« Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithraïste » a écrit Ernest Renan. Ça n’a pas eu lieu hélas. Au lieu d’une religion d’éveil, au lieu d’un culte à mystères, au lieu de la transcendance intérieure, nous avons une religion qui endort, qui fait peur, qui fait mal à coup de péchés, de sermons et d’hypocrisie. Une religion trop humaine : aussi immorale que moralisante.
Aussi vous parlerai-je de celle que nous avons perdue. Contrairement à ce qu’on peut lire sous des plumes autorisées,à déconner ? le mithraisme n’est pas né en orient au 3e siècle de notre ère, mais non, pas du tout. Ce culte est né longtemps avant en Occident. Sa légende, comparable à celle de Jésus, fait partie du fonds traditionnel de la culture bretonne. Dans cette partie de l’hexagone, Mithra s’identifie avec le dieu gaulois que les Romains appelaient Esus. En terre gallo, on l’appelle aussi Ivesus, pour sa parenté avec Yves l’ancêtre de toutes les Bretagnes.
L’origine du Mithraïsme
Le mithraïsme ou culte de Mithra (en persan : مهرپرستی ) est un culte à mystères apparu probablement pendant le IIe siècle av. J.-C. en Perse. Durant les siècles suivants il se propage dans tout l’Empire romain et atteint son apogée durant le IIIe siècle. Ce culte est particulièrement bien reçu et implanté chez les soldats romains.
À la fin du IVe siècle, l’empereur Théodose entreprend d’éradiquer les religions autres que le christianisme. À la suite d’un décret de 391 les temples non-chrétiens sont détruits ou transformés en églises ; ce décret constitue l’arrêt de mort du mithraïsme. (source)
Cette religion à mystères, proche du culte d’Isis, rendait le pouvoir au peuple en rendant chacun éligible à l’éveil. Le christianisme, religion de l’empire, est une religion de l’emprise. Véritable culte de l’empereur régnant, il rend la plèbele peuple opposé à l’élite plus facile à contrôler et garantit la pérennité de l’empire : tout le contraire de l’esprit révolutionnaire de Mithra / Ivesus.
Cumont, auteur d’une étude sur le Mithraïsme, soutient qu’il est venu d’Iran en passant par la Syrie romaine. Mais les autres historiens font chorus contre lui.
Bien que peu de choses puissent être prouvées par le silence, il semble que le manque relatif de preuves archéologiques de la Syrie romaine irait à l’encontre des théories traditionnelles [de Cumont] pour les origines du mithraïsme.
Ce qui pourrait prouver que Cumont avait tort. Pour passer de l’Iran à l’ouest, Mithraïsme aurait dû être forte à un stade intermédiaire en Syrie, mais ne l’était pas, de sorte que l’hypothèse est fausse. La raison est, au moins en partie, parce que les autres legs religieux de la Perse, le judaïsme puis le christianisme, étaient plus forts dans le Levant, l’ancienne satrapie persane d’Abarnahara qui comprenait l’état du temple de Yehud. Le judaïsme a été fondé par les Perses comme la « bonne » religion des peuples soumis, qui n’est pas directement liée à la religion de l’aristocratie persane, et a ainsi survécu plus facilement, surtout aux confins. Mithraïsme est venu plus directement de la religion des Perses au pouvoir, et a survécu moins facilement la disparition de la noblesse persane en dehors des terres persanes noyau. (source)Uncovering Ancient Stones, Lewis M Hopfe (éd.)
Les sciences de la Vie et de la Nature n’ont de sciences que le nom. Ce sont des chapelles, des sectes, des clans jaloux de leurs prérogatives. On peut juger des divergences notables qui opposent linguistes et historiens sur cette question comme sur mille autres. Une querelle durable oppose les tenants d’une origine persane du mithraisme et ceux qui optent pour une autre possibilité. Je fais résolument partie de ces derniers, mais je vais encore plus loin. Dans plusieurs pages, j’ai montré à quel point la langue et la culture celtique, et plus précisément bretonne, se retrouvent à l’est et au sud du bassin méditerranéen. Je n’y reviendrai pas cette fois.
Mon propos est ici de commenter l’étonnante longévité du bonnet que portait Ivesus Mithra. Et que bien d’autres insurgés ont portés après lui… Je ne vais pas laisser filer la fête nationale sans vous régaler d’une anecdote. Le bonnet rouge des sans-culottes, le bonnet pointu des révolutionnaires, c’était le bonnet des esclaves affranchis dans l’empire romain. Et avant, c’était le bonnet de Mithra. Et maintenant, c’est celui des Schtroumpfs… Quel parcours !
Le bonnet phrygien
Le 20 juin 1792, le peuple de Paris envahit les Tuileries. Renversant les gardes et les obstacles, la foule en colère se fraie un chemin jusqu’au roi et lui tend un bonnet phrygien. Louis XVI, surpris, s’en empare et le coiffe.Il a été bien inspiré, car cette coiffe était devenue un symbole de liberté pour le peuple de Paris.
Elle fait fureur chez les sans-culottes dès la prise de la Bastille. C’est une façon pour eux de revendiquer la liberté conquise, car le bonnet phrygien était porté par les esclaves affranchis dans l’Empire romain. Le peuple avait de l’instruction, comme allaient nous le montrer leurs chefs. On peut faire la révolution sans oublier ses lettres.
Instruits ou pas, les gens du peuple portaient volontiers le bonnet rouge. Donc le bonnet phrygien de couleur rouge devint un signe de ralliement révolutionnaire. « Le sceau de l’État sera changé et portera pour type la France sous les traits d’une femme vêtue à l’Antique, debout, tenant de la main droite une pique surmontée du bonnet phrygien. »
Le bonnet de la liberté
Cette femme deviendra Marianne sous la Troisième République et le bonnet phrygien reste encore un des symboles de la France …même si la liberté, liberté chérie n’est plus ce qu’elle était.La nostalgie non plus, disait Simone Signoret
Qui pense encore à Mithra l’oublié en portant son bonnet ? Mithra le portait tout blanc. Comme les Schtroumpfs, soit dit en passant. Sauf le grand Schtroumpf qui l’a rouge. Couleur révolutionnaire par excellence ! Comme quoi la BD est un art initiatique. J’y ai fait carrière pour ça aussi.
Avant de figurer dans le blason révolutionnaire de la France, le Bonnet phrygien fut un emblème de liberté chez divers peuples anciens ou modernes. Il fut porté par de nombreuses tribus de l’Iran ou de la Cappadoce, jusqu’aux Scythes ou aux Sogdes d’Asie centrale. En 1789, un projet d’insigne montrait, entre autres emblèmes, un coq symbole de la France portait ce Bonnet de la liberté.
Pourtant, l’avènement de l’Empire en 1804 affaiblit la représentation de Marianne. Son nom réapparaît un temps sous la 2e République (1848-1852), mais prend un sens négatif à cause du bonnet, considéré comme un symbole de désobéissance. Durant le second Empire (1852-1870), Napoléon III fait remplacer sur les pièces de monnaie et sur les timbres-poste.
Dès le retour de la République, la Commune parisienne développe le culte de la combattante révolutionnaire au buste dénudé qui porte le bonnet phrygien rouge des sans-culotte. Marianne était née. Pourtant à Paris celle-ci n’est jamais appelée Marianne, le nom n’est utilisé que dans les provinces. Dans chaque ville, des statues, des cloches portent ce prénom et rappellent les grandes heures révolutionnaires.
Désobéissance
Voilà pour son bonnet. Mais je n’en ai pas fini avec Mithra. Dorénavant je veux l’appeler Ivésus, son nom breton lui va mieux et me convient davantage. Il rend justice à l’antériorité de la culture celto-viking sur les cultures méditerranéennes, indiscutablement plus récentes.
Ah non, j’ai quelque chose à ajouter sur le bonnet phrygien. On n’a pas toujours voulu l’associer à Marianne car il était vu comme un symbole de désobéissance.
Quelle désobéissance ? Les Schtroumpfs portent un bonnet phrygien. Sont-ils désobéissants ? Pas vraiment, non. Il aurait fallu demander à Peyo, leur auteur, pourquoi il leur a donné ce gracieux couvre-chef. Mais Peyo a emporté son secret dans la tombe.
Peyo, pseudonyme de Pierre Culliford, né le 25 juin 1928 à Schaerbeek (province de Brabant, Belgique) et mort le 24 décembre 1992 à Bruxelles (région de Bruxelles-Capitale), est un auteur belge francophone de bande dessinée, principalement connu pour les séries Les Schtroumpfs, Johan et Pirlouit, Benoît Brisefer, etc.
Ainsi donc
Chacun ses croyances, et les vaches sacrées seront bien gardées. Nous ancêtres ont tout gobé. Ils ont avalé des couleuvres avec l’aisance d’un charmeur de serpents. C’était compter sans le web, sans la diffusion planétaire de tous les textes jadis enfermés dans des bibliothèques strictement protégées par les cabinets du Saint Siège.et non l’inverse
N’oublions pas que jusqu’à l’invention de la typographie vers 1440, tous les écrits étaient recopiés par des moines copistes. Ils enluminaient les parchemins de figures parfois irrévérencieuses, mais ils calligraphiaient scrupuleusement ce que le père abbé leur disait disait d’écrire. Ainsi les omissions, les ajouts et les transformations se sont succédé à travers les siècles. Pendant plus d’un millénaire, le contrôle de l’église catholique a été total.
Une foule d’anecdotes bidons, pleines d’erreurs et d’anachronismes, a été ajouté par les copistes. Que ceci n’empêchent pas les croyants de croire, ni les incrédules de ne pas croire. Je suis mythologue, je porte sur toutes les mythologies un regard critique : est-ce vrai ? Est-ce déformé ? Est-ce exagéré ? Pour quelles raisons ? Mon travail n’a d’autre but que de regarder en face la vérité — si une telle chose existe ! — avec un œil critique et l’esprit débarrassé de tout a-priori. C’est pour cette raison que vous êtes nombreux à me lire. Vous savez que vos convictions vous appartiennent. Elles vous aident à vivre, loin de moi l’idée de les dynamiter, du grec ancien dunamos, qui veut dire ange.
Toutes les croyances sont infiniment respectables, bien que je préfère m’aligner sur l’éternel principe d’incertitude, il est bon de croire sans y croire.