des neiges éternelles provoquée par le feu du combat.

Des milliers de villes et de villages côtiers se trouvèrent engloutis. Les pierres démantelées furent roulées par les eaux durant des millénaires. À force de chocs, elles ont pris une forme arrondie caractéristique, ce qui fait qu’après cent mille ans, on les retrouvent encore sur nos côtes. Ce sont les galets de nos plages, qui ont tous à peu près la même taille, car ils ont tous la même provenance.

Sur certaines plages, on trouve une très grande variété de pierres plus petites, appartenant à la grande famille des marbres et des pierres semi-précieuses. En face de ces plages devaient se trouver quelque cité plus riche, capable de s’offrir des parements de marbres et des incrustations de ces belles pierres, sous forme de mosaïques.

Les lieux de vie les plus développés reçurent tant d’engins de mort et de destruction, tels que les bombes atomiques, que leur sol s’est changé en lac salé ou en mer morte, comme celle qui porte ce nom en Israël, sous laquelle furent anéanties les villes bibliques de Sodome et Gomorrhe. Aujourd’hui encore, les déserts de sable comme celui de Gobi ou le Sahara marquent l’emplacement d’un violent combat aux armes nucléaires. 

Quelques humains plus prévoyants avaient heureusement trouvé refuge dans les profondeurs du sous-sol, où des tunnels et des refuges avaient été creusés de longue date. On trouve dans la mythologie persane la trace d’un avertissement divin, celui du dieu local Ahura-Mazda, un dieu Ase comme son nom l’indique. Il a prévenu Yima, le Noé persan, de l’arrivée imminente d’un hiver interminable, lui conseillant de creuser un abri souterrain et d’y cacher un couple de tous les animaux vivants.

C’est la première version de l’arche de Noé, elle est bien antérieure au déluge. Les hommes taupes sont restés cachés dans leurs galeries en attendant que ça se passe. Mais la colère divine a duré 60 ans. Et ses conséquences se sont prolongées infiniment plus longtemps.

Quand la guerre des dieux s’est arrêtée, ils sont rentrés chez eux, qui sur Sirius, qui sur Orion, qui dans les Pléïades, qui sur Alcor, Grande Ourse. Comme il y avait plusieurs camps, certains d’entre eux sont peut-être ailleurs. De toute façon, ils sont hors de notre portée aujourd’hui encore. Et puis, même si un jour on peut y aller, je ne vois pas pourquoi on irait attirer leur attention. Ils y sont, qu’ils y restent, noms de dieux ! Leur retour est la dernière chose que j’aimerais voir.

C’est déjà arrivé dans le temps. Après leur guerre de soixante ans, après les cent mille ans de quarantaine, quand notre planète a été (un peu) plus propre, ils sont revenus. Et alors là, fini de rire. Le retour des dieux a signifié la guerre et le servage du genre humain. Ils avaient besoin de chair à canon pour se filer la pâtée et de main d’œuvre corvéable pour réparer les dégâts.

Déjà quand on reste une semaine sans passer l’aspirateur… Alors après cent mille ans de bordel, vous imaginez le chaos. Hommes, femmes, enfants, vieillards, ils ont tous été réquisitionnés, ils s’y sont tous mis avec courage.

 

 

Quoique le véritable courage eût été de fuir cette planète maudite. Mais à part celle d’Adapa, les humains n’avaient pas de fusées. On aurait pu rester douillettement planqués dans le Centre Terre. Mais les dieux ont trouvé le moyen de nous déloger de notre terrier. Et ce moyen s’appelle les légions d’anges.

Certains auteurs ont évoqué l’existence de souterrains plus profonds et plus vastes. Ils sont aussi plus hauts de plafond et nettement mieux taillés. La surface des parois est lisse, la roche apparaît comme fondue. Creusée avec un tunnelier à fusion moléculaire ? Les géants d’avant disposaient d’une technologie que nous sommes encore loin de posséder. Pourtant, l’inconscient collectif s’en souvient, des auteurs en parlent, et nous qui les lisons, nous y croyons. Parce c’est consigné dans les annales akashiques.

Il y a du monde qui vit à l’intérieur, et depuis des lustres. Enki y a séjourné avant de rentrer chez lui, là-bas dans les étoiles. Les Tuatha Dé Danaan s’y réfugiaient, ils l’appelaient le Sidhe. Quand le patriarche Hénoch était enfant, sous le nom d’Aorn, il y est allé lui aussi. Je raconte son histoire dans un chapitre intitulé Mémoires du Centre Terre. Le mot même de Centre Terre vient d’une bande dessinée du regretté Maestro Mœbius.

Ne soyez pas impatients du retour des dieux. Chaque fois qu’ils sont revenus, les humains ont morflé. Jouissons allégrement de leur absence. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Quand il revient, c’est pour les croquer. Jésus a évoqué la chose sans aucune ambiguïté dans sa parabole des vignerons. Il les voit qui travaillent à leur vigne et leur dit : « Vous croyez que cette vigne est à vous, mais attendez que le Seigneur revienne, il reprendra tout ce qui est à lui. » Les terraformeurs ont transformé cette planète de fond en comble. Nous sommes leur bétail.

Là aussi Jésus est clair : « Paisdu verbe paître mes agneaux, pais mes brebis. Je suis le bon pasteur, » Et les brebis de répondre : « Tu es nom berger, ô Seigneur. » Les chères brebis sont tellement contentes d’avoir un bon pasteur qu’elles en donnent du lait pasteurisé. Je ne sais si vous avez envie qu’on vous traite comme des moutons ou qu’on vous traie comme des brebis pasteurisées, moi pas. Mais alors, pas du tout. On déjà tout ce qu’il faut avec nos frères humains qui nous tondent la laine sur le dos. Imaginez ce que ça serait avec des super prédateurs de l’envergure des dieux d’avant. L’inconscient collectif a inventé les films d’horreur pour nous préparer à ça.

Une fois de plus, le retour des dieux signifiera la guerre et le servage du genre humain. Une fois de plus, ils auront besoin de chair à canon pour se filer la pâtée et de main d’œuvre corvéable pour réparer les dégâts. Ne croyez pas les billevesées qui prêchent un dieu d’amour, l’amour est dans nos cœurs, et la haine aussi. On se passe aussi bien des dieux et des démons. Bye bye les deux, restez chez vous. Et nous on va rester ici. Chacun pour tous, et eux là-haut.

Jacques Prévert est de mon avis, je l’en remercie. « Notre Père qui êtes aux cieux. Restez-y. Et nous nous resterons sur la terre. Qui est quelquefois si jolie. »  Ouais. Si jolie, mais si pourrie. Du temps de Prévert, ça se voyait moins. Mais à présent… Ça nous promet des millénaires d’esclavage sous la houlette des dieux pour tout remettre en l’état où nous l’avons trouvé… parce que tout seuls, on n’y arrivera jamais.

Pater Noster

 
Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l’Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuilleries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-même d’être de telles merveilles
Et qui n’osent se l’avouer
Comme une jolie fille nue qui n’ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leur tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l’acier des canons.
 

 

 

La seule chose pire que d’être aveugle est de regarder sans voir.
Helen Keller