Un jour, un bien beau jour, les Dieux sont partis. Enfin seuls ! On a fait une nouba à tout casser, on a tout cassé d’ailleurs. C’est con, parce que personne n’a su reconstruire. Faudrait quand même essayer de réparer tous leurs machins, ils ont dit qu’ils reviendraient. Devant le gâchis, ils vont faire la gueule, non ?
Si nous ne sommes pas uniquement le fruit d’une évolution mécaniste, nous n’avons pas non plus été créés par Dieu la source de toutes choses.
Nous avons été fabriqués…
Nos concepteurs ne sont pas le Vivant, celui que nous portons tous en nous. Ils ne nous ont pas créés, ce ne sont que des démiurges, des pseudo-dieux – comme nous le serons bientôt. Leur histoire est bien connue, puisque la plupart des traditions nous raconte la même.
Leur fin est évoquée sans faire de mystère, ce qui peut sembler paradoxal pour des dieux censés être immortels, mais distraits que nous sommes, nous n’y avions pas fait gaffe.
Dans la tradition aztèque, Quetzalcoatl le Serpent à Plumes a visité les hommes. Il est resté un temps parmi eux avant de repartir. Les dieux s’en vont toujours. Quetzalcoatl a quitté les Indios « car il avait la nostalgie de son pays. » Quel pays ? Dans les étoiles ? Pas vraiment. La légende nous dit qu’il a marché vers l’Atlantique, il est monté sur un radeau de serpents et il est reparti vers l’est, d’où il était venu. Allons bon. Il était venu de l’Atlantide qui s’est engloutie. Alors où est-il reparti ? En Europe ? On peut le penser puisqu’il s’agit d’un dieu blanc. Il a voulu revoir les siens…
Dans la version maya, Kukulkan le Serpent se frite avec un autre dieu, Huitzilopochtli le Miroir Fumant, qui remplacera Kukulkan à la tête des Mayas. Dans la tradition inca, Viracocha a quitté le pays des cimes et il a filé vers le nord. Etait-ce pour rejoindre ses semblables au Mexique ?
Dans la version iranienne, le dieu-poisson Oannès est retourné dans l’eau d’où il était sorti. Comme tous les soirs, il a plongé pour dormir au fond de l’eau. Mais il n’est jamais reparu. Dans la tradition dogon, le dieu-poisson Nommo était sorti d’un lac et il y est retourné.
Dans la version inca, Ecume de Mer était lui aussi sorti d’un lac. Dans la version sumérienne, la plus ancienne de toutes, le Peuple Serpent est reparti dans les étoiles, d’où il était venu. Mais le dieu créateur des hommes, Enki, a été tué par son frère Enlil.
Dans la version égyptienne, Osiris-Dieu a été tué par son fils (ou frère) Seth. Puis il s’est réincarné dans son fils posthume Horus.
Dans la version biblique, même dénouement. Rendons-nous à l’évidence, Yahveh nous a quitté, lui aussi.
Il fut un temps où il causait avec les prophètes, les prêtres et les rois, comme Enoch, Moïse ou Salomon.
Ce n’est plus le cas, semble-t-il. A présent, Yahveh garde le silence. Tenez-vous prêts, dit Jésus, car Il va revenir. Ce qui signifie clairement qu’il est parti, lui aussi. Comme tous ses potes.
Pourquoi les dieux d’avant nous ont-ils quittés ? Sont-ils retournés chez eux, loin dans les étoiles, ou bien sont-ils morts, tout simplement? Dans la version grecque, Prométhée notre créateur ne part pas, ni ne meurt. Il est juste victime d’un règlement de compte entre mafieux divins. Zeus est le nouveau padrone. Le padrone doit punir son neveu pour l’exemple. Il le fait enchaîner à un rocher « dans ce pays, terme du monde, au fin fond des plaines scythiques » (source)JC Devictor, traduction du Prométhée Enchaîné d’Eschyle où il subira le châtiment voulut par Zeus.
Un aigle viendra chaque jour lui dévorer le foie, qui repoussera chaque nuit.
Ce qui n’a rien d’un miracle, nos chercheurs ayant établi que le foie repousse en cas de lésion. Cette donnée anatomique était donc connue dès la plus haute antiquité…
Bref, voilà donc Prométhée qui se fait becqueter le foie jusqu’à ce qu’un homme arrive, un certain Héraklès, qui le délivre en se souciant bien peu de la volonté de Zeus.
Notez que Héraklès est carrément le fils de Zeus, ça arrange les choses. Notez aussi que les Romains l’appellent Hercule, et vous saurez tout. Alors ? Il est encore vivant notre créateur ? Se pourrait-il que Dieu ait survécu jusqu’à nos jours ? Non, si l’on en croit Nietzsche. « Dieu est mort », affirme-t-il sans ambage. L’Egypte antique dirait même plus : Dieu est mort depuis 12.000 ans. On comprend que ça soit le bordel ici-bas. Trêve de gag, la réponse est dans la question. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il est mortel. Et s’il est mortel, ce n’est donc pas Dieu. Nietzsche a raison, on n’a pas besoin d’un dieu de cet acabit. Soyons clair.
Cette affaire de religion est trop sérieuse pour être débattue. La foi religieuse, trop souvent, s’accompagne de mauvaise foi. Certaines évidences intérieures doivent rester dans la sphère intime. La croyance sacrée est une pure affaire personnelle.
Les Amérindiens sont très surpris des querelles théologiques qui séparent nos religions. Dans leur conception du monde, ces questions concernent chacun et ne sont jamais débattues ni même évoquées. Sans doute sommes-nous trop compliqués pour être vrais. Trop vieux pour être purs. Et trop bêtes pour être sauvés… La religion relie les hommes, les religions les séparent. Comme tuer au nom de la Source ? Celui qui prêche la mort de Dieu inaugure une nouvelle religion, pire encore. Nietzsche a été victime d’une terrible confusion qui l’a rendu fou. Les faux dieux qui nous ont faits sont peut-être morts, la belle affaire !
Le Vivant, lui, ne peut mourir.
« Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort, partagent des mépris identiques : haine de la raison et de l’intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d’un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l’obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l’au-delà, l’ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l’épouse et la mère, l’âme et l’esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré… » (source)Michel Onfray
On l’a vécu jusqu’à la trame, ce vieux schéma.
Approchez sénateurs, écoutez députés, libérez le passage, ne restez pas plantés.
Place aux jeunes. Pourtant gardons-nous de tomber de Charybde en Scylla.deux monstres marins de la mythologie grecque, situés de part et d’autre du détroit de Messine. L’intolérance s’exprimera dans d’autres religions, encore moins humaines, encore plus dures.
Qui donc a besoin de Dieu ? Pas moi, en tout cas.