Nous ne sommes pas nés en Grèce, la culture grecque antique n’a fait que reprendre des éléments aux cultures antérieures, comme l’égyptienne ou la celtique. Notre langue française ne vient pas seulement de Rome et du latin : la langue celte y a laissé sa marque indélébile.

 

Depuis longtemps déjà, je reviens et j’insiste sur la nécessaire remise à plat de notre antiquité occidentale. L’influence gréco-latine, tenue pour majoritaire, ne doit pas faire oublier une autre influence, omniprésente et presque oubliée, celle des Celtes qu’on appelle aussi les Gaulois.

Premier point à éclaircir : y a-t-il une différence entre ces deux peuples, les Celtes et les Gaulois ? Honnêtement non. On parle du même peuple. Ce sont deux étiquettes pour le même flacon. Seul l’usage a introduit une nuance, réservant le nom Gaulois aux Celtes de la Gaule. (source) Mais on pourrait aussi bien parler des Gaulois d’Irlande sans dire une bêtise. Tous les Celtes sont Gaulois, comme tous les Gaulois sont Celtes.

Dans L’amour et l’occident, ouvrage majeur du siècle dernier, Denis de Rougemont se livre à de brillantes analyses sur l’aube de notre culture, et sur les sources médiévales de l’amour courtois – selon lui l’archétype et l’origine du concept d’amour qu’il tient pour occidental. C’est de ce livre que je tire les citations de cet article.

L’image de conquérants que se sont donnés les Romains ne reposent en fait que sur les écrits de Jules César, notamment sa Guerre des Gaules, De Bello Gallico, où il s’évertue à rabaisser le génie militaire des Gaulois.

« Bien avant Rome, les Celtes avaient conquis une grande partie de l’Europe actuelle. Ils avaient mis à sac Rome et Delphes, et soumis tous les peuples de l’Atlantique à la Mer Noire. Ils poussèrent même jusqu’en Ukraine et en Asie Mineure (Galates), préfigurant assez exactement l’extension de l’empire romain – moins les péninsules italiennes et grecques. Or les Celtes n’étaient pas une nation. Ils n’avaient pas d’autre unité que celle d’une civilisation, dont le principe spirituel était maintenu par le collège sacerdotal des druides. » (source)Denis de Rougemont, L’amour et l’occident, Paris 1938

 

 

Ce collège était « une institution internationale commune à tous les peuples d’origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Les voyages et les rencontres des druides « cimentaient l’union des peuples celtiques et le sentiment de leur parenté » (source)H. Hubert, Les Celtes Les druides formaient des confréries religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils étaient à la fois devins, magiciens, médecins, prêtres, confesseurs. Ils n’écrivaient pas de livres mais donnaient un enseignement oral, en vers gnomiques, à des élèves qu’ils gardaient auprès d’eux pendant vingt ans. »  (source)Denis de Rougemont, L’amour et l’occident, Paris 1938

Les enfants des familles riches accouraient de toute l’Europe, de l’Asie Mineure et du bassin méditerranéen pour suivre cet enseignement de pointe, réputé le plus complet dans des domaines aussi divers que les mathématiques, la géométrie, l’architecture, la magie, l’élocution, et l’ensemble du savoir antérieur, celui transmis par les Hyperboréens et les Atlantes aux premiers humains civilisés de la proto-histoire. Cet enseignement a été dispensé à de nombreux jeunes Grecs, comme Démocrite, Anaximandre, Pythagore, Platon, Aristote, et à presque toute l’intelligentsia antique. Les patriciens romains y ont puisé une bonne part de leurs connaissances. Même les jeunes nobles d’Egypte se rendaient dans les universités druidiques pour y suivre tout ou partie de l’énorme cursus universitaire. (source)H. d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique

« Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de l’Europe a survécu à la conquête romaine et aux invasions germaniques. « Les Gallo-Romains sont restés pour la plupart des Celtes déguisés. Si bien qu’après les invasions germaniques, on vit reparaître en Gaule des modes et des goûts qui avaient été ceux des Celtes. » (source)H. Hubert, Les Celtes L’art roman et les langues romanes attestent de l’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce furent les moines d’Irlande et de Bretagne, derniers refuges des légendes bardiques, qui évangélisèrent l’Europe »  (source)Denis de Rougemont, L’amour et l’occident, Paris 1938 et la rappelèrent au culte druidique pré-Chrétien instauré par Rama lui-même.

On a pu rapprocher le collège druidique « d’institutions tout à fait identiques chez les autres peuples indo-européens : mages iraniens, brahmanes de l’Inde, pontifes et flamines de Rome. »  (source)Denis de Rougemont, L’amour et l’occident, Paris 1938 « Le flamen porte d’ailleurs le même nom que le brahmane. »  (source)J. Vrendryès, Mémoires de la société linguistique

Ce sont des constatations de ce genre qui ont fait déduire à l’origine indo-européenne des Celtes. C’est vrai et c’est faux, tout dépend jusqu’où l’on remonte dans le passé. Les invasions celtes du 6e siècle AEC et des siècles suivants sont bien originaires de l’Inde via l’Europe centrale. L’histoire officielle ne s’aventure guère avant cette date. Mais comme je l’ai expliqué, si l’on remonte jusqu’en 2000 AEC, à l’aube de l’ère du Bélier, on peut retrouver la trace d’importants déplacements de populations des terres celtiques d’Occident vers l’Extrême Orient, à travers l’Europe centrale, l’Iran et l’Inde. Ce sont les troupes et les colons du clan de l’Ours, compagnons et guerriers de Rama le Bélier d’Hyperborée. J’ai développé ces divers points dans les articles regroupés du chapitre Le monde de Rama

 

 

« La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophétique. C’est la Velléda des Martyrs, le fantôme lumineux qui apparaît aux regards du général romain perdu dans sa rêverie nocturne. « Sais-tu que je suis fée ? » dit-elle. Eros a revêtu les apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terrestres. Mais symbole équivoque puisqu’il tend à confondre l’attrait du sexe et le Désir sans fin. L’Essylt des légendes sacrées, « objet de contemplation, spectacle mystérieux », c’était l’invitation à désirer ce qui est au-delà des formes incarnées. Mais elle est belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature est fuyante. « L’Éternel féminin nous entraîne » dira Goethe. Et Novalis : « La femme est le but de l’homme. » (source)Denis de Rougemont, L’amour et l’occident, Paris 1938

Maxime qui deviendra sous la plume de Louis Aragon : « L’avenir de l’homme est la femme ». Et sous celle de son fidèle serviteur Jean Ferrat : « La femme est l’avenir de l’homme. » Mais je préfère l’original. La femme est un but pour l’homme, un chef d’œuvre ignoré, donc en péril, sur la plus grande partie de cette planète, qu’il importe de remettre à la place qui lui revient, celle de fondatrice et de prophétesse. Je ne sais pas si la femme est l’avenir de l’homme, mais je sais qu’elle est notre origine à tous, ainsi que le passé de l’humanité. Un passé que les hommes, les mâles, ont voulu éradiquer, parce qu’il remet en question leur suprématie qu’ils jugent légitime, alors qu’elle est criminelle.

Pour Rougemont, la femme celte est « divine et prophétique aux yeux des druides ». Bien sûr  qu’elle l’est ! Mais pas pour les raisons symboliques et fumeuses qu’évoque Rougemont. Les druides sont les mieux placés pour connaître la divinité de la Grande Déesse. Ils se souviennent de l’ère précédente, celle du Taureau, ou pour mieux dire de la Taure, de l’Hathor. Les druidesses sont venues avant les druides. Elles ont régné sur le monde pré-celtique grâce à leur grande sagesse et leur haute taille. Mais le règne planétaire des Matriarches a pris fin dans un bain de sang. Les Amazones, gardes noires de la Grande Déesse, ont semé la terreur et la torture à travers le pays. Quand les géantes ont disparu, il ne restait que des femmes de la même taille que les hommes, elles ont payé pour les exactions de leur gigantesques consœurs. Quatre mille ans plus tard, les femmes le payent encore.

 

 

Les sources écrites

La langue gauloise était réservée à l’oral, comme la plupart des langues celtiques. On n’en a donc aucune trace écrite. Bien sûr, il y a l’ouvrage majeur de l’empereur Jules César, De Bello Gallico, La Guerre des Gaules, mais son récit très politique visait surtout à impressionner le Sénat romain. Il manque vraiment d’objectivité en présentant les Gaulois comme un peuple cruel et barbare.

César a donc baratiné à fond pour qu’on lui pardonne les exactions et les pillages commis pas ses légions cruelles et barbares. Malgré ça, son retour à Rome n’a pas été facile. Il a été obligé de forcer une loi romaine interdisant aux armées de s’approcher de la Ville. À la tête de ses légions, il a fait franchir le Rubicon à toute son armée pour entrer dans Rome.

Or les Gaulois étaient l’élite culturelle de l’Europe, très prisée des Romains qui y faisaient leurs études dans les universités druidiques. Leur mode notamment, les tuniques brodées et les manteaux élégants, les chausses finement cousues, la vaisselle, etc. s’achetaient à prix d’or dans tout l’Empire Romain, jusqu’en Grèce et en Égypte, les autres nations civilisées de l’époque.

Pourtant nos manuels scolaires se sont alignés sur les âneries de César pour nous montrer des sauvages à demi nus, fidèles au portrait qu’en trace sa Guerre des Gaules.

Les seules sources celtes parvenues jusqu’à nous sont rédigées en gaélique d’Irlande et datent du Moyen Âge. Voici une présentation des trois principaux:

Lebor Gabála Érenn
Le ‘Livre des Conquêtes’, Lebor Gabála Érenn, est l’un des récits irlandais majeurs de l’époque médiévale. Véritable cosmogonie, il décrit l’invasion de l’île par six peuples mythiques héroïques pré-humains, avant l’arrivée et le règne terrestre des Gaëls.

Táin Bó Cúailnge
La Táin Bó Cúailnge, que l’on traduit par la « Rafle des Vaches de Cooley » est le récit principal et le plus long du cycle d’Ulster qui, avec le cycle mythologique, le cycle fenian, et le cycle historique, constituent le corpus littéraire de la mythologie celtique irlandaise.

Cath Maighe Tuireadh
Cath Maighe Tuireadh est un récit du Cycle mythologique de l’Irlande, dans lequel nous est racontée la guerre qui oppose les dieux des Tuatha Dé Danann à leurs ennemis les Fir Bolg, et aux Fomoires. Littéralement, le titre se traduit par bataille de la plaine des piliers en référence aux guerriers sur les champs de bataille. Maighe Tuireadh signifie « la plaine des piliers ». Il s’écrit aujourd’hui Mag Tuired et se prononce Moï Toura.

 

Xavier Séguin

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