Cerveau gauche ou cerveau droit? Raisonnement ou intuition? Logique ou création? Architecte ou poète? Le drame de notre époque est de refuser la moitié de nos cerveaux. Et d’ignorer d’où nous vient vraiment la compréhension. On ne se pose plus les vraies questions. Coincés sur les rails d’une voie unique, les scientifiques n’explorent plus les bonnes pistes. Les chercheurs peinent à trouver l’hypothèse féconde. Il n’en fut pas de même pour Descartes…
La solution est pourtant simple, tous les éminents savants du passé l’ont appliquée dans leurs recherches, et les grandes découvertes ne se sont faites que grâce à elle. La raison n’est pas le bon instrument pour découvrir. Seule l’intuition déclenche l’étincelle. Le raisonnement intervient dans un second temps, pour vérifier, corroborer et mettre en forme.
Je n’ai jamais fait une seule découverte selon le processus de la pensée rationnelle.
Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, le grand Einstein est mon modèle. Sa simplicité, son humilité devraient inspirer tous les paons inféconds, fastidieux découvreurs de leur propre néant. Notre époque glorifie la nullité, le conformisme vain, et en oublie l’essentiel, cette qualité rare qui prélude au génie.
Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don.
René Descartes est un mathématicien, physicien et philosophe français, né le 31 mars 1596 à La Haye-en-Touraine et mort le 11 février 1650 à Stockholm. Il est considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie moderne.
Le plus grand philosophe français n’a pas vécu en France. Il a choisi de s’installer en Hollande. Tiens donc? Et pourquoi ça? Non content de se réfugier en terre batave, Descartes y déménage sans cesse. Avait-il des raisons avouables ou quelque chose à cacher? Il semble bien. Mais il se peut aussi que le philosophe fut en train d’expérimenter par tous ces changements sa fameuse théorie de la création continuée.
C’est en Hollande, dans son poêle selon son expression, qu’il a composé l’œuvre qui l’a rendu célèbre, le Discours de la Méthode. Les pays nordiques sont habitués aux grands froids. Aussi les maisons sont-elles équipées pour assurer un confort maximum aux résidents. Les Hollandais ont imaginé une chambre chaude qu’ils appellent un poêle.
C’est une petite pièce dont les murs, le sol et le plafond sont carrelés de bleu et blanc, dans la précieuse faïence de Delft. Au centre de ladite pièce trône un poêle habillé comme sa cheminée de la même faïence. Ainsi la pièce ne fait qu’un avec son poêle, d’où son nom.
Descartes avait accoutumé d’y passer les journées d’hiver, comme il s’en explique dans l’introduction de son Discours de la Méthode. Le poêle ronronnait tandis que le philosophe en robe de chambre fumait une pipe de la même faïence blanche et bleue. Il pétunait plutôt, tel est l’ancien verbe pour fumer. Ainsi donc le tabac était-il connu dès cette époque? Mais oui.
Le tabac fait partie des plantes américaines dont l’introduction a profondément bouleversé les habitudes de vie des Européens. Christophe Colomb le découvre en 1492, dès son arrivée à San Salvador ; en 1535, l’explorateur Jacques Cartier décrit l’usage du tabac par la population amérindienne de Nouvelle-France. Le géographe André Thévet le ramène du Brésil en 1556, pour le cultiver dans son jardin d’Angoulême. Au 16e siècle, le tabac est reconnu pour ses vertus médicinales, largement controversées au siècle suivant lorsque sa consommation atteint toutes les couches de la société.
Descartes fumait donc son tabac de Hollande. Mais à mon humble avis, il devait y ajouter quelque chose en plus…
La Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ou Vereenigde Oostindische Compagnie, est une compagnie de commerce créée en 1602 par la république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas. Elle fut créée pour arracher au Portugal le monopole du commerce avec les Indes orientales, à savoir l’Asie et l’océan Indien. Dès l’origine de cette compagnie, l’importation des épices et des drogues en constituait déjà le principal fond de commerce. Poivre, piment, mais aussi chanvre indien ou opium, toutes ces marchandises circulaient en Hollande. Et sans doute aussi en France, pays le plus riche et le plus peuplé d’Europe à cette époque.
Descartes se serait habitué à fumer le cannabis, choisissant de s’expatrier pour se trouver plus près de la source. Et comme la plupart des consommateurs actuels, le philosophe serait devenu dealer pour s’en procurer au meilleur prix. Ce qui explique ses déménagements fréquents, un comportement caractéristique des dealers pour échapper à la police.
Ces faits, je ne les ai pas trouvés tout seul. Frédéric Pagès, agrégé de philosophie, a rédigé il y a une vingtaine d’années un curieux petit livre intitulé Descartes et le cannabis. « Pagès est parti enquêter à Amsterdam sur ce mystère. Il a rencontré Tobie, un Français qui tient « un bar à cannabis » dans la capitale hollandaise, où la drogue est en vente libre. Tobie est un admirateur ironique du grand René, et même admirateur cynique du grand philosophe : Tobie soutient mordicus que Descartes a fumé le hasch. Frédéric Pagès enquête ; il vire et volte en Hollande, les Provinces Unies du 17è siècle, rencontre des gens qui se sont intéressés à René, se demande pourquoi Descartes le Tourangeau, a quitté la France avec armes et bagages. » (source)
Si vous êtes friands de ce genre d’anecdotes, ce petit livre n’est plus édité, mais on peut encore se le procurer pour un prix modique.
On comprend mieux ce qui lui a permis sa fameuse découverte: nos sens nous trompent. Il a joué à s’enfumer, il a connu l’exaltation créatrice. C’était sans compter la paranoïa qui s’empare du fumeur de haschich. Le haschich est le nom donné à la résine de cannabis. Il est issu d’une extraction de la résine des fleurs femelles de chanvre indien. Il procure une ivresse qui commence par une douce exaltation, et par suite d’un abus, qui se termine en paranoïa.
Pour pouvoir se persuader du fait que ses sens le trompaient, Descartes a dû fumer un haschich particulier, comme le Bombay Black, mélange puissant coupé à l’opium. Ou bien fumait-il un mélange de sa composition, additionnant quelque autre drogue à son tabac. Quoi qu’il en soit, la fumette lui a tourné la tête. L’euphorie des premières bouffées s’est teinté d’incertitude. Une sensation de flottement s’est emparée de lui.
Peu à peu, l’inquiétude et l’instabilité sensorielle se sont muées en paranoïa. Qui suis-je? Où suis-je? En quel état j’erre? La panique survient, plus rien n’est réel, René ne sait plus à quel saint se vouer. Il doute de sa propre existence.
Le poêle où il se trouvait, une pièce sans fenêtre, a renforcé le sentiment paranoïaque. Totalement déstabilisé, le pauvre garçon n’a trouvé qu’un seul îlot de certitude dans un océan d’incohérence. Timide, la raison pointe le nez. Je pense! s’exclame-t-il. Il s’accroche à cette planche de salut avec l’énergie du désespoir.
Il bondit de joie, tressaille et prend des notes. Cherchant une base solide où asseoir sa pensée, Descartes se lance à corps perdu dans une entreprise de démolition intellectuelle, le doute méthodologique. Avec ce doute rédempteur, Descartes parvient à dégoupiller toutes les infos qui lui parviennent : nos sens nous trompent, nos représentations nous trompent, nos rêves nous trompent, nos femmes nous trompent,Non, je déconne. Désolé. Il fallait lire: « nos jules nous trompent« .
Pour atteindre la vérité, il faut nous défaire de toutes les opinions reçues et reconstruire tout le système de nos connaissances.
Ce en quoi je suis un vrai cartésien, car la vérité est ma proie et pour l’attraper, j’ai dû me défaire de tout le système de mes connaissances.
Rien ne résiste au doute cartésien. Exalté par les vapeurs cannabiques, le philosophe perdu en vient à douter de sa propre existence. Flip total, l’herbe à pétunerVieux mot pour fumer est trop forte en Hollande, notre philosophe perd pied. À la toute fin, René trouve cette terre ferme : « Je pense ! » Il se croit sauvé. « Si je pense, c’est donc que j’existe ! Et si j’existe, tout redevient possible ! » Le voilà re-né.humour
Cogito ergo sum, écrit René Descartes dans son poêle, tout enfumé par le chanvre de Hollande. Je pense donc je suis. A-t-il fallu qu’il se creuse pour nous pondre un si bel œuf ! Bien sûr! s’exclame-t-il. Nos sens nous trompent, le portrait qu’ils nous font de la réalité n’est pas fiable, le réel est un mensonge. Seule ma pensée m’appartient en propre! Elle seule est fiable, quand tout s’écroule autour de moi comme un château des cartes, il n’y que ma pensée à quoi me raccrocher!
Excité par sa trouvaille, il écrit sans se relire un petit bouquin carré, le Discours de la Méthode. Ce discours qu’il voulait œuvre philosophique a fait l’effet d’un brûlot existentiel. Son bouquin narre par le menu la lutte désespérée d’un esprit qui s’ouvre et qui dans le même temps refuse absolument de s’ouvrir. Ce conflit basique et sordide aurait pu rebuter s’il n’était conté avec une certaine élégance, car Descartes a la défonce gracieuse. Aussi un éditeur hollandais prend-il le risque de le sortir sous le manteau.
Et là, stupeur : cet opuscule rencontre aussitôt un succès inexplicable et devient, comble de malchance, la règle à penser de la France pour les quatre siècles suivants… voire plus, car affinités. Voilà pourquoi l’Hexagone est carré. Depuis Descartes, mon pauvre pays de France méprise tout ce qui n’est pas cohérent, logique, tiré au cordeau, bref, bien carré. Au contraire, l’Angleterre a choisi le sensualisme. Privilégiant l’expérience, fuyant les systèmes, la sagesse anglaise Humephilosophe sensualiste anglais l’air du temps, sans se soucier de son costume en Locke.philosophe sensualiste anglais
La différence de point de vue sur le monde saute aux yeux. Prenez le jardin à la française et le jardin anglais. Dans ce dernier, tout imite la nature, tandis que le jardin français n’imite que la géométrie. Tant pis pour l’esprit de finesse, nous nous contentons de la poésie du géomètre. Esprit de finesse ou esprit de géométrie? Ce couple célèbre a été inventé par Pascal, digne héritier du cogito, qui plébiscite l’esprit de géométrie. Descartes est passé par là: à peine plus âgé que Pascal, il est son maître à penser. Et ce n’est que le début.
L’esprit français raisonne, il se tient au-dessus de l’objet de son étude. Il comprend = il prend ensemble. Par contre, l’esprit anglais expérimente et ressent: it understands = il se tient en dessous.
Tandis qu’il élabore en toute hâte le radeau qui lui permettra de rester à flot sur la mer démontée par le hash, René se trompe lourdement. Défonce oblige, il profère une énormité: penser comme preuve de l’être. Faux! Être ne se pense pas. Qui veut être arrête la pensée. Le flux mental fait obstacle à l’éveil, donc nous sépare de l’être. Dommage que René n’ait pas supporté le chanvre batave. C’est « je pense, donc je ne suis pas » qu’il fallait dire.
Oui, bien dommage. Sans le carcan du cartésianisme, l’Europe aurait gagné quatre siècles sur son chemin d’éveil. C’est quand même curieux que tout le monde ait gobé cette énormité sans mot dire.
L’invention majeure de Descartes, le rationalisme, ne fait pas bon ménage avec la métaphysique. « Le rationalisme se définit essentiellement par la croyance à la suprématie de la raison, proclamée comme un véritable « dogme », et impliquant la négation de l’intuition intellectuelle pure, ce qui entraîne logiquement l’exclusion de toute connaissance métaphysique véritable. » (source)René Guénon, Le règne de la quantité
J’habite la demeure du possible. Elle a plus de portes et de fenêtres que la demeure de la raison.
On peut se demander si le rationalisme cartésien n’est pas la forteresse dans laquelle s’est claquemuré l’individualisme. Ce même individualisme dont les excès détestables empoisonnent aujourd’hui tous les aspects de la vie sociale.
Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, pour sa plus grande découverte Descartes l’hyper rationaliste ne s’est pas servi de sa raison. Il a utilisé sa folie. S’il m’entend où qu’il se trouve, qu’il se rende à l’évidence. Son édifice fondé sur le cogito et le doute raisonnable s’est érigé en fait sur la fumée des stupéfiants. Honte à lui. Halte à l’hypocrisie.
Est-il encore temps de renverser la vapeur ? A-t-on les moyens d’y parvenir ? En avons-nous vraiment envie ? Lâcher l’individualisme et le rationalisme, c’est sombrer dans le collectivisme et la folie. Si le diable est dans les détails, il est plus souvent encore dans leur absence. Les généralisations hâtives qui gomment les différences subtiles sont plus diaboliques que le pinaillage.
Combien de fois n’a-t-on pas lu, sous la plume d’un vulgarisateur scientifique ou dans le micro des frères Bogdanoff, ce fameux cri de victoire:
« Chaque jour, la Science recule un peu plus les limites du monde connu. »
« qui, en fait, est exactement le contraire de la vérité : jamais ces limites n’ont été aussi étroites qu’elles le sont par cette prétendue science profane, et jamais le monde ni l’homme ne s’étaient trouvés ainsi rapetissés, au point d’être réduits à de simples unités corporelles, privées, par hypothèse, de la moindre possibilité de communication avec tout autre ordre de réalité ». (source)René Guénon, Le règne de la quantité
Admettre que la vie humaine est gouvernée par la raison, c’est détruire toute possibilité de vie.
Avec la raison, on calcule, on spécule, on mentalise à tout va, on réduit tout ce qui se présente en équation. Par la raison, on est un parfait outil de production. La productivité doit à tout prix éliminer les alternatifs et autres rebelles : artistes, éveillés, voyants, passants et mendiants de lumière. Plus l’avènement du tout rationnel s’accomplira, plus l’ego sociétal se renforcera. Les puissants ne vont pas lâcher le morceau sans combattre.
Tenir bon, s’en foutre, laisser sortir sa lumière, peu à peu le morceau de fromage va disparaître avec les rats. Ainsi l’apollinien a-t-il triomphé du dionysiaque.
Le dionysiaque désigne la cohésion de l’individuel dans le tout de la nature, ou le ‘Un originel’, qui comporte tout ce qui est vaste, erratique, insaisissable, sensitif, inspiré, fougueux, immuable, lié non seulement, selon Nietzsche, à l’origine des civilisations en Asie Centrale et au Moyen-Orient, mais formant également le soubassement de son opposé, l’apollinien, c’est-à-dire ce qui est cadré, stable, ordonné, classique, rationnel, régulé, mesuré, modal, supposé être le propre du génie occidental. (wikipédia)
La faute à Descartes. Mais on vient de voir que le sensualisme anglais échappe à cette malédiction très germanique. Si l’on excepte Friedrich Nietzsche !
Selon lui, cette overdose rationnelle s’origine quelque part en Grèce antique, quand le dionysiaque –ou la démesure de l’hubris– laissa la place à l’apollinien –l’ordre juste, la lumière de la raison. Pour l’occident, ce fut en effet un tournant décisif. Mais pour nous, Français, le vrai coup de grâce, ce fut un mauvais tour des cartes.
La raison, c’est l’intelligence en exercice; l’imagination, c’est l’intelligence en érection.
Une première version de cet article a vu le jour en octobre 2014. Le texte actuel est à 75% inédit.
"J'en ai haussé des femmes ! J'en ai osé des flammes !" (Cahiers Ficelle, idédit)
En 1312, l'empereur du Mali regagne l'Amérique, le continent de ses lointains ancêtres.
Le symbole suggère, l'image montre. Que montre le caducée, arme d'Hermès ?
Ils viennent de la littérature, de la bd, de la pop, de ce qui court,…
Leur mouvement permet la vie, leur ouverture permet la clarté, leur vigueur permet l'éveil.
La richesse de la gnose antique fait ressortir la pauvreté de la pensée unique contemporaine.