Un ami m’a posé la question : « Flo, dis-moi comment un guerrier appréhende la politique ? J’ai trouvé aucune réponse là-dessus pour l’instant. » Ce à quoi j’ai répondu : « Dans un monde d’éveillés, l’anarchie est le mode de gestion par défaut, chacun sait ce qui est bon pour lui et pour ceux qui sont autour de lui. »
Ça relève du bon sens, de l’intuition, c’est la communication du cœur, ou mieux encore, la communion avec les autres. Générer de l’entraide sans contrainte ni soumission, mais dans un consensus bienveillant, tout en sachant accepter la part de défi qui nous incombe, voilà selon moi le mieux que le guerrier puisse faire.
Tu ne peux pas être un guerrier et « faire de la politique » parce que tu ne peux pas te permettre de décider pour les gens… ni pour les escargots ! Faire des lois c’est être un vampire. Pour une harmonie il faut partir de l’individu. La politique ça part du collectif, ça impose. Ça outrepasse l’individu, ça le noie dans la masse. La politique devrait être au service de l’individu, de tous les individus, et pas au service d’une population ni au profit d’une race ou d’une classe sociale. Collectiviste, populiste, élitiste, elle cesse d’être un outil de progrès social et devient une arme d’oppression. Le nouvel ordre qu’elle impose devient une fin en soi, une chimère que l’on vénère, qui dirige nos vies et pour laquelle on est même prêts à mourir ! Tu as vu Matrix…
L’on ne devrait prendre aucune décision de soi-disant intérêt général si cela doit sacrifier ne serait-ce qu’une vie, ou léser celles et ceux qui n’ont rien demandé. Cessons de faire des choix hâtifs, pour le plus grand nombre, sans cœur ni vision, sans écoute ni patience.
Une petite impatience ruine un grand projet.
Après voilà il y a toujours des Gandhi et des Mandela, des Martin Luther King, oui mais ils ont sacrifié une partie d’eux au profit des autres. Ils ont un truc à défendre, ils ne sont pas libres. Leur engagement les transforme en slogan. Parfois j’imagine qu’il le faut… Pour compenser un trop grand déséquilibre, pour se défendre d’un danger, pour se protéger de pièges nauséabonds.
Un guerrier traite le monde comme un mystère infini, et ce que les gens font comme une folie sans bornes.
Si tu crois à fond en ce que tu fais, en tant que politicien, c’est sur que tu n’œuvres pas pour ta liberté et celles des autres. Tu t’oublies, tu oublies ce qui t’anime : la vie ! Tes décisions seront faussées, tes projets manqueront d’envergure et de chair. Prends le temps d’exister d’abord, simplement, de respirer et d’aimer. D’un seul coup tes lubies te feront rire, tu cesseras d’être un chien enragé – certes dévoué à la plus noble des causes, mais dangereux, sans self-contrôle.
Et puis t’as ceux qui croient vraiment aider, qui croient au système et aux lois. Trop blessés, traumatisés, aveugles, trop fragiles, apeurés ou accro à la sécurité que confère le troupeau. Illusoire, mais sécurité tout de même.
Je me suis réveillé pour voir que tous les autres dormaient encore. Alors je me suis rendormi.
Le troupeau ! Personnellement je peux pas, j’ai trop de respect en moi, en mon âme, le respect des humains libres et éveillés. La politique me sort par les trous de nez. Mais toi, accueille le Mat en toi, prends ton baluchon et va vivre dans le monde. Arrête de moraliser. Arrête de penser pour les autres, surtout pour les opprimés… Tu risques de les opprimer davantage. Aide qui tu veux, mais ne parle pas en leur nom.
J’ai vu bon nombre de gens autour de moi soutenir le système jusque dans ses excès, défendre la nation qui s’en tape allègrement, ou plébisciter le dernier arrêté municipal limite raciste. Quelle liberté ? Quelle égalité ? Quelle fraternité ?
Ces gens-là nous ont dénoncés, pendant le confinement, lorsqu’on allait aux champignons en dehors du couvre-feu. Ils sont prêts à obéir à n’importe quel ordre même inhumain, pourvu qu’on l’ordonne. C’est sur ce terreau que grandit le fascisme et le nazisme. Éveille-toi, mon ami. C’est l’heure. On te vole ton cœur pendant ton sommeil.
Nul ne vient me chercher pour me mettre en cellule à l’heure du couvre-feu. Le jour où ça viendra, je ferai de la résistance, je mettrai le béret du Che Guevaravoir première image et j’irai défendre ma liberté, défendre mes copains et ma famille. En attendant, même si nous ne sommes pas totalement en démocratie, nous sommes encore libres de nos mouvements, libres d’écrire, de chanter et de penser. Jusqu’à quand ?
L’oiseau de la liberté vole en ligne droite et il ne s’arrête jamais.
Je ne juge pas ceux qui partent en manif, ceux qui dirigent des associations de lutte pour les droits. Je m’efforce simplement de vivre ma vie le moins égoïstement possible, sans faire la morale à celles et ceux qui, dans l’ombre, ne demandent rien et prennent leur courage à deux mains pour affronter le quotidien. Ils sont les héros du quotidien, les pénitents de la folie ordinaire. Je travaille pour ceux-là mêmes qui ont fait de leur vie leur combat, et ils me renvoient leur gratitude d’un clin d’œil de l’âme, que je ne réclame pas, et qui me libère de tous les maux.
Je ne veux pas m’inscrire en faux en prenant le micro devant une foule en délire, même pas pour réclamer plus de justice. Je ne peux pas être le soldat d’une guerre illusoire. Je suis un soldat dans la guerre contre mes démons et cela me sied à merveille, crois-moi c’est un travail à temps plein.
Un homme fait son devoir – en dépit des conséquences personnelles, en dépit des obstacles, des dangers et des pressions – et c’est la base de toute morale humaine.
Bienheureux suis-je lorsque ma guerre m’emmène sur le champ de bataille de la jeunesse contre l’establishment, des hippies contre les capitalistes, des anars contre les fachos, j’ai bien souvent plus d’affinités avec ces rebelles : ils connaissent mieux le goût de la liberté, la force des couleurs, et la satisfaction des yeux qui pétillent.
En face, le cœur terni par leur aïeux, par notre civilisation, il y a des victimes et il y a des bourreaux. Parfois ce sont les mêmes. Je les plains, mais je les aime aussi. Comment les haïr sans devenir comme eux, un petit tyran ? Ils m’aident comme je les aide, rien qu’en étant présent.
La politique apparaît quand des humains s’organisent pour vivre ensemble dans la cité : telle est son origine, dans les villages de huttes, les campements de nomades et les cités du néolithique. La politique du début était une bonne chose, pleine d’humanité, suivant les lois de l’amour et du bon sens. On en est si loin aujourd’hui, tellement loin…
Même cette politique de l’âge d’or m’insupporte. Se réunir pour s’organiser, c’est pas très fun, et ça ne sert à rien en ce qui me concerne. Je sais ce que j’ai à faire, je suis sorti du nid. Je suis un sauvage. Un vrai sauvage avec du cœur, des tripes et de l’instinct. Inutile de m’attendre là où je ne peux pas être.
Ma politique c’est agir avec les autres, agir dans le monde, agir pour et contre moi-même. Agir en guerrier, sans attendre de résultat de mon action, mais agir sans me lasser. Encore et toujours. Sans juger, sans me plaindre, c’est très dur. Mais la condamnation et la complainte n’ont pas leur place dans la vie pleine d’un guerrier de lumière.
Ne va pas en manif. Va faire la bise à ta grand mère, apporte-lui des cadeaux. Va à la plage avec ton amour. Dessine, danse et crée, fais de l’art. Sinon tu vas sombrer dans le mental, dans le jugement, dans le moralisme, et la politique t’aura comme elle a eu tous ceux qui ont voulu changer le monde.
N’attends pas que le monde change pour être heureux. Change, toi. Tout de suite ! Renonces à tes chimères avant qu’elles ne t’emprisonnent. Ne sois pas de ceux qui comprennent que leur vie s’est enfuie. Ils la voient défiler sous leurs yeux terrifiés. Trop tard ! Quels que soient leurs grands idéaux, ils sont seuls responsables de leur bonheur.
La vie est courte, profites-en tant que tu peux. Cultive l’amour, l’harmonie naît du cœur. Et l’harmonie n’est-elle pas le but de toute bonne politique ? C’est par le cœur que le monde change. Va en paix, je t’aime.
Nous sommes faits de la même matière que les rêves et nos courtes vies sont bordées de sommeil.