Les chants d’Ivésus

 

Ivésus est le modèle original du saint Yves des Bretons. Dans une antiquité lointaine, à une époque très antérieure à saint Yves, Ivésus ou Yves Ésus fut le saint patron des miracles païens. Il protège encore nos églises romanes par son arbre sacré, l’if, comme à Yvignac-la-Tour, vieille église médiévale puis maçonnique, où le clocher en tour de guet cache un if vénérable qui t’accueille en son cœur.

 

Blanche Bretagne des mystères, des druides et des légendes, antique Bretagne des farfadets, des korrigans, des fées Margot, des fées Morrigane, noire Bretagne des sortilèges où Yann du rivage et les loups des Monts d’Arrée font cortège funèbre au voyageur transis. Tel est le décor envoûtant qui vit naître Ivésus en des temps que la mémoire ignore.

Pourtant bien des lieux en terre bretonne portent son nom sacré. Yvignac, Yffignac, Yffendic, Pontivy, où l’if et le lierre célèbrent enlacés le culte de Yahn l’Ancien, Ivésus l’oublié.

En terre d’Afrique, la religion traditionnelle des Yoroubas a transformé le dieu If en une déesse : Ifa. J’ai déjà évoqué « les seize figures de l’Oracle de Fa, lui-même issu de la très ancienne géomancie. » (source)  L’Oracle de Fa n’évoque pas la note de musique, mais la déesse Fa ou Ifa, une des seize divinités Yoroubas. Fa préside à la voyance et à la divination à travers un rituel qui se pratique encore.

 

La copie et le modèle

Attention, quand je dis que cet Yves est bien antérieur au christianisme, je parle non du saint, mais du dieu. Ne pas confondre la copie et le modèle. La copie est le saint Yves officiel, dont Wikipédiachampion du prêt-à-penser nous dit ceci :

Yves Hélory de Kermartin, ou Yves de Tréguier, ou Erwan Helouri en breton, ou saint Yves dans la tradition catholique, est un prêtre du diocèse de Tréguier, né probablement vers 1253 au manoir de Kermartin à Minihy, dans le Duché de Bretagne, et décédé le 19 mai 1303 au même endroit.

Considéré par l’Église catholique comme ayant consacré sa vie à la justice et aux pauvres, il est canonisé le 19 mai 1347 par le pape Clément VI. Saint Yves est le saint patron de toutes les professions de justice et de droit, notamment celle d’avocat. Il est également saint patron de la Bretagne et fait l’objet d’un grand pardon à l’occasion de la fête de la Saint-Yves tous les ans à Tréguier. On le fête le 19 mai. (source)

Bretagne des mystères, disais-je ? Pour Breton qu’il soit, ce mystère n’en est pas un. Les doublons sont fréquents chez les dieux, chez les héros grecs et les patriarches bibliques. Ils furent des modèles qu’on vénère encore en donnant leur nom aux nouveaux-nés. Parmi les méridionaux qui s’appellent César, aucun n’est général romain. En Amérique latine, Jésus est un prénom répandu. Quelque archéologue du futur confondra-t-il un de ces beaux Jésus avec celui des Évangiles ? Ce Jésus-là ne sera pas fils de Dieu mais il aura au moins existé.

 

 

On l’appelle Ésus. Ou Ive. Comme Ivanhoé / Ive Ahn Oué. Ivésus, c’est Mithra pour l’Orient, à l’est de la Méditerranée, en ces terres lointaines où la présence des anciens Celtes est encore sensible. Ivésus nous a laissé des chants. Des antiennes. Des cantiques. Des psaumes. Des oraisons sans rime ni raison. Quelques-unes ont mystérieusement émergé des limbes de l’esprit universel. Les voici.

 

Chant du Christ Soleil

Soleil puissant, toujours victorieux toi qui fais grandir nos enfants sur tes cinq continents
Notre Père qui es au ciel, dans ton paradis gardé par tes armées célestes

Oh très puissant Soleil Invaincu
Sois béni et mille fois chanté par ton humble disciple,
Moi Ivésus d’Iffendic.

Soleil d’amour tu m’as hissé jusqu’à ton horizon brillant
Tu m’as fait entrer en ta lumière
Sur tes prairies verdoyantes je me suis promené
Dans tes vergers somptueux j’ai goûté les pommes d’or
Les caroubes, les figues barbues, les grenades et les kakis.

Soleil caressant tu nous berces de tes rais qui tout embellissent
Comme les rayons de miel font les délices des abeilles
Tes rayons d’or réchauffent nos cœurs et forcent nos récoltes

Soleil vainqueur, soleil du cœur, que tes vertus soient chantées par un chœur de cent mille vierges
Et d’autant de garçons avant la mue, aux voix d’anges, aux aigus merveilleux.

Je les entends sans cesse
Il n’est de plus belle mélodie qu’honorent d’aussi sublimes voix
Dont le timbre entré dans mon cœur y demeure à jamais.

 

 

Le chant d’Ar Fol

Ivésus
Voici que le temps s’en revient de pleurer le deuil des beaux jours
L’automne après tant d’hivers voici revenu le temps circulaire
Toutes choses prévues sont accomplies
Et tant d’autres aussi
Ne demeure que moi sans âme, sans ami
Ma tête grise et moi jusqu’au temps bercail
Jusqu’au port

Chœur des Érynies
Lourde à qui ne craint que lui
Âpre à qui n’attend nul secours
La Destinée nos trois personnes

 

Ivésus
Voici que j’aime et suis aimé. Jette au loin la colère et l’effroi
La puissance et la croix cerclée protègent notre monde
Et celui d’Alcor et le sort de nos morts
Vienne le doux pardon des tortures subies
De l’injure oubliée des tourments infligés
Défigurant mon cœur d’un sceau d’indignité

Chœur des Érynies
Lourde à qui ne craint que lui
Âpre à qui n’attend nul secours
La Destinée nos trois personnes

 

Ivésus
Voici la fin du conte.
Les loups rôdent autour des maisons
Les chemins creux sont pleins de brume
Liha de la Lune et du Chant
Par la porte des Trépassés revenue sur Terra
Enchante les enfants du Soleil
Nus comme au jour de leur naissance
À renaître comme elle.

Chœur des Érynies
Lourde à qui ne craint que lui
Âpre à qui n’attend nul secours
La Destinée nos trois personnes

 

Chant du Conseil des Fils de Lune

Deviens ton père, deviens ta mère
Deviens ton fils et ta fille
Sois ta famille
Deviens ton clan à toi tout seul
Du vieux toi fais ton deuil
Le nouveau s’apprête à naître
Le nouveau maître en toi chez lui
Tu obéis

Humain Conseil des Fils de Lune
N’attendez de moi grâce aucune
Vous payerez jusqu’au centime
Toute exaction, délit ou crime
Commis en connaissant la cause
Au pays de Gens et des Choses

 

Papa tu es si vieux ridé il faut voir comme
À trop aimer les dieux tu n’en es pas moins homme

 

 

Chant des Rives

Oh sur la berge ai-je erré si longtemps
Que ne puis entendre le chant
De l’onde entraînée par son courant
De la vie entraînée par ses amants
Du chemin qu’on prend
Des saisons de givre et de vent
Des années profondes

Ces instants qui souvent
Éveille en mon cœur qui gronde
Souvenirs d’avant
La mort totale avant la fin des mondes
Avant qu’il soit trop tard
Quand tout pouvait encore durer
Un an, un siècle étiré par
L’énergie du désespoir
Le dur désir doré
De perdurer
Jusqu’à l’orée
D’un nouveau jour

Puisse-t-il alors durer toujours
Permis de séjour
Pour le jour du secours          
Comme un dernier recours
Le jour de ton retour.

La nuit nous damne
Perdues nos âmes
Au lever de rideau du drame
Nous étions cinq compagnons de misère
Enfants sans mère
Sur le chemin du cimetière
Où nous avions litière

C’est là que dormaient solitaires
Les cinq orphelins les cinq frères
Compagnons solidaires
Dans un décor d’après guerre
La ville à terre.

La boue dans la rivière
Le sang dans la poussière
Sur le Chemin des Dames
Charnier qui clame
Les tueries d’hier
Pleutre ou fier
La mort te prend pareil
À ton réveil.

 

 

Chant du double

Je me cambre sur mes reins
Pour aiguillonner mon courage
Et mobiliser les ressources
De mon énergie vitale.

Je prends mon envol cambré
Sur mes reins d’airain qui poussent
Tout l’édifice vers le haut.

Haut je vole et je survole
Le pays qui m’a vu naître
Le rivage où j’ai grandi.
Mon passé par la fenêtre
D’un sortilège alourdi
Se renouvelle et me vole
Un présent qui ne peut naître
Un futur qu’on m’a prédit.

Je m’installe sur mes jambes
Tandis que mes reins se cambrent
Et qu’une vigueur nouvelle
S’en vient réchauffer mon zèle
Jusqu’à ton foyer modèle

Anne antique et forte reine
Lors nous revienne
La fille et la sœur
Marie au grand cœur
L’œil gris clair, le regard fier
De l’héroïque guerrière
Marianne héritière
Porte en ce grand cœur
Douceur de la grand’ reine

 

 

Fiez-vous aux rêves car en eux est cachée la porte de l’éternité.
Khalil Gibran