Les douze pièges

Au cours de son apprentissage auprès du nagual Don Juan Matus, Carlos Castaneda apprend à se défier des quatre ennemis du guerrier. Cette guerre est sacrée. Les ennemis sont en toi. À vaincre les ténèbres intérieures tu parviens au soleil du cœur.

J’ai consacré un article aux quatre ennemis dans le chapitre Castaneda, je me contenterai donc de les citer : la peur, la clarté, les pouvoirs, la vieillesse. Pour en savoir plus, reporte-toi à l’article en question.

Je voudrais évoquer d’autres ennemis. Quelques pièges et blocages qu’un guerrier doit apprendre à éviter, à renverser ou à tenir à distance – selon le cas.

On notera que la plupart de ces pièges sont tendus par le guerrier lui-même. Tu es ton pire ennemi, dit l’adage. Aussi est-ce en toi que tu dois mener le jihad, la guerre sainte contre tes faiblesses.

Tu es ici pour progresser, ami guerrier. Pour réaliser les qualités dont les graines sont tiennes. À toi de les faire croître et fleurir, pour que la plante donne de beaux fruits. Tu es ici pour te dominer, apprenti sorcier, guerrier en herbe. Sage en arbre.

Pour ce combat, l’armure est inutile, voire dangereuse. elle enferme en toi tes pires ennemis, leur ôtant la possibilité de fuir. Revêtu de l’armure, tu es l’agneau au milieu des loups. Sans armure, tu revendiques ta force et ta voie. Nu, tu seras vêtu de lumière.

Ego dominant

C’est le petit moi qui impose sa loi au guerrier.
Remède : coupe-toi la tête.

Auto-apitoiement

Pleurer sur soi-même est une forme d’ego. Et l’ego est l’ennemi de l’éveil. Si tu pleures sur ton sort, tu oublies que tu es responsable de tout ce qui t’arrive.
Remède : sois généreux, ouvre-toi, sors de toi-même.

Auto-analyse

Chercher la vérité sur soi-même avec son mental, qui n’est pas approprié. Va-t-on à la chasse aux papillons avec un piège à loup ?
Remède : coupe-toi la tête.

Amour-propre

Là encore, derrière ce sentiment banal, se cache une manifestation d’ego dominant. Laisse tomber ces mômeries. Le guerrier ne s’en soucie pas.
Remède : coupe-toi la tête.

Timidité

C’est une autre manifestation d’ego dominant. Le timide se tient à l’écart parce qu’il s’estime supérieur aux autres. Il est secrètement misanthrope et méprise ses semblables.
Remède : cultive l’humilité.

Suffisance

S’attribuer le mérite de miracles. Croire que tes pouvoirs viennent de toi. Te prendre pour la cause. Te laisser griser par les effets.
Remède : cultive l’humilité.

Mégalomanie

Certains gourous, certaines idoles, certaines stars, à force d’être adorés par le grand nombre, se prennent pour Dieu.
Remède : entoure-toi de petits tyrans.

Laisser aller

Souvent confondu avec le lâcher prise libérateur, le laisser aller est un piège qui fait perdre le cap. Secoue-toi.
Remède : agis davantage. Prends confiance en toi.

Lassitude

Un coup de mou, ça arrive aux meilleurs. Mais cultiver le dégoût de tout, s’enfermer dans le noir, se morfondre est indigne d’un guerrier. Positive.
Remède : soigne une plante ou un animal.

Doute

Douter de tout n’est pas indigne. A condition de croire, le doute est salvateur. S’il devient paralysie, cultive la foi. L’important est de ne pas quitter la Voie du Milieu.
Remède : crois sans y croire, doute en y croyant.

Naïveté

Tout admettre, ne faire preuve d’aucun discernement, accepter sans comprendre, admettre sans réfléchir, tomber dans tous les panneaux, être le dindon de toutes les farces. Il faut grandir un peu.
Remède : visite un malade

Soumission

Le guerrier est insoumis. La guerrière idem. Nul ne leur dicte la conduite. Ils savent que la soumission, c’est la démission. Ce comportement indigne s’oppose à l’éveil.
Remède : cultive l’estime de toi.

Et voilà la douzaine. Si tu en trouves d’autres, ça ne m’étonne pas. Aucune liste n’est exhaustive. L’important n’est pas le nom du piège, mais la façon de l’éviter. En tout état cause, le mieux serait de ne pas tomber dedans. C’est quand il se referme que le piège fait mal. Et ça dure.

Tâche alors de maintenir ouvertes les mâchoires du piège le plus longtemps possible, et quand tes forces te fuiront, les mâchoires se refermeront. Sur ta main, sur ton cou, tu verras bien, c’est ton destin.

Si tu tiens toujours le milieu du chemin, tu éviteras les pièges qui sont sur les côtés. Si tu suis toujours la vallée, tu éviteras les pièges des hauteurs. Si tu tombes dans un piège d’en bas, tu verras ta vallée t’avaler.

Tu n’es pas né pour te cacher derrière ton ombre. Tu n’es pas né pour fuir les nobles tâches. Tu as une œuvre à accomplir. Tu n’es pas né pour traînailler. Un jour ton dieu descendra en toi, il te jugera. Ton dieu c’est toi. Pas le toi de tous les jours, le Toi qui te dirige.

Ton principal défaut ? Tu crois que tu as l’éternité devant toi. Tel est le constat que fait Juan Matus sur son apprenti Carlos Castaneda. Carlito a pris sa mort pour conseillère à l’âge de 45 ans. Il a pris tout son temps. S’il avait été moins bouché, il n’aurait pas eu besoin de prendre tant de drogues, l’herbe du diable, la petite fumée, mescalito, j’en passe.

Et toi ? Il est temps de t’y mettre. Pas à la défonce, non, tu as déjà donné. À quoi ça t’a mené ? Il est grand temps de te mettre à l’œuvre. Tu n’as que cette vie-ci pour éclore. Il me semble que tu as déjà perdu trop d’années…

De celui qui dans la bataille a vaincu mille milliers d’hommes et de celui qui s’est vaincu lui-même, c’est ce dernier qui est le plus grand vainqueur.
Bouddha