Le monde est faux. On le croit fou, il n’est que faux. Inventé puis préfabriqué. La folie est d’y croire. L’univers est une invention. Nous des têtards dans un bocal. Pas la peine d’en faire tout un plat.
L’histoire est maquillée comme une voiture volée. C’est ce que j’ai cru longtemps, mais j’étais en dessous de la vérité. Inventions, roueries, faux-semblants, décors peints, trompe-l’œil, trucages, échafaudages, combinaisons, notre cadre de vie est filmé en caméra cachée. Depuis quelques temps, les caméras ne se cachent même plus. Chacun en porte une en poche.
Un guerrier traite le monde comme un mystère infini, et ce que les gens font comme une folie sans bornes.
On te berne à coup de photos truquées, de savants livres que tu ne liras pas. Seuls les liront les spécialistes, joyeux lurons de simagrée, faussaires assermentés, as de l’autocensure et du penser-correct. Ne t’étonne pas s’ils parlent comme des livres, ce sont des tigres de papier.
Alcool, café, tabac, chocolat, viande, médicaments, les drogues légales ont en commun de faire obstacle à l’éveil, d’obscurcir ce qui est clair, de masquer le fil blanc aux coutures, de truquer la nature, de nous rendre bovins, porcins, crétins et fichus bons à rien. C’est malin. Le fin du fin. Permettre la folie, encourager l’ivresse, attiser le mépris, la bassesse.
De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou. Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c’est la folie qui détient la vérité de la psychologie.
Enfant déjà, j’ai connu l’envers du décor. J’ai scruté les souterrains, sondé les double-fonds, dépassé les lieux communs, tutoyé les sommets, exploré les bas-fonds. Rien ne me rebutait. Je rôde donc je suis. Quoi d’étonnant ? J’étais, me dit-on, éveillé de naissance. Curiosité, mon deuxième prénom. Intensité, ma devise. Jubilation, ma quête et mon dessert.
En grandissant, j’ai arrêté nombre d’excès qui me collaient la peau. Les drogues légales ou non ont quitté ma demeure. Je voulais pouvoir méditer et prier sans gène dans le temple de mon corps. Quand la religion de mes parents a été mise à l’index dans mon for intérieur par les caresses obscènes d’un curé pédophile, je n’ai pas renoncé à la spiritualité pour autant. Jeune homme, j’ai jeté aux orties mes croyances enfantines, et j’ai entrepris le tour du monde des pèlerinages. Toutes les religions m’ont appris à aimer, seule celle de mes parents suscite encore mon dégoût par la faute de ce mauvais prêtre.
J’ai compris que dans chaque croyance, il y a du vrai, du bon, de l’utile. Et en même temps, il y a du vice, de la fausseté, de la fourberie. L’homme est un loup pour l’homme, les dieux ne valent pas mieux. Normal, ils nous ont faits à leur image. Ils sont en nous, me dis-je. Ils nous téléguident. Nos succès sont aidés, nos échecs sont leur œuvre, nos vices sont donc les leurs.
Ils ont fabriqué un monde d’illusion, une sorte de bocal où ils nous ont installés, et ils nous cultivent in vitro, tout en se régalant de nos maladresses. Je crois ça dans les jours de déprime. Oui, ça m’arrive encore. On ne m’a jamais promis un jardin de roses. Alors je me le suis planté moi-même, avec une profusion de rosiers multicolores. Illusoire Eden. Naïveté. Ignorance. Même les roses ont des épines.
En tout cas, les plantes m’aiment, je sais les accueillir quand elles recherchent ma compagnie. Si j’ai besoin d’une herbe qui guérit, inutile d’aller la chercher au loin, elle pousse dans mon jardin. Les plantes viennent d’elles-mêmes à ceux qui les aiment. Elles sont toujours là quand on a besoin d’elles. N’est-ce pas un signe, encore, que ce monde est virtuel ? Inventé pour nous ? Un décor terrible ou magnifique, selon nos besoins, tel est notre jardin.
Notre tâche est de s’élever, non pas jusqu’aux dieux fourbes, mais au plus haut possible, sur les cimes de l’espace, là où les chemins sont les moins fréquentés. La tâche est difficile, mais la récompense est immense. On apprend à vivre, on apprend à mourir. Quand on est mort sept fois à soi-même, quand on a connu les sept vies qui nous sont allouées, on peut partir tranquille, son baluchon sur le dos. On peut courir les routes et les chemins, sans but, sans hâte, sans attente.
Nos sept vies
Sur le chemin buissonnier, les haltes sont nombreuses. Un papillon tantôt te montre le chemin. Un écureuil s’étonne à te voir tôt matin. La vie est un poème, un élan. Une offrande. Il est difficile de vivre, il est si facile d’aimer. Avec l’amour inconditionnel, la vie devient facile à son tour. Les vies, les sept vies auxquelles nous avons droit s’enchaînent à merveille, coulissantes, belles, au rythme de nos sept initiations.
Nos sept vies successives nous apporteront au moins le salaire de l’attente. Nous y découvrirons que ce monde d’illusions est aussi un monde en devenir, un monde à remplir, un souvenir, rien de pire. Il faut s’armer de patience, et se désarmer de ce qui pèse. Nos peurs, nos rancunes, nos haines, y compris celle de nous-mêmes. Se déshabiller des hardes sales que la vie organique a drapé sans soin sur nos corps de lumière.
Ton âme éternelle est la porte de l’Esprit qui règne sur le Grand Tout. Ton âme est ta maison, ton refuge. Irrésistible, offerte, elle est la plus solide de tes sept enveloppes. Inutile de t’en soucier, c’est le contraire qui se passe. L’âme a la charge de l’être, l’être ne peut rien contre elle. Nul ne peut vendre son âme à quiconque, pour la bonne raison que nul ne la possède. Sois heureux de vivre auprès d’elle et montre-lui toute ta reconnaissance.
Je n’ai pas fini de rendre grâces à je ne sais qui d’avoir fait de moi je ne sais quoi. Toujours remercier, même si tu ne sais pas qui, l’inconnu reçoit ton cadeau. Remercier même si tu ne sais pas pourquoi. Tu as tant de chance d’être là. Dis merci au Vivant. Le lien d’amour se renforce et ta vie n’en est que plus belle. Tu as peur, tu as mal, et pourtant, je te le dis, tout serait si facile sans les mauvaises pensées qui t’encombrent la tête et le stress incessant qui obstrue le chemin subtil de la kundalini.
Nous sommes voués à l’éveil. Notre lot est divin, mais nous ne le savons pas. Nous l’avons su, dans notre petite enfance. Nous étions nus, fragiles, et tout emplis d’amour. Nous étions reliés au grand tout, et le grand tout nous portait dans le creux de sa main. Ce monde-là n’est pas en carton. Cette vie-là n’est pas une illusion. Elle s’écoule aussi bien vers le passé que vers demain. L’instant est hors du temps. L’éternité est cachée dedans.
Son secret ? Renoncer à ce qui s’achète, cultiver tout ce qui se donne. Le don est la seule vraie force. Ce que tu donnes à jamais t’appartient. Un linceul n’a pas de poche. Ne garde pas ce qui se corrompt, ne cultive pas ce qui t’étouffe. La réponse de l’amour face à l’horreur de l’oubli tient toute entière dans ces trois lettres : don.