« La Matrice est universelle. Elle est omniprésente. Elle est avec nous ici, en ce moment même. Tu la vois chaque fois que tu regardes par la fenêtre, ou lorsque tu allumes la télévision. Tu ressens sa présence quand tu pars au travail, quand tu vas à l’église, ou quand tu paies tes factures. Elle est le monde, qu’on superpose à ton regard pour t’empêcher de voir la vérité » (source)Morpheus, dans le film Matrix

Elon Musk, patron de Tesla Motors, estime qu’il n’y a qu’une seule chance sur des milliards que nous soyons aussi réels que nous l’imaginons. Selon lui, nous avons toutes les chances d’être virtuels. Nous serions sans nous en douter des personnages 4D ou 5D, des méta-images animées dans une simulation inventée par une civilisation qui nous dépasse. On dirait bien qu’Elon Musk a trop kiffé Matrix, le film. Comme moi.

Matrix, que je tiens pour une fable géniale, un conte philosophique, une métaphore de nos vies… ou pas. Parce que ça peut être vrai. Le patron de Tesla Motors n’est pas si délirant qu’il y paraît. En tout cas, son raisonnement se tient. L’ennui, avec un film comme Matrix, c’est qu’il n’y a pas d’argument rationnel pour réfuter l’hypothèse. Alors acceptons-la, juste le temps d’en faire le tour.

Henri Bergson, grand philosophe français aujourd’hui trop oublié, a écrit un ouvrage remarquable, Matière et Mémoire, qui m’a inspiré le titre du présent article, en forme d’hommage à ce visionnaire qui a marqué mon apprentissage de la philosophie. Que dit-il, ce cher homme ? Tout simplement que le monde extérieur se résume pour nous en des images. Ces images sont extérieures, tandis que nos sensations — qu’il nomme des affections — sont ressenties comme intérieures.

« Ma perception est en dehors de mon corps, et mon affection au contraire dans mon corps. De même que les objets extérieurs sont perçus par moi où ils sont, en eux et non pas en moi, ainsi mes états affectifs sont éprouvés là où ils se produisent, c’est-à- dire en un point déterminé de mon corps. Considérez ce système d’images qui s’appelle le monde matériel. Mon corps est l’une d’elles. » (source)Henri Bergson, Matière et Mémoire, p. 62

A lire Bergson entre les lignes, ce corps / image n’est pas loin d’une vision purement virtuelle du réelle, vision qui est celle de Matrix.

Leibnitz, philosophe plus ancien, considérait que la seule réalité dont nous puissions être certains est notre être individuel, qu’il nommait une monade. Tout ce qui est extérieur à nous-mêmes, tout ce qui n’est pas notre monade, peut et doit être remis en question. Car rien ne prouve, en effet, que je ne sois pas l’inventeur du spectacle de mes sens. Pire encore, si je n’en suis pas l’inventeur, un autre pourrait l’être. En ce cas, je serais téléguidé par cet autre, esclave de sa volonté, au service de ses caprices…

 

 

Peu avant Leibnitz, René Descartes avait montré que l’existence peut être tenue pour certaine, dans la mesure où nous pensons : « je pense donc je suis. » C’est le fameux cogito, pierre angulaire de la philosophie, et pourtant base fragile. J’ai montré à mon tour comment ce grand philosophe s’était laissé abuser. Et à son tour, la philosophie occidentale contemporaine, fille et disciple de Descartes, apparaît comme un magnifique édifice mental qui ne repose sur rien de certain. Si quelque chose doit surnager de la philosophie cartésienne ce n’est certes pas le cogito, mais le doute, principal outil d’investigation et de connaissance énoncé par le même Descartes. « Il faut douter de tout » affirme-t-il, tout en se gardant d’appliquer ce sage principe pour lui-même et pour ses idées. 

Dommage, ça nous aurait épargné des pages et des pages d’inepties purement mentales, c’est à dire filles de l’ego. D’où il ressort que Descartes n’était pas cartésien. Aucune personne sensée ne peut l’être, dirais-je avec René Guénon. Pour la simple raison que le cartésianisme est une position intenable, et ce n’est pas Bergson qui m’aurait contredit là-dessus. Sur ces grandes questions, la philosophie contemporaine garde un silence consternant. Pour en apprendre davantage, ou tout simplement pour éprouver nos convictions intimes, on doit se tourner vers la culture populaire, bande-dessinée, chanson ou cinéma. 

Matrix, film diamant, nous a ouvert en grand les portes de la perception. Rien ne peut invalider la thèse de Matrix. Qui me prouve que je ne suis pas allongé dans un sarcophage électronique, tandis que des robots — ou des aliens — déversent dans ma conscience ces fameuses images extérieures chères à Bergson, images qui me donnent l’illusion d’aller et venir, d’agir à ma guise, de manger, d’aimer, de vivre — alors que je suis un légume tout hérissé de câbles électriques et de sondes mentales ? Alors que même mes sensations, mes émotions et mes pensées me sont dictées par un autre ?

Que reste-t-il du fameux libre-arbitre, que la pensée occidentale a tant vanté ? Pas grand-chose, en vérité.

 

 

Le monde est virtuel, nous aussi, dit Elon Musk, et la physique quantique apporte de l’eau à son moulin. Notre existence, que Descartes pensait avoir fondée en philosophie et en certitude, notre existence opulente ou misérable, heureuse ou infernale, longue ou courte, notre existence est une chimère. Aucun sage, aucun philosophe, aucun prophète n’a pu prouver l’existence. Bien au contraire, les prophètes les plus inspirés ont soutenu que le monde est chimère, que la vie est un rêve, que l’individu est un leurre, que la mort n’existe pas plus que le temps ou l’espace. Quant au rêve, ces mêmes prophètes soutiennent qu’il est réel, témoin fugace de l’autre monde, qui pour eux est le seul vrai monde.

La science menteuse nous a tant promenés, elle se ment à elle-même, incapable qu’elle est d’appliquer l’incontestable physique quantique à toutes ses branches. La biologie, la médecine, la pharmacologie, l’évolutionnisme, l’anthropologie, la paléontologie, l’histoire, la linguistique, la sémiologie, l’économie et bien d’autres branches du savoir actuel reposent encore sur une physique dépassée, depuis longtemps jugée obsolète par les physiciens eux-mêmes. Que peut-on attendre d’un professionnel qui utilise des outils périmés ? C’est le cas de tous nos professionnels de la pensée. Le changement de paradigme est déjà adopté par les gens simples, qui vivent au contact de la nature, qui ont échappé aux études supérieures.

Pour les autres, super-instruits, super-informés, super-déformés, ça ne va pas de soi. La nouvelle donne a du mal à s’imposer parmi les grands cerveaux de la communauté scientifique. L’émergence d’une connaissance sans pensée, la confirmation de l’influence de l’esprit sur la matière, la découverte d’une nouvelle histoire humaine, bien éloignée de celle qu’on nous a inculquée de force, la remise en question du temps, la preuve de l’existence d’une infinité d’univers parallèles, autant de signes palpables du changement, j’allais écrire de la révolution qui approche. Et autant de sujets tabous qui donnent des boutons aux ayatollah de la pensée universitaire.

Comme celui-ci. 

 

 

Alors ? Sommes-nous réels ou bien virtuels ? Si nous sommes virtuels, que dire de nos jeux virtuels, de nos images virtuelles, et du web, virtuel par excellence ? Sont-ils le virtuel d’un virtuel ? Dans ce cas, sont-ils réels ? Aussi réels que nous-mêmes ? Davantage ??

 

Xavier Séguin

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