La psychanalyse est un sujet passionnant sinon fondamental. Plus que jamais, il importe de ne pas laisser aux cancres adeptes du néo-freudisme. Ces disciples du clown Lacan s’emploient depuis un demi-siècle à liquider l’un après l’autre celles et ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils occupent tellement le devant de la scène psychanalytique qu’aucun praticien — ou presque — n’ose se revendiquer d’une autre conception. Pourtant, elles existent et méritent d’être connues.

 

Maître Jung

À tout seigneur, tout honneur. Mon inclination me portera toujours vers le plus moderne d’entre eux, premier disciple de Freud avant de devenir son principal opposant. Médecin, psychiatre, psychologue et essayiste suisse, Carl Gustav Jung est né le 26 juillet 1875 à Kesswil, canton de Thurgovie, et mort le 6 juin 1961 à Küsnacht, canton de Zurich, en Suisse alémanique.

Penseur résolument moderne, Jung est incontournable. Son ouverture d’esprit et sa démarche multidisciplinaire ont façonné l’inconscient occidental de façon souterraine, mais durable. Sa mise en perspective des traditions alchimiques et chamaniques avec la science médicale moderne sont une toute nouvelle approche du phénomène humain. Avec Nietzsche et quelques autres penseurs, Jung a favorisé l’émergence du courant nagualiste autour de Carlos Castaneda

« Jung est l’auteur de nombreux ouvrages de psychologie et de psychosociologie en langue allemande traduits en de nombreuses autres langues. Il est le fondateur du courant de la psychologie analytique. Son œuvre a été d’abord liée à la psychanalyse, de Sigmund Freud, dont il fut l’un des premiers collaborateurs, et dont il se sépara par la suite pour des motifs personnels, et en raison de divergences théoriques. » (source)Wikipedia

 

Papa Freud

Il est vrai que Papa Freud est fatiguant avec ses obsessions sexuelles et son complexe d’Œdipe omniprésent. La théorie freudienne nous renseigne d’abord sur les psychoses et les névroses de Freud – qui ne sont pas les miennes. Le roman de Rebecca Coffey « Hystérique : L’histoire d’Anna Freud » fut conçu à l’origine comme une biographie. On y voit Sigmund Freud qui tente d’analyser l’homosexualité de sa fille. Nom de dieu !!!! Lisez plutôt :

« Anna Freud a vécu pendant plus de 50 ans avec sa compagne Dorothy Burlingham. Son père concevait le lesbianisme comme une autoroute vers l’effondrement émotionnel qui est toujours la faute du père, et qui est toujours guérissable par la psychanalyse. Freud a donc passé de nombreuses heures à analyser sa fille, en bravant le tabou absolu qui règne dans les milieux psychiatriques. »  

Alors qu’elle effectuait des recherches en vue d’une biographie d’Anna Freud, Rebecca Coffey voulait consulter les journaux et les papiers d’Anna, qui auraient pu fournir plus d’informations sur sa sexualité. Mais selon l’écrivaine, tous ces documents manuscrits ont été « tenus à distance » par les Archives Sigmund Freud, que Coffey décrit comme un « carré de psychanalystes ayant tous de fortes loyautés personnelles » envers Papa Freud. 

Rebecca Coffey voyait en Anna Freud LE cas fondateur de la psychanalyse de l’enfant. Quand elle comprit que l’accès à la plupart des écrits d’Anna lui était interdit, elle se fâcha : « D’accord, les Archives Freudiennes. Vous voulez tout verrouiller. Alors je vais remplir les blancs moi-même. »   C’est ainsi que la biographie est devenue un roman bouleversant. Mais glauque.

 

 

Adler et Reich

« Cela vous dérangerait-il si j’ouvrais un peu la fenêtre ? Un peu d’air frais nous fera tant de bien ! » (source)Hergé, L’étoile mystérieuse, page 26 

L’air frais, en ce domaine de la psychologie des profondeurs, a été apporté par Jung, c’est vrai, mais aussi par deux autres théoriciens quasi oubliés, Adler et Reich.

Après des études de médecine, Wilhelm Reich (1897-1957) devient l’élève de Sigmund Freud et travaille à ses côtés sur la psychanalyse. Dans le domaine de la sexualité, il s’intéresse notamment au rôle de l’orgasme et met au point une flamboyante théorie de l’orgone que mon benefactor a tenté de mettre en pratique à la fin du siècle dernier au domaine de Rochefort. Reich tente ensuite d’allier Marx et Freud dans une tentative très élaborée pour articuler marxisme et psychanalyse. Dans son étude Matérialisme dialectique et psychanalyse, il croit pouvoir allier les deux pensées dominantes, qui tiennent encore la route aujourd’hui.

Alfred Adler (1870-1937), médecin et psychothérapeute autrichien, est le fondateur de la psychologie individuelle. Adler voulait créer une psychologie proche de la vie réelle, qui permettrait à chacun de comprendre les autres d’après leurs biographies. Les ouvrages qu’il publia à partir de 1920, dans un style volontairement dépouillé, ainsi que ses conférences, devaient rendre sa psychologie accessible à tous et en faire un bien commun. L’individu tel qu’Adler le voit n’est pas commandé par ses instincts : il est de nature libre et doit résoudre les tâches culturelles que la vie lui soumet. Très loin du conditionnement freudien, Adler s’y oppose ouvertement pour aboutir, en 1911, à sa rupture avec Freud et sa Société psychanalytique de Vienne.

 

La modernité de Jung

Ne mélangeons pas s’il vous plaît les torchons et les serviettes. En public comme dans sa vie privée, Freud est un patriarche qui règne par la terreur. Loin de tout rigorisme pervers, Jung apparaît infiniment plus sain. Sa vie durant, Jung creuse un filon qui parle à l’âme. Il a beaucoup travaillé son rapport à l’âme bien qu’il utilise peu le mot. Il faut chercher l’âme dans ses écrits intimes, comme son Livre Rouge, qui est plus qu’un livre de chevet : une merveille incontournable.

L’âme. A juste titre, Jung se méfiait de ce mot-valise, déformé par le protestantisme et le catholicisme, et mal perçu par la pensée moderne. Aussi, plutôt que d’âme, Jung préfère parler de psyché. Il évite ainsi les rapprochements intempestifs avec l’âme des croyants, chrétiens ou autres. La psyché est l’âme laïque. On peut en parler sans risquer ni fatwa ni mise à l’index. 

 

 

Néo-freudiens

Cette grande liberté d’esprit lui a valu la méfiance d’un gang mou, celui des néo-freudiens. Tandis que Jung sombrait dans l’oubli, ils ont porté aux nues les pires travers de la pensée freudienne, faisant de la psychanalyse un dangereux terrain miné.

Il existe sans doute des praticiens sincères et compétents. Tout est possible. On a vu des ministres honnêtes. Mais la psychanalyse néo-freudienne ayant tué deux de mes amis, on comprendra que j’ai Freud dans le nez. Si je lui préfère Jung et de beaucoup, j’adore aussi l’exubérant Wilhelm Reich, qui mériterait de s’appeler le grand Reich – si l’appellation n’était pas squattée par des cons. Les niais Nazillons bousillent tout ce qu’ils s’approprient : l’occident, Jeanne d’Arc, le vril, les pyramides, la svastika ou croix gammée, Thulé, tout est bon pour ces mauvais. Ils n’y comprennent rien, mais leurs sales pattes polluent. Ces frustrés n’ont rien inventé, tout pillé. Le multivers a honte pour eux. Et pour ceux qui les imitent.

Plus à tort qu’à raison, on reproche à Jung ses rapports ambigus avec le nazisme. Ambigus ? Pas pour moi. Il a fait semblant de les apprécier pour servir d’autres desseins, beaucoup moins favorables à l’immonde régime. Comme on témoigne Wikipédia, Carl Gustav Jung était agent secret pour le compte des Alliés. (source) Alors évidemment, pour recueillir des informations, il a dû approcher certaines personnalités nazies. Ce qui ne fait pas de lui un nazi, tout le contraire.

 

Jung prophète

L’influence de sa pensée est considérable, et selon moi, sa renommée n’a pas encore atteint son apogée. Jung est en effet l’un des tout premiers philosophes du 20e siècle. Ses fans ne se comptent pas seulement parmi les psychanalystes ou autres intellos : de nombreux artistes revendiquent leur appartenance à la grande famille qu’il a fondée, la métapsychologie. 

« Père fondateur d’une psychologie des cultures, il a rassemblé autour de ses travaux des générations de thérapeutes, d’analystes et d’artistes. Auteur prolifique, il mêle réflexions métapsychologiques et pratiques à propos de la cure analytique. Jung a consacré sa vie à la pratique clinique ainsi qu’à l’élaboration des théories psychologiques, mais a aussi exploré d’autres domaines des humanités : depuis l’étude comparative des religions, la philosophie et la sociologie jusqu’à la critique de l’art et de la littérature. On lui doit les concepts d’ « archétype », d’ « inconscient collectif » et de « synchronicité«  (source)Wikipedia

Chacun de ces concepts fondamentaux mérite un article entier que j’écrirai un jour. Ses idées ont toutes fait une belle carrière, et les chercheurs de vérité qui s’en servent en ignorent le plus souvent l’auteur. Je tenais à ce que cette injustice soit ici réparée. Faites passer, mes chers amis. La joie vous le rendra.

 

 

Xavier Séguin

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