Vous êtes nombreux à me demander comment se pratique concrètement le voyage dans le temps. Il est vrai que je n’ai abordé cette passionnante question que dans un seul article, La ligne de temps, qui manifestement ne vous suffit pas. C’est donc avec le plus grand des plaisirs que j’y reviens ici.

La littérature fantastique adore les voyages temporels. On connaît Retour vers le futur, on connaît Le piège diabolique d’Edgar Pierre Jacobs, ou d’autres ouvrages sur ce thème. Mais film ou roman, quel que soit l’auteur, invariablement, une machine est nécessaire. Le voyage dans le temps n’est possible qu’avec cette machine tout droit sorti du cerveau d’un génial inventeur. Je dois m’inscrire en faux contre ce parti-pris. Non seulement toute machine est inutile, mais elle constituerait un handicap majeur. Si l’on peut voyager à sa guise dans le temps passé ou futur, on serait bien en peine d’y emmener son corps physique, ses vêtements ou n’importe quel objet, une machine a fortiori. Ne vous fiez donc pas à l’image qui ouvre cet article, Stef Kervormon infographiste adore me taquiner.

Pour voyager dans le temps, pas besoin de combinaison moulante fluo récente ou pas, qui sente ou pas, ni besoin de casque, de potion magique, de sortilège, de rites incantatoires, d’invocations sulfureuses, de formules secrètes patiemment décryptées dans un vieux grimoire, ni de l’intervention d’un génie tout droit sorti de sa lampe à huile, ni de l’intercession de Saint Michel Archange, Saint Jean Baptiste, Saint Jean pas Baptiste, Saints Côme et Damien,  Saints Pacôme et Padamien, Saint Hégésippe, Saint Adélard, Saint Ladislas, Saint Decorédespry, Saint Marcellin, Saint Pourçain, Saint Chinian, Saint Estèphe, Sainte Barbe, Sainte Moustache, Sainte Marie Mère de Dieu, Saintes Maries de la Mer, Sainte Mère de la Marie, Sainte Mère Église, Saint Frusquin et tous les Saints. Pas besoin de curés, de moines, d’archiprêtres, de rabbins, d’imams, de bonzes, de bonzesses, de muftis, de rimpochés, ni d’œufs pochés, ni d’empochés, ni d’empotés, ni de pochetés,pour maman Loulou, ça voulait dire maladroit juste besoin d’en avoir vraiment envie. Et ça suffit. Comme je dis. Oui.

Les portes du temps

Comment ça se passe ? Mais le plus simplement du monde. On a tous une porte du temps dans la caboche et deux dans le corps. Il n’y a qu’à pousser, elles sont toujours ouvertes. La porte dans la tête s’appelle la mémoire. Eh oui. Tout ce qu’on a vécu, senti, ressenti, tout ce qu’on a vu, lu, entendu, perçu, tout absolument tout est accessible par ce biais-là. On n’y pense pas. Dommage. Tout ce dont nous avons besoin est en nous depuis la naissance. On n’a qu’une seule chose à apprendre : comment se servir de tout ce fatras qu’on trimbale ?

D’autres portes principales -au mois deux- se situent à différents endroits du corps. Elles sont inconnues du moi ordinaire, seul le moi supérieur peut y donner accès. Le candidat au voyage doit amadouer son moi supérieur, son double, son dieu intérieur, l’enfant qui sommeille au plus profond de lui pour trouver ces portes. Les plus incroyables pouvoirs subtils dorment là, tranquilles, au bout des branches dociles de nos cinq sens. Ceux qui rêvent d’éclairs, d’ouragans cosmiques et de séismes à grand spectacle sont en train d’atterrir brutalement. Simple comme bonjour, clair comme l’eau de roche. La magie est la portée des enfants, ils y excellent. Et pour eux, un carton d’emballage est une voiture, un char d’assaut, une maison, une fusée, un sous-marin ou un chronoscaphe, selon l’humeur, le film qu’ils viennent de voir ou leur jeu vidéo préféré. 

Le souvenir est la base et le point de départ du voyage dans le temps. Quand un souvenir enfoui remonte à la surface, ne le laisse pas filer comme un pet sur une toile cirée. Accroche-le, visite-le, fouille chaque recoin, chaque odeur, chaque musique qui s’y trouve, jusqu’à ce que tous les détails te soient aussi familiers que si tu les avais sous les yeux. À force de te forcer, ça devient naturel. L’observation devient ta vraie nature. Tu vois tout du premier coup d’œil, un regard circulaire te suffit pour évaluer la situation, repérer les dangers éventuels, noter toutes les ressources possibles d’un lieu. Il s’agit, vous m’avez compris, d’un exercice, d’une simulation, d’un entraînement. Pour savoir le faire sans se tromper quand la situation se présente. Et ça peut sauver des vies.

En tous cas, le voyage démarre comme ça. Chacun de nos souvenirs conscients ou endormis peut servir de piste d’atterrissage. Bienvenue dans le passé. Pendant quinze j’ai pratiqué des régressions dans la petite enfance, la vie intra-utérine, l’entre-deux-vies, les vies dites antérieures. J’ai ouvert les portes de nombreux candidats au voyage. Tous et toutes ont plongé dans leur passé mythique, ou dans leurs vies parallèles.

Le chemin de l’engramme

Les engrammes, plus encore que les souvenirs, sont des voies royales d’accès au passé plus ou moins lointain. Ce sont eux qui permettent au traqueur du temps de découvrir les périodes situées avant sa vie actuelle, grâce à l’exploration de ses vies antérieures. Dès qu’il a l’opportunité de capter un revécu, il s’y accroche comme aux pattes de l’oiseau de la liberté. Ces revécus précieux ne demandent qu’à lui dévoiler des tranches oubliées du passé. L’exploration minutieuse de ces séquences peut entraîner le voyageur temporel bien au-delà du cadre strict de l’engramme. Il a accès à toute l’époque en question et pas seulement dans le ou les pays où s’est déroulée sa vie antérieure.

La conquête mémorielle gagne du terrain selon la progression d’une tache d’huile sur un linge. Les fibres du tissu temporel s’imprègnent de la présence consciente de l’explorateur. Chaque nouveau spot, chaque nouvelle époque conquise de haute lutte devient le point de départ d’autres explorations, qui à leur tour ouvriront d’autres espaces temporels.

Quand mon benefactor J-Cl. Flornoy m’a fait passer mon arcane XIII, j’ai retrouvé plus d’une vingtaine de vies dites antérieures. C’est beaucoup. D’ordinaire, au cours de transes profondes, l’impétrant retrouve les souvenirs de quelques vies, rarement plus d’une demie douzaine. Par la suite, j’ai rendu à d’autres ce que Flornoy m’avait donné. J’ai audité de nombreux candidats à l’initiation aux mystères d’Isis, ou petits mystères, encore nommée arcane XIII. J’étais passeur, je suis passant. Je n’oublierai jamais aucune de ces rencontres, ni aucun des candidats que j’ai aidé à passer par le trou de l’aiguille.

Ils m’ont permis d’explorer un peu plus les couloirs du temps. Le passé de notre planète, ainsi que son avenir, sont devenus mon jardin. Ces sessions multiples m’ont servi d’entraînement intensif. La répétition a porté ses fruits. Le mécanisme du retour vers le passé ou du saut dans l’avenir est devenue fluide. Toute la ligne de vie m’est accessible. La mienne, et aussi d’autres. Au-delà des lignes de vie se trouve la ligne du temps, qui les réunit toutes. Je passe le plus clair de mon temps chez Temporel.

 

Xavier Séguin

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