À ceux qui nous ont précédés, nous accordons le pardon et l’oubli. Remercions-les de nous avoir laissé un monde bien plus pourri que celui qu’ils ont reçu. Sont-ils responsables ? Ils ont fait leur devoir. Sont-ils irresponsables ? J’en ai bien peur. En toute logique, le responsable d’une saleté est moins coupable que l’irresponsable qui en permet mille.
Ils se sont pris pour dieu et ça les a foutus dans la merde. Si tu fais comme eux, tu finiras comme eux : irresponsable de millions de morts. Plus d’un archonte, plus d’un dravidien, plus d’un sacré serpent s’est pris pour dieu, il en a causé des chagrins ! Des viols, des souffrances, des tortures, d’abominables lacérations pour permettre aux faux dieux anthropophages de croquer la peau grillée, c’est le meilleur. On a tous fait ça sur le poulet rôti.
Nos maîtres nous ont pris pour leurs volailles, ils nous ont démembrés, ils nous ont fait griller au barbecue avant de se cacher sous une tente pour nous dévorer sans témoin. Il est vrai qu’ils bâfrent si salement qu’à les voir, on aurait vite compris qu’ils n’avaient rien de divin.
Le seul maître divin que je connaisse, il vaut deux cents. Ben oui. Dix vingt.
Tu laisses faire, en face des pires atrocités tu détournes le regard. Tu crois qu’en regardant ailleurs tu empêches le crime, tu extermines le mal, tu bannis l’horreur. Au contraire. Tu la bénis car tu l’excuses. Tu la caches donc tu lui donnes droit de cité. Et par ta lâcheté, le mal se répand plus sournoisement, plus vite, plus loin.
– Mais je n’y suis pour rien ! réponds-tu aussitôt. J’ai opté pour la tolérance, est-ce un crime ?
La tolérance, il y a des maisons pour ça, disait-on dans les années trente.
– Moi, les problèmes du monde, je n’y connais rien, je n’y comprends rien, ça me dépasse… Bien sûr! En bon irresponsable, tu ne lâches pas le morceau.
– Et je m’en fous comme de l’an quarante !
Il est là, le problème. Irresponsable et fier de l’être ! À force de te foutre de tout, le monde se fout de toi. Oh tu peux crever, trop tard : c’est déjà fait pour la plupart. Tu n’es plus rien. Tes garçons tournent voyous, sortent en bande, se castagnent et toi tu fais quoi ? Tu regardes ailleurs. Ta fille fait la pute à cent sous la turlutte, quand elle chiâle tu rigoles. Et tout ce que tu trouves à lui dire :
– Ma chérie, ma chérie, la vie est une dure lutte.
De tout temps les jeunes ont tourné voyous. Ça ne date pas d’hier. « Que se passe-t-il avec nos jeunes ? Ils manquent de respect à leurs aînés, ils désobéissent à leurs parents. Ils ignorent la loi. Ils se révoltent dans les rues, enflammés par des idées folles. Leur morale se dégrade. Qu’adviendra-t-il d’eux ? » disait le vieux Platon il y a 2500 ans — Dans la vieille chronologie, je précise…
Le déclin des générations n’est pas nouveau non plus. « L’âge de nos pères était pire que celui de nos grands-pères. Nous, leurs fils, sommes plus nuls qu’eux ; ainsi, à notre tour, nous donnerons au monde une progéniture encore plus corrompue, » chiâlait déjà Horace il y a deux mille ans.
Qu’on ne me dise pas que les vrais responsables sont les dieux. Les tout puissants dieux d’avant ont fait au mieux. Responsables, ils le sont sans doute. Mais pas autant que les milliards d’irresponsables qui surpeuplent aujourd’hui la terre.
Ceux des vieux dieux qui sont encore
Ont le poids des ans sur le corps
Tant de vieux temps les ont perclus
Qu’au fond du monde ils sont reclus
Tentant un impossible accord
Entre leur âme et leur vieux corps
Les yeux mi-clos ils se surveillent
Ressassant leurs exploits passés
Au printemps de leur cœur glacé
Tâchant tant soit peu de paraître
Au tréfond glacé de leur être
Tels que jadis venus des cieux
À bord du chariot sans essieux
Ont-ils encore en leurs mains d’or
Un ultime élan qui s’endort
Le souvenir du bon vieux temps
Masquant le sort qui les attend
Si cruelle est la destinée
Des tout-puissants assassinés
Qu’un tel bonheur leur soit ravi
Au soir du banquet de la vie
Ayant bâti les fondations
D’un paradis par leurs actions
N’ont-ils mérité meilleur sort
Que d’être condamnés à mort
Irresponsable il est, méprisable il restera. S’abat sur lui une langueur pire encore que le malheur. Cette malédiction si courante aujourd’hui porte pour nom l’ennui. Quel ennui que l’ennui qui nous nuit jour et nuit ! D’où vient-il ? D’un démon pire que la mort.
Quant à ses parents… Le désintérêt est son père, sa mère et sa cause unique.
L’égoisme et l’égocentrisme sont à l’origine du dégoût qu’on ressent pour les autres gens, les pays étrangers, l’état du monde, la souffrance des hommes, l’avenir incertain qui nous guette et qu’on mérite. Oui, qu’on mérite amplement. À force de désintérêt.
Aide-toi, le ciel t’aidera, dit-on. Ce vain songe mérite un coup d’éponge : aide, on t’aidera.
Aider est une façon d’être, être est une occasion d’aider. J’en ai reçu l’exemple et la leçon dès l’enfance. Mes parents faisaient partie de tous les sevices d’entraide possibles — à condition qu’ils soient cathos ! Ils y ont consacré leur cœur et leur courage, leurs quatre enfants ont fait de même.
Avec rage au début. Dégoût ensuite. Amour enfin. Et nous sommes devenus comme nos parents l’avaient voulu. Moi en tout cas. Avec les autres, on s’est perdu de vue depuis un bail. Ils me trouvent totalement cinglé. Je ne peux pas leur donner tort.
L’entraide m’a montré la voie intérieure qui monte. Son refus comme celui de tout ce qui touche à d’autres est le chemin qui mène en enfer. « L’enfer, c’est les autres » a écrit Sartre quand l’existentialisme l’a contraint à d’irresponsables accès d’ego. On ne devrait pas écrire tant qu’on n’est pas éveillé. Ni se prétendre philosophe. Ni accepter aucun hommage.
Ignorant le passé, conjuguant au futur
Je précédais de « moi » toute conversation
Et donnais mon avis que je voulais le bon
Pour critiquer le monde avec désinvolture.
Hier encore, a chanté le grand Aznavour.
L’égoïsme est vouloir tout pour soi. Avant les autres. En quantité plus grande. En totalité de préférence. L’égocentrique se prend pour le centre du monde, ce qui est absurde.Comme chacun sait, le centre du monde, c’est moi. Tous les hommages lui sont dûs, aucun effort ne lui incombe, aucune responsabilité sinon l’accentuation du désordre et du déclin. S’en soucie-t-il ? Que non ! Tant qu’il a la part du lion…
Le contraire est le don, la générosité, la bonhommie, les élans du cœur, l’ouverture, l’honnêteté, la droiture, la vivacité, l’absence de tout snobisme et toute affectation, le sentiment profond d’amour inconditionnel, indifférencié, généralisé, universel et multiversel.
Aime les dieux comme ils sont et les hommes comme ils vont. Tu n’es pas juge pour condamner, tu n’es pas dieu pour t’absoudre, tu n’es pas bourreau pour punir. Ni pour te punir.
Anna, sainte-vierge et Déesse-Mère, vit depuis si longtemps qu'on a oublié son âge.
En 1989, une idée géniale a sauvé mon agence de communication qui battait de l'aile...
C'est admirable ce que tu fais. Tu me permets d'avancer le gigantesque puzzle d'Eden Saga.
Petit ou grand, un puzzle se commence par les bords, les pièces sont plus faciles…
Deux siècles après sa mort, Heine reste un écrivain discuté, surtout dans son propre pays.
Dépêchez-vous, mangez sur l'herbe, un de ces jours, l'herbe mangera sur vous. (Jacques Prévert)