Le poète grec Hésiode partage l’histoire de notre espèce en cinq âges successifs : l’âge d’Or, d’Argent, d’Airain, des Héros, et enfin l’âge de Fer, où nous sommes encore… en sursis ! Cette répartition était connue en Asie mais sans l’âge des Héros, qui semble une création grecque. Sur la reconstitution ci-dessus, on peut voir la taille précise de ces cinq humanités. 

 

Avant leur destruction, les bouddhas de Bamiyan n’étaient plus que deux, le géant de 54 mètres, et, plus loin, un autre de 32 mètres. Jadis, il y en avait trois autres, visibles à l’échelle : un de 16 mètres, un de 4 mètres, et enfin un de 1,80 mètre. Ce sont de très anciennes sculptures donnant les tailles des cinq humanités.

Le mythe des âges successifs de l’humanité apparaît dans Les travaux et les jours d’Hésiode, immédiatement après le mythe de Pandore. Cette succession d’âges n’est pas un progrès, mais une décadence. Hésiode décrit des humanités de plus en plus naines, de plus en plus loin des dieux. Pour une fois, voici un Grec qui ne se croit pas sorti de la cuisse de Jupiter ! Il se souvient des Anciens, il sait ce que la Grèce doit aux civilisations qui l’ont précédée. Hésiode sonde les âmes et les cœurs à la recherche de la vraie nature humaine.  Dans le cœur des hommes s’agite le conflit entre Nemesis, la Justice Divine et  Hubris, la Démesure ou l’Ivresse. La hiérarchie or / argent / bronze / fer n’est pas une invention d’Hésiode. Son originalité est d’insérer l’âge des Héros entre l’âge de bronze et l’âge de fer. 

Ce mythe est un testament que les dieux nous ont laissé. On le retrouve presque identique sur les cinq continents. Il nous enseigne qu’il n’y eut pas une seule humanité, mais cinq versions différentes, de plus en plus éloignées des dieux et de la Droiture de la Voie Juste, Nemesis, de plus en plus livrés à l’Ivresse de la Démesure, Hubris. Les deux premières versions de l’humanité, les Cyclopes et les Géants, furent crées par les Titans. La prise de pouvoir par Zeus correspond à l’anéantissement de l’humanité d’argent, c’est à dire au Déluge biblique.

 

 

Tentons de décrypter ce testament divin. Un dialogue imaginaire va nous permettre de démailloter le bébé. Il déroule la version officielle, celle que les « dieux  d’avant » cherchent à nous imposer, et donne entre parenthèses la version des hommes, beaucoup moins connue. L’âge d’or est une harmonie avec les dieux sans rivalité. (C’est à dire, de la part des hommes, l’obéissance la plus servile aux quatre volontés des surhommes qui les exploitent.) La Nemesis, ou la Voie Juste, est à son maximum. (C’est à dire, les hommes sont de parfaits larbins et les Dieux sont contents)

L’âge d’argent s’achève dans une explosion finale de démesure (C’est à dire, l’ivresse du courage qu’il a fallu aux hommes pour tenir tête à leurs tyrans) quand les hommes méprisent la justice des dieux. (C’est à dire, une injustice totale envers les hommes, leurs larbins) L’Hubris, la démesure, frappe les Hommes pour la première fois. (C’est à dire, calmez-vous les mecs, les Dieux vont se fâcher !) 

Et dès qu’un cataclysme nous tombait sur le dos, les pseudo-dieux nous faisaient croire que ça venait d’eux.

L’âge de bronze est une démesure guerrière sans respect de la justice divine. Les hommes sont coupés des dieux. (C’est à dire, les hommes sont libérés de la tyranie. Emportés par leur élan, ils se font la guerre entre eux, et contre les géants, les orques et tous les pseudo-hommes que les faux dieux avaient laissés derrière eux.) La Démesure est devenue la norme, pour le plus grand malheur des Hommes (C’est à dire, on est bien contents que nos tyrans soient enfin partis au diable. Du coup, on fait les crétins, c’est humain.) 

Enfin l’âge de fer, correspondant au présent, est un temps où le mal et le bien coexistent, un temps où les hommes devront choisir entre la Voie Juste et la Démesure, avec la menace d’une victoire de cette dernière. (C’est à dire, veuillez rester dans l’attente du retour des dieux, parce que dès qu’ils reviendront, il faudra vous remettre dare-dare à leur service comme dans le temps, sinon gare !) Sûr que si les dieux déboulent comme ils nous en ont menacé jadis, et qu’ils nous trouvent affranchis, tout prêts à leur flanquée la pâtée, ça ferait désordre. Notez qu’on n’en prend pas le chemin.

Certains auteurs pensent que le récit d’Hésiode a pu être influencé par une tradition perse analogue. Qui elle même aurait reproduit la tradition chinoise du déclin des âges, et  le récit shivaïte des Quatre Yugas. Ce point de vue n’est pas réaliste. Si différentes traditions rapportent la même histoire, n’est-il pas plus logique de penser que cette histoire est arrivée ? Mais nos historiens ont une telle méfiance des mythes et des légendes que pour rien au monde ils ne consentiraient à s’en imprégner davantage. Tant pis pour eux, qui se privent de bien jolies surprises. Sans le loup, le Chaperon devient moins rouge, et c’est dommage.

Première leçon : notre histoire globale raconte un déclin, et non un progrès. Cette loi n’est pas limitée aux sociétés, elle s’applique à tous les domaines matériels. En physique, on l’appelle l’entropie croissante : le désordre croissant, l’augmentation infinie de la désorganisation. Pour les physiciens, tout se passe comme si un ordre initial  (l’ordre d’obéir aux dieux et de suivre leur plan !) était détérioré par tout un tas de facteurs divers et variés, qui tous concourent à un seul but : brouiller l’image initiale, changer tout tout le temps, en un mot, détériorer. (Comment s’étonner que des jeunes taguent les murs ? Cool les djeuns !! Humour de ieuv)

Deuxième leçon : Cet ordre initial, dans le mythe, est l’oeuvre des dieux qui se sont donné le mal de créer tout le bazar pour que ça fonctionne. Mais leur créature a mis son grain de sel, ça s’est gâté, et l’entropie a fait le reste. L’entropie est un principe physique, le deuxième principe de la thermodynamique, qui veut que tout de dégrade. Elle est la mesure du désordre qui s’augmente avec le temps. On voit bien que le vecteur de la physique va de l’ordre vers le désordre. 

Pourtant, d’après les mêmes physiciens, au commencement n’était pas l’ordre, mais le chaos du Big Bang. Problème de physique élémentaire : comment l’augmentation universelle et permanente du désordrec’est le statut de l’entropie peut-elle fabriquer de l’ordre à partir d’un désordre initial généralisé ? 

Troisième leçon : Sans une intervention extérieure intelligente, il y a trop peu de chances pour que la vie organique ait pu émerger toute seule de la matière primordiale. Sans une autre intervention identique, il y a trop peu de chances pour que l’intelligence ait pu émerger toute seule du chaos de la bêtise initiale. Sans une troisième intervention extérieure intelligente, il y a vraiment, vraiment trop peu de chances pour que la conscience de soi ait pu émerger toute seule de l’intelligence mécanique.

 

 

Et pourtant, ça s’est fait.  

Il a probablement fallu beaucoup plus de trois interventions extérieures intelligentes, il a fallu d’innombrables fées penchées sur notre berceau pour que l’humanité actuelle voit enfin le jour, totalement stupide lors de sa création, et pire encore aujourd’hui, car absolument ignorante de son origine et de son statut si particulier dans l’univers : une espèce créée par une autre espèce.

Dix ans après

Voilà ce que j’écrivais en 2011. Dix ans plus tard, ma vision des cinq humanités a pas mal évolué : Il leur a fallu d’abord assécher des marécages, creuser des canaux, dévier des rivières, combler des gouffres, emplir des lacs, déplacer les montagnes, ensemencer les plaines fertiles, planter des forêts, peupler la planète avec toutes sortes d’animaux. Ce fut le travail de quatre humanités successives. La première fut celle des Chérubins ou Cyclopes. La deuxième celle des Trônes ou Reptiliens. La troisième celle des Archanges ou Géants. La quatrième celle des Anges ou Titans, ceux que j’appelle les dieux d’avant. Après avoir donné vie à ces quatre humanités de taille décroissante, nos créateurs ont conçu la plus petite : la nôtre. (note du 6 juillet 2021)

 

Xavier Séguin

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Xavier Séguin

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