La Saga d’Eden se réjouit de l’arrivée d’un nouvel auteur : l’ami Eder se penche aujourd’hui sur l’éternel problème de la conscience, et ses rapports avec l’âme. Sujet toujours brûlant, qui a fait couler des rivières d’encre depuis l’invention de l’imprimerie, et qui torturait déjà les sages depuis qu’il y a des hommes et qui pensent.
« Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille anson peut actualiser cette donnée : cent mille ans ? davantage ? qu’il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. » (source)Les Caractères, ou les mœurs de ce siècle, La Bruyère, éd. Estienne Michallet, 1696, Des ouvrages de l’esprit, p.7 Et pourtant, avec les avancées de la physique quantique notamment, un regain d’intérêt pour cette grande question la fait passer de la métaphysique à la science. Bilan.
Dans Pantagruel, le roman drôlatique d’Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais) Gargantua adresse une lettre à son fils Pantagruel, dans laquelle il l’exhorte à étudier. Il la conclue par cette phrase : « Parce que, selon le sage Salomon, sagesse n’entre dans une âme mauvaise, et que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te faut servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir, et, par une foi orientée par la charité, lui être uni au point que tu n’en sois jamais séparé par le péché. »
Prélude à la bioéthique moderne, le fameux « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » semble bien vouloir nous dire que l’homme est doté d’une âme et d’une conscience et que les deux sont inextricablement liées.
Les scientistes des années 80 nous promettaient l’immortalité et un semblant de paradis au tournant du 21e siècle, et nombreux sont les moutons de Panurge à les croire encore. Pour ces adorateurs de la Science Infaillible, tout ceci ne serait que foutaise. Ils croient dur comme fer que la conscience naît de la matière par l’entremise de l’activité cérébrale – quant à l’âme, elle n’existe pas. Point barre ! En somme la vie n’a aucun sens sinon celui d’être vécue. Tout ce monde qui nous entoure ne serait donc que le résultat d’une somme d’événements hasardeux. On peine à y croire.
Comme il a raison, Gargantua, lorsqu’il dit : « Le monde entier est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de bibliothèques très amples, si bien que je crois que ni au temps de Platon, ni de Cicéron, ni de Papinien, il n’était aussi facile d’étudier que maintenant (…) Je vois les brigands, bourreaux, aventuriers, palefreniers de maintenant plus doctes que les docteurs et prédicateurs de mon temps. » (source)François Rabelais, Gargantua
Cinq siècles plus tard, les choses n’ont pas beaucoup changé. Grâce à internet, il est encore bien plus facile d’étudier de nos jours. Et pourtant, si l’on en croit Einstein, rien n’est certain, tout est relatif, la réalité se refuse à nous. « La croyance en un monde extérieur indépendant du sujet qui le perçoit est à la base de toutes les sciences de la nature. Cependant puisque la perception sensorielle ne donne qu’indirectement des informations de ce monde extérieur ou réalité physique, nous ne pouvons l’appréhender que de manière spéculative. Il en découle donc que les notions que nous avons de la réalité physique ne peuvent jamais être définitives… »(source)Einstein, correspondance
Aujourd’hui, c’est la physique quantique qui enfonce le clou. Un siècle après que Max Planck et Louis de Broglie aient posé les bases de cette nouvelle approche du monde, on commence tout juste à comprendre sa portée et ses implications. « Quiconque n’est pas choqué par la théorie quantique ne l’a pas comprise » (source)Niels Bohr Rabelais était loin de se douter que sans conscience, eh bien ! Pas de science du tout.
Nos sens nous trompent, comme le notait déjà René Descartes. De plus en plus de gens s’accordent maintenant sur le fait que la conscience serait quelque chose d’extérieur à nous et dans laquelle le cerveau jouerait le rôle d’un filtre permettant de créer le monde tel que nous le percevons en faisant chuter la fonction d’onde c’est à dire en transformant des ondes en particules, selon le principe de la dualité ondes / particules – la fameuse mécanique quantique de Louis de Broglie.
La matière n’existe sous cette forme que parce qu’il y a un observateur, et parce que cet observateur est conditionné. Il y a de quoi être choqué, non ? Si la question vous turlupine, il vous suffira de quelques recherches sur la toile pour vous régaler. Moi je vous conseille l’étonnante expérience de la double fente de Young. (source)
Sri Ramana Maharshi compte parmi les plus célèbres maîtres Hindous contemporains : « Le monde n’est qu’une manifestation qui apparaît sur l’écran de la pure conscience. » Ou encore : « Il n’y a aucune différence entre la matière et l’esprit. La science moderne admet que la matière est énergie. L’énergie est Shakti. Ainsi en dernière analyse, tout n’est que Shiva et Shakti, c’est à dire le Soi et l’esprit. Les corps n’ont qu’une existence apparente. Ils n’ont en fait aucune réalité. » (source)Ramana Maharshi: Immortelle conscience. Les Deux Océans
Où l’on voit donc que la théorie scientifique confirme enfin ce que les grands maîtres spirituels nous rabâchent depuis toujours : tout est maya, tout est illusion. « Nous sommes à cet instant même, Existence, Béatitude, Infinitude. Notre conscience est un flux ininterrompu, éternel. Imaginer être provisoirement autre chose, c’est être plongé dans maya, c’est s’hypnotiser soi-même. Sortez de cet état d’hypnose. » (source)Ramana Maharshi, Immortelle conscience
Oublions les illusions que sont le réchauffement climatique, les différentes guerres qui agitent notre planète, le prix du pétrole qui fait du yoyo. Mais surtout, oublions les Trump, Poutine, Kim Jong-un, Orban, Erdogan, Bachar el Assad, Bolsonaro, Ben Salmane… Ont-ils tous perdu la tête ? Heureusement pour nous, « La tête perdue, ne périt que la personne ; les couilles perdues, périrait toute nature humaine. »(source)François Rabelais, Le Tiers livre
« Amis, vous noterez que par le monde y a beaucoup plus de couillons que d’hommes, » ajoute notre bon Rabelais.Le cinquième livre, Œuvre posthume de François Rabelais Mais à part ça Madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien… (air connu) Alors que ses leaders déraillent, une question se pose. La seule question qui vaille. L’humanité serait-elle en train de s’éveiller ?