Le vitalisme d’Henri Bergson

 

Le vitalisme n’a que peu de rapport avec la vitalité, mais doit tout à l’élan vital. Celle-là dépeint le tonus du corps physique, tandis que celui-ci est une doctrine philosophique. Je suis vitaliste – ce qui n’ôte pas ma vitalité, au contraire. Qu’est-ce donc qu’un vitaliste ? Je vais vous le dire.

 

Le chef de file des vitalistes est assurément le philosophe Henri Bergson. Quand ses thèses ont fait irruption sur la scène de la pensée philosophique, certains vieux caciques ont fait la moue. Ses concepts novateurs, irréductibles à la raison, leur évoquaient fâcheusement Nietzsche. Ce qu’il ne faut pas faire ! Ce génie est mal vu, personne n’a pris sa défense et il moisit encore en purgatoire avec toute son œuvre, pourtant fondamentale. Il en est de même pour Bergson.

Pourquoi suis-je vitaliste ? Fils spirituel du grand Nietzsche, j’ai une tendresse toute particulière pour Bergson. Comme lui, comme Claude Bernard, André Lalande et d’autres, je sais que le vivant n’est pas réductible aux lois de la physique et de la chimie. J’observe autour de moi comme en moi-même l’action d’une force vitale qui transcende les lois de la matière. Cette force à l’origine du vivant, certains peuvent l’appeler dieu et lui mettre une majuscule. J’aime mieux parler d’énergie, ou de vril, qui est l’énergie vitale.

Cette énergie ne concerne que le vivant, et elle obéit à d’autres lois que celles de la matière. Elle quitte probablement le domaine de la physique, en tout cas de la physique actuelle. Sans cette énergie, il n’y aurait pas de vie. Et j’ajoute, il n’y aurait pas d’éveil. Pas de spiritualité. Pas de transcendance. Pas de dépassement de soi…

Dans son vocabulaire de la philosophie, André Lalande décrit le vitalisme comme une « doctrine selon laquelle il existe en chaque être vivant un principe vital, différent à la fois de l’âme pensante et des propriétés physico-chimiques du corps, gouvernant les phénomènes de la vie« . (source)André Lalande, Vocabulaire Technique et Critique de la Philosophie,

En clair, le vitaliste pense que le corps matériel et l’âme spirituelle ne sont pas les seuls ingrédients d’un être vivant. S’y ajoute le vril, l’énergie vitale, l’élan vital cher à Henri Bergson. Le corps, l’âme et le vril, telle est notre nature triple.

Trois personnes en une, ça me rappelle quelque chose. Corps, Esprit, Cœur. Le corps physique, l’esprit immortel que les voyants appellent l’aura, et l’interface entre les deux, le corps astral que je préfère appeler corps subtil ou Corps du Cœur, sur lequel se trouvent les chakras.

 

 

Cette doctrine philosophique s’oppose au mécanisme de Démocrite et de Descartes. Elle fut un temps celle de la biologie, qui finalement l’a abandonnée, même si l’éminent scientifique Claude Bernard soulignait alors ses points de convergence avec les vitalistes. Il écrit : « J’admets en effet que les manifestations vitales ne sauraient être élucidés par les seules phénomènes physico-chimiques connus dans la matière brute. » (source)Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Pour moi, le vitalisme a mis le doigt sur une réalité profonde. Notre constitution triple, la sainte trinité intérieure, ce que j’ai appelé nos trois personnes. Mais quel brouillard dans l’énoncé, quelle confusion dans les têtes pensantes ! On les dit bien pensantes, je les trouve bien mal pensantes. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… (source)

Oui il y a une intuition. Oui l’élan vital bergsonien est une avancée indiscutable. Avancée qui paye sa dette à Nietzsche. Ainsi progresse la pensée, par emprunt et phagocytose mentale. Voilà que je m’exprime comme Lalande ! Ces discours-là ne parlent que d’eux-mêmes.

Drame récurrent des philosophes ! Le siècle dernier les a fait tourner en bourriques. On cherche en vain, on s’invective. On tourne en rond dans sa tête sans trouver la sortie. Si le philosophe est incapable d’habiter le reste de son corps, comment pourrait-il habiter son époque ? Aère, philosophe livresque. Ouvre en grand les fenêtres de tes sens, ami de la sagesse, tu pues de la tête.

Un véritable sage doit la chercher au-delà et en-deça du mental. Transcender l’intellect, pur produit de l’ordinateur cerveau. S’imprégner charnellement de la chair, voluptueusement de la pulpe, sensuellement de la peau jusqu’à endormir le cerveau qui t’endort.

 

 

Le monde s’arrête. Dans le silence de ta tête, perçois les comètes. Deviens poète. Le temps s’est joué de toi trop longtemps, il t’obéit maintenant. Mieux qu’avant, plus souvent, se caleront sur toi les éléments. Ta petite personne insignifiante devient graine divine quand elle est habitée par l’esprit tout puissant.

Tu es infiniment plus que tes atomes animés, plus que ton physique, plus que ta physique. Nous sommes beaucoup plus que nos courtes vies. L’esprit n’est pas né du cerveau. Il souffle sur les hommes comme sur toutes choses, puissent les hommes se nourrir de ce souffle. En Inde, on l’appelle le prana. En occident, on l’appelle le vril.

Le cerveau s’empare des pensées qu’il capte avec son antenne parabolique, le cortex cérébral. Il capte les infos et les images qui se matérialisent dans sa luminosité, son aura. C’est un microcosme qui nous entoure, c’est l’esprit saint, c’est notre âme immortelle. Virtuellement immortelle, en fait. Croire sans y croire…

Il faut se rendre à l’évidence : l’espace de nos vies est clos. Nous n’avons aucun moyen de voir l’au-delà. Le croyant prend ses rêves pour des certitudes, je tiens les certitudes pour des rêves. Ceux d’entre nous qui croient voir quelque chose de l’autre côté de la mort ne pourront jamais en être certains. Moi le premier.

La condition humaine est le doute. C’est notre grandeur et notre force. Sois celui qui doute. Sois celui qui agit cependant. Sois un héros de tous les jours. Sois l’ombre qui rêve de la lumière.

Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule.

Voltaire

 

 

Le souvenir des faits extérieurs de ma vie s’est, pour la plus grande part, estompé dans mon esprit ou a disparu. Mais les rencontres avec l’autre réalité, la collision avec l’inconscient, se sont imprégnées de façon indélébile dans ma mémoire. Il y avait toujours là abondance et richesse. Tout le reste passe à l’arrière-plan.
Carl Gustav Jung