L’Atlantide est un sujet maudit. La plupart des historiens, protohistoriens ou archéologues se refusent obstinément à examiner la question autrement que pour en rire. Et pourtant ! Le mythologue que je suis, amoureux depuis toujours des contes et des légendes, n’a pas cette sorte de prévention.
Le philosophe grec Platon est notre première source d’information sur l’Atlantide. Voici un résumé de ce qu’il en dit dans le Timée : « L’océan Atlantique était navigable en ce temps-là ; car, face au détroit que vous autres Grecs appelez « les colonnes d’Héraklès »Ou colonnes d’Hercule s’étendait une île plus vaste que la Libye du Nord et l’Asie réunies ; de là, il était possible aux voyageurs de gagner les autres îles, puis de ces îles la totalité du continent qui, de l’autre côté, entoure l’océan. Là-bas s’étend un océan véritable, et la terre qui l’entoure peut être appelée continent au plein sens du terme. »
Ne dirait-on pas la description d’une île proche de l’Amérique ? Ce continent était-il connu de tout temps ? « Or, sur cette île de l’Atlantide, existait une confédération de rois, puissance énorme et merveilleuse, qui avait de l’importance sur l ‘île ainsi que sur beaucoup d’autres îles, et sur certaines parties du continent ; de plus, à partir des terres situées à l’intérieur du détroit, ils régnaient sur la Libye jusqu’à l’Egypte, et sur l’Europe jusqu’à la Toscane ». (source)Platon, Timée
Dans plusieurs livres, Platon mentionne l’Atlantide, ainsi nommée d’après le titan Atlas, fils du Ciel et de la Terre et frère du Temps. Il évoque sa capitale Poséidopolis, ainsi nommée d’après son fondateur le dieu Poséidon, l’égal de Zeus. Voici sa description : « Quand on avait traversé les trois ports extérieurs, on trouvait un mur circulaire commençant à la mer et partout distant de cinquante stades de la plus grande enceinte et de son port. Ce mur venait fermer au même point l’entrée du canal du côté de la mer. » (source)Platon, le Timée On notera que le plan de Poséidopolis décrit par Platon reproduit fidèlement le dessin de la croix celtique. De là à penser que la croix celtique est un pur souvenir de Poséidopolis, il n’y a qu’un pas que je franchis sans souci. Quant aux rabougris nazillons qui s’imaginent que la croix celtique justifie leur idéologie merdeuse, ils se préparent une lourde déconvenue.
Dans le Timée, Platon raconte comment les Athéniens défirent les troupes atlantes. Et dans un autre dialogue, le Critias, il décrit l’imposante Atlantide, son port, ses palais et ses lois. Alléchant propos. Hélas, la fin du Critias est manquante. Personne ne sait si Platon a laissé le manuscrit inachevé, ou si la fin s’est perdue depuis lors. Les hellénistes sont persuadés que Platon a inventé l’Atlantide, mais les philosophes en doutent : Platon n’est pas coutumier du fait.
Ainsi, dans le Critias, il expose qui étaient les Atlantes et comment ils furent punis par les dieux. ce récit n’a rien d’une fiction, comme vous pourrez en juger.
« Telle était la formidable puissance qui s’était élevée dans ce pays, et que la Divinité dirigea contre nous pour la cause que je vais vous dire. Pendant plusieurs générations, tant que les habitants de l’Atlantide conservèrent quelque chose de leur extraction divine, ils obéirent aux lois, et respectèrent le principe divin qui leur était commun à tous ; leurs âmes, attachées à la vérité, ne s’ouvraient qu’à de nobles sentiments ; leur prudence et leur modération éclataient dans toutes les circonstances et dans tous leurs rapports entre eux.
Ne connaissant d’autres biens que la vertu, ils estimaient peu leurs richesses, et n’avaient pas de peine à considérer comme un fardeau l’or et la multitude des avantages du même genre. Au lieu de se laisser enivrer par les délices de l’opulence et de perdre le gouvernement d’eux-mêmes, ils ne s’écartaient point de la tempérance ; ils comprenaient à merveille que la concorde avec la vertu accroît les autres biens, et qu’en les recherchant avec trop d’ardeur, on les perd, et la vertu avec eux. Tant qu’ils suivirent ces principes et que la nature divine prévalut en eux, tout leur réussit, comme je l’ai raconté.
Mais quand l’essence divine commença à s’altérer en eux pour s’être tant de fois alliée à la nature humaine, et que l’humanité prit le dessus, incapables de supporter leur prospérité, ils dégénérèrent ; et dès lors ceux qui savent voir purent reconnaître leur misère et qu’ils avaient perdu le meilleur de leurs biens ; tandis que ceux qui ne peuvent apprécier ce qui fait le vrai bonheur, les crurent parvenus au comble de la gloire et de la félicité, lorsqu’ils se laissaient dominer par l’injuste passion d’étendre leur puissance et leurs richesses. Alors Jupiter, le dieu des dieux, qui gouverne tout selon la justice, et à qui rien n’est caché, voyant la dépravation de cette race, autrefois si vertueuse, voulut les punir pour les rendre plus sages et plus modérés. » (Platon, Critias, traduction Victor Cousin)
Platon n’est ni le premier, ni le seul à en parler. Le sidhe, continent perdu des Tuahta de Danann pourrait bien être l’atlantide de Platon. Un continent disparu hantait la mémoire des anciens Egyptiens, qui l’appelaient Amenta et le situaient loin vers l’ouest. L’Altantide?
Platon est plus précis. Pour lui, cette île de la taille d’un continent occupait toute la partie centrale de l’océan Atlantique. Ses sommets émergés seraient Madère, les Canaries, les Açores et les Bermudes. La mer des Sargasses se serait formée suite à son engloutissement, à l’emplacement qu’elle occupait avant de s’abîmer au fond de l’océan.
Toutefois, si le continent décrit par Platon avait existé, à l’endroit où il le situe,Où le situe aussi la carte ci-dessus, datée du 18e siècle. c’est à dire en plein Atlantique, les fonds marins en auraient conservé la trace. Or, au centre de l’Atlantique, on ne trouve qu’une dorsale, chaîne sous-marine dont les sommets émergeants sont les Açores et d’autres îles, dont l’Islande. D’origine volcanique, les dorsales sont un élément clé de la tectonique des plaques. Ces montagnes en formation parcourent le fond de tous les océans.
Aux dires des géologues, il n’y a pas de possibilité que la dorsale atlantique ait pu s’entrouvrir pour avaler un continent. Pourtant il existe de fortes présomptions que des terres aient été englouties dans l’Atlantique. Ainsi en 1898 « le câble transatlantique d’Irlande à Terre-Neuve se rompit au fond de l’océan par trois mille mètres de fond, à huit cents kilomètres au large des Açores. On envoya immédiatement sur les lieux un navire spécialisé pour remonter le câble et le réparer. C’est alors qu’en draguant le fond pour retrouver le câble, le grappin remonta du fond de la mer un échantillon de roche qui n’aurait jamais dû se trouver là. Cette roche était en effet de la tachylite, une sorte de lave vitrifiée qui ne peut se cristalliser qu’à l’air libre mais jamais sous l’eau. Or la tachylite se désintègre dans l’eau de mer en moins de 15.000 ans, donc la montagne sous-marine était émergée il y a moins de 15000 ans. » (source)Maurice Châtelain, A la recherche de nos ancêtres cosmique, Flammarion 1978 Ce volcan est-il une partie de l’Atlantide engloutie ?
Si beaucoup ont mis en doute la parole de Platon, beaucoup d’autres l’ont pris au sérieux. Proclus déclare : « La fameuse Atlantide n’existe plus, mais il n’est guère possible de douter qu’elle existât jadis. » L’historien Strabon écrivait, en se référant aux travaux de Poseidonius : « Il est fort possible que l’histoire concernant l’île d’Atlantide ne relève pas de l’imagination. » S’agissant de localiser le continent disparu, les hypothèses les plus invraisemblables ont été avancées au cours des siècles. La dernière en date situe le continent englouti au ras du détroit de Gibraltar, les colonnes d’Héraklès pour Platon. C’est la thèse du géologue français Jacques Collina-Girard, qui a découvert un haut fond au large du Cap Spartel, juste au débouché du détroit de Gibraltar. Selon lui, ce haut fond était découvert avant la montée des eaux qui a marqué la fin de la dernière glaciation. Il aurait alors formé une île de quatorze kilomètres sur cinq. Trop petit ! Et trop proche des colonnes d’Héraklès.
Bien essayé, mais il faut chercher encore. Pas de malaise, depuis Dogger Bank dans la mer du Nord jusqu’à la mer de Chine, depuis le golfe du Mexique jusqu’à l’île de Pâques, toutes les localisations ont été proposées pour l’Atlantide. Pierre Benoît l’imagine enfouie sous les sables du Sahara. Barjavel la situe sous les glaces du Pôle Sud. Jules Verne et Jacobs la voient au fond des mers, dans une vaste caverne souterraine. Chacun veut apporter sa pierre à l’édifice, tant est fort le mythe d’une civilisation glorieuse.
L’Atlantide n’est pas perdue, elle gît quelque part au fond de notre inconscient collectif où elle semble règner pour toujours. Peut-être parce que c’est arrivé plus d’une fois ? D’où les vestiges, un peu partout, qu’on retrouve sous les flots, les glaces ou les sables : Santorin, Dogger Bank, Massif de l’Atlas, Antarctique, Pays Yoruba, Takla-Makan, golfe du Mexique, océan Indien, Pacifique…
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