« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux. » L’inscription figurait au fronton du Temple de Delphes. Dans ce sanctuaire d’Apollon, une prophétesse, la Pythie, prédisait l’avenir des pèlerins qui venaient en foule recevoir ses saintes paroles.
Cette simple maxime résume toute la sagesse antique, celle qui nous vient des dieux terraformeurs. Il suffit de se connaître pour connaître tout ce qui est, car nous sommes le microcosme qui répète le macrocosme, le petit monde qui réplique le grand. Se connaître pour connaître les hommes, et aussi les dieux, car il n’y a pas de différence entre les uns et les autres. Je veux dire pas de différence de nature, juste une différence de degré.
La rencontre avec soi-même n’est pas une mince affaire. Bien peu en entreprennent la quête, et encore moins y parviennent. Socrate et son porte-parole Platon ont repris ce thème fondateur, tandis qu’au même moment, en Inde, sri Gautama Siddharta, le Bouddha historique « a transmi la sagesse issue de son éveil et la méthode pour y accéder : la connaissance de soi, hors de tout dogme. » (source)http://www.buddhaline.net/Connais-toi-toi-meme-et-tu
Toujours au même moment, le 5e siècle AEC, Confucius et Lao-Tseu posent les fondations de la morale et de la sagesse chinoise, qui reposent aussi sur la connaissance de soi.
Seize siècles se sont écoulés depuis lors. Avons-nous réellement progressé dans cette voie ? Une question se pose : pourquoi est-il si difficile d’entreprendre et de mener à bien cette quête-là ? Voici un élément de réponse : « Nous avons été sur la lune, nous avons cartographié les profondeurs de l’océan et le cœur de l’atome, mais nous avons la peur de tourner notre regard vers l’intérieur de nous-mêmes parce que nous avons l’impression que c’est là que toutes les contradictions coulent ensemble. » (source)Terence McKenna
Le secret de la connaissance ultime est au fond de nous. Le secret de l’amour aussi. Comme celui de la paix. Qui parvient à descendre au plus profond de soi-même parvient à la connaissance absolue, à la sérénité ultime, au nirvana, à l’état de bouddha. Toutes les religions, toutes les sagesses, toutes les quêtes sont résumées dans celle-ci, la plus puissante, la plus dangereuse : « Connais-toi ». Elle est indispensable, et aucun prof ne l’enseigne dans aucune école. Elle est essentielle, et nulle grande marque ne la développe, nulle multinationale n’en a fait son cœur de métier. On nous vend de la merde en pot, et nous, pauvres de nous, on en redemande.
« Il se dégage
De ces cartons d’emballage
Des gens lavés, hors d’usage
Et tristes et sans aucun avantage
On nous inflige
Des désirs qui nous affligent
On nous prend faut pas déconner dès qu’on est né
Pour des cons alors qu’on est
Des
Foules sentimentales
On a soif d’idéal
Attirées par les étoiles, les voiles
Que des choses pas commerciales
Foule sentimentale
Il faut voir comme on nous parle
Comme on nous parle » (source)Alain Souchon
Se connaître, c’est accepter de rentrer en soi, accepter de s’explorer. Tenter de se comprendre, et ce qu’on ne comprend pas, le contrôler. La connaissance de soi-même est la dernière aventure qui vaille le coup dans ce monde trop policé. Pourtant si peu d’entre nous s’y engagent ! Corps, coeur et âme, s’y engagent à fond, sans esprit de retour. Connais-toi !! Même si toutes les écoles, tous les films et tous les livres nous recommandaient de tenter l’aventure, irions-nous ? Le ferions-nous ?
Il n’y a qu’un seul coin de l’univers que vous pouvez améliorer à coup sûr, c’est vous-même. (Aldous Huxley)
Enter en soi, c’est d’abord affronter le gardien du seuil, et Rudolf Steiner sait qu’il n’est pas commode. Carlos Castaneda le décrit de façon plus imagée, mais la rencontre du gardien, quoi qu’on en dise, est une réelle épreuve qui en dissuade plus d’un. Cette épreuve surmontée, l’exploration de soi-même peut commencer. Plus les découvertes sont éprouvantes à obtenir, plus le bénéfice est grand quand on les obtient. Si aucune découverte ne récompense les premiers efforts, gardons-nous du découragement.
« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » disait Rudyard Kipling, très influencé par la pensée asiatique. Le Yi-King le répète à longueur d’hexagrammes : « la persévérance est avantageuse ».
Chercher en soi, c’est creuser un sillon. Droit, profond, remuant tout à l’intérieur, faisant remonter des peurs et des chagrins enfouis, le sillon ne doit pas s’interrompre. Un jour, à force de droiture et de continuité, le sillon débouche à la mer. Tout est noyé, lavé, libéré. Un autre s’éveille en toi, son ordre prend ta place, et tu deviens ce que la graine divine en toi te promettait. Ce jour viendra. Patience et labeur. La clé première, celle qui ouvre toutes les portes, c’est évidemment l’amour. Aimer, c’est d’abord s’aimer.
Alors on pourra, au frontispice de Delphes, changer un seul mot qui change tout : « Aime-toi toi-même et tu aimeras les hommes et les dieux »