Notre civilisation s’essouffle, on le sait. On le voit. On fait quoi ? Devenue planétaire, elle est au bord du gouffre. Je ne suis pas le premier à le dire, ni le dernier. « Notre civilisation » ? Pourquoi notre ? Cette civilisation n’est pas la nôtre. Elle ne s’appartient plus, confisquée par les ânes. Et pourquoi parler de civilisation ? Qui peut se dire civilisé ? Toutes les civilisations sont bâties sur le mensonge.
Vue de l’esprit
L’idée même de civilisation n’est qu’une vue de l’esprit. Une vue très myope. Aveuglement conviendrait mieux. Civilisé, cet étalage de suffisance mensongère ? Ce vice rampant qui ne se cache plus ? Civilisés, tous ces crimes impunis, cette omniprésente grossièreté ? Je ne parle pas de la langue verte, quelle importance ? Les gros mots n’en sont pas. La vraie grossièreté est bien pire. Elle offense le cœur et l’âme, parce qu’elle fait triompher la bassesse.
L’âme de la chair est dans le sang.
La bassesse règne dans tous les cours scolaires plus sûrement que dans la cour de récré. La bassesse d’une cour royale est bien pire que celle de la cour des miracles. Les grands commettent de grands crimes. Les savants monnayent leur ignorance. Mensonges, abjection, vantardise, aveuglement partout. Aussi bien dans les cours d’histoire que dans les cours de religion. Pire encore dans les cours de justice. Injustice au long cours. Sans vergogne, l’institution judiciaire prend sa honte pour honneur. Intolérable intolérance. Simulacres où l’argent fait vertu, où le pouvoir s’innocente et s’absout.
Menteries
L’inexistante civilisation n’en mourra pas. Ni la bassesse, ni la corruption, ni l’injustice ne la perdront: c’est le mensonge qui la tuera. Les mensonges. Société dissociée. Invisible et omniprésent, un stupéfiant tissu de menteries lui sert de socle et de squelette. Civilisation de l’abjection. Dénégation des conventions. Hypocrisie systématique. Systémique. Sismique…
Répétons la Vérité sans cesse car le Mensonge est répandu constamment et par le plus grand nombre : dans la presse et les livres, à l’école et à l’université, partout il exerce son emprise.
Falsification du passé. L’histoire n’est pas écrite par les vainqueurs, mais par les lâches. Quand notre vrai passé sortira du château, tout l’édifice s’écroulera comme un chapeau de cartes. Vue de l’esprit. Vision romantique follement stupide. Croyance fantôme qui tombera d’un coup, dynamitée à la base.
En 2008, je postais le premier article de ce site, les maîtres de la Foudre. La première pierre pour me bâtir une autre histoire. Cette année-là, un coup de canon a ébranlé la finance. La crise des subprimes. C’est déjà loin, je contextualise.
L’argent de nos sous
Les subprimes sont un empilage d’obligations sur des prêts immobiliers. Particulièrement sûr, l’immobilier est une valeur refuge. La COBCommission des Opérations Boursières lui décerne des obligations archi solides, notées AAA. Mais il y a des obligations moins sûres, classées AA, A, BBB, BB et B. Les banques ne gagnent rien avec. Ça les fait ièch. Comment valoriser ces sous-merdes ? Coup de génie : les subprimes. La pile d’obligations est née. Avec les bons élèves en haut de la pile et les mauvaises notes tout en bas, omniprésentes mais invisibles.
Au début les banques y sont allé mollo. Sous les AAA, elles commencent à glisser des AA, puis des A. La note de la pile reste AAA, bravo l’arnaque. Personne ne remarque les merdes de chat sous le tapis. Les banques s’enhardissent, elles glissent du BBB. La cote se maintient. Alors les banques se débarrassent de leurs fonds de poubelles. Carrément. Elles balancent du BB puis du B. D’authentiques merdes de chien.
Un jour, forcément, un trader plus malin que les autres renifle les mauvaises odeurs. Tout l’édifice s’écroule. Les plus grandes banques sont en faillite. Pour sauver le système bancaire international, les états leur donnent notre argent, comme d’hab.
L’argent sale ou pas, on s’en fout partout. Moi comme vous. La finance m’indiffère. C’était juste un exemple. Le signe avant-coureur d’une catastrophe annoncée.
Merde en pile
Cette soi-disant civilisation suit le même modèle. On nous l’a vendue comme indiscutable. Les historiens nous ont garanti des faits AAA qui ne sont que des croyances peu fiables. Plus on remonte dans le passé, plus les croyances sont loin de la vérité. Les conceptions officielles sur la période qui précède l’antiquité sont classées B. De vraies merdes de chien. Ça commence à se remarquer, vu l’odeur. Sapé sur ses bases, l’édifice vacille. Par pans, il s’écroule. Les historiens seront les derniers à l’admettre.
L’histoire enseigne aux historiens comment il faut la falsifier.
Le même constat s’applique à la quasi totalité des sciences humaines – inhumaines, non scientifiques. On trouve du B dans les fondations de l’égyptologie, l’archéologie, l’anthropologie, la sociologie. Idem pour l’étude des civilisations, la géographie, l’astronomie – tributaires de croyances infondées tenues pour sûres. Victime de la pensée dominante, tout ce qui touche au passé est dépassé. Bidon. Brouillon. Feuilles mortes sur les tombes vides.
Arts dits mineurs
Pendant que les spécialistes cultivent leur foi sacrée, des tas d’artistes nous donnent des infos précieuses, infiniment. Les gens sérieux regardent ailleurs. Ces gens-là méprisent les visionnaires.
Un artiste, c’est quelqu’un qui a mal aux autres.
Aucune info ne vient plus du grand art, devenu si petit. Il s’est tué tout seul, vendu au système. Addict au pognon. La peinture spéculative qui vend ses croûtes au prix des subprimes. La sculpture poubelle qui s’y retrouvera bientôt. La musique des princes qui ne leur survivra pas. L’opéra classique qui rafle l’essentiel des subventions culturelles. Tout pour les gros pleins de sous. Rien pour nourrir l’âme du peuple.
Par définition, un artiste se place hors du système. L’art est remise en cause. Le beau dérange. Le joli décore les salons bourges. L’hideux devient spéculation. On verrouille ses mochetés dans des coffres-forts. Le beau ne vit qu’en étant vu, lu, entendu. Il s’épanouit loin des cours, dans les arts nouveaux qu’on dit mineurs.
Au cinéma, George Lucas montre un passé qui sonne juste. C’était avant que le vieil homme ne vende sa Guerre des Étoiles à des faiseurs de merde. Pourtant le ciné tient le coup. Beaucoup de réalisateurs résistent, même à Hollywood. Ils informent et ne déforment pas. Ils diffusent le fruit de leurs entrailles et les puissants les raillent.
La science-fiction, l’heroic-fantasy, puissants vecteurs de vérités cachées, le cinoche et la b-d publient tant de chefs d’œuvres qu’on ne peut les citer tous. Le vieux monde se gausse, les riches haussent les épaules, les snobs haussent les sourcils.
Ils ont tort. La vérité n’est plus la leur. Elle est ailleurs. Elle s’est taillée. Ils devront s’y faire ou s’en faire. Ce passé qui les dépasse vaut mille fois les rengaines de l’école. Les enfants en sont fous. Les moins instruits sont les plus innocents. Les plus clairvoyants. Ils savent déjà et n’ont pas besoin de résister à l’ensaignement.la faute est voulue Quel gain de temps !
Faites de la musique !
Les arts mineurs campent un décor vraiment sympa, qui familiarise le jeune public à d’autres codes, plus utiles que les anciens. J’ai servi toute ma vie ces arts-là. Chanson, contes, cinoche, téloche, bédé. La retraite ne m’a pas stoppé. Je continue ici.
Les arts mineurs génèrent des revenus minimes. Tout ce qui est populaire, la bédé, le rap, la culture pop — aucun ministre de la culture ne s’y est intéressé. À part Jacques Lang, heureuse exception qui confirme la règle: sa fête de la musique s’est mondialisée. Tant mieux. Juste récompense de son ouverture d’esprit.
Lézard mineur, lampe au front, j’ai creusé profond. Dans les souterrains de l’underground, j’ai rencontré des gens fabuleux. Vivants. Vrais. Quelques-uns sont restés mes amis dans ma traversée du désert, je les en remercie – c’est idiot : remercie-t-on pour l’amour ? Pour l’affection ? Pour la chaleur humaine ?
Mais la plupart de ces gens-là sont morts. À mon âge, les survivants se font rares. Un à un, je les vois s’éteindre. Mais qu’ils soient tranquilles : leur œuvre est utile, elle vivra.
Alors, en attendant que tout ce vieux bazar lézardé achève de se répandre en poussière, attrapez casseroles, tamtams, sifflets, kazoos, ocarinas, flûtiaux, harmonicas, crincrins, guimbardes, djembés, tablas, planches à laver — chopez tout ce qui fait du bruit: soufflez, grattez, tapez, dansez. Tant que vous jouerez, l’agonie de ce monde pourri sera moins triste. Sa fin vient, imminente. Elle est là. Aidez-la.
Prémonition : En France, tout finit par des chansons. Que ce proverbe soit valable dans tous les pays. Une fête de la musique tous les jours de l’année.
La stratégie de l’empilage
Des subprimes aux civilisations, et jusqu’à la biologie, l’empilage est très répandu. Tout se passe comme si la nature était paresseuse. Quand le vivant trouve une stratégie qui fonctionne, il s’en sert à toutes les sauces. Voyez la spirale, on la retrouve absolument partout. Hélice des galaxies, de l’ADN, des coquillages, et des toiles de Van Gogh ou de Léonard de Vinci. Fusée d’énergie, mouvement d’incarnation, ressort et rebond, la spirale est d’or: vitale, sacrée, spontanée. Elle est à l’origine de la vie, à l’origine du cosmos, elle sous-tend l’univers. Elle est si universelle que les scientifiques l’ont baptisé : forme spontanée.
« De tout temps, la spirale a été utilisée par l’homme pour symboliser de multiples choses : l’accomplissement, l’élan vital, l’ordre cosmique, le cycle des saisons et divers autres cycles, miroirs de sa racine sacrée. La spirale du jeu de l’oie, ou celle des labyrinthes médiévaux nous rappelle l’importance de vivre dans notre corps les effets bénéfiques de la spirale vitale (…) La danse-spirale est une passe magique, une expérience ineffable qui vise à réveiller l’esprit, donc à guérir le corps, ce corps si mal aimé, ce corps qui sait, et que nous ne savons pas toujours écouter » ai-je écrit en 2012. À cette époque je croyais encore aux formes spontanées…
Spontanéïté ! Création ex nihilo ! Ouvrage de la nature !! De telles absurdités n’existe pas. La nature non plus. C’est une vue de l’esprit. Fourre-tout commode, la nature est le cache-misère qui évite de se poser les vraies questions. C’est la nature qui fait les bébés? Allons donc! Il y a un programme très perfectionné dans notre microbiote. Mais oui, c’est le bide qui gère. Et pas seulement la fabrication des bébés. Tout. Absolument tout.
Les colons du côlon
Et qui dirige le bide ? Une colonie d’aliens qu’il faut observer au microscope. Spectacle hallucinant ! Ils sont comme nous. Exactement pareils.
L’intestin possède son propre microbiote, une communauté d’organismes microscopiques tels que les bactéries, les virus, les champignons et les parasites qui peuplent l’intérieur de notre tube digestif. Le corps compte aussi des microbiotes respiratoire, cutané, urogénital et buccal. Ensemble, ils forment le microbiome humain, qui comprend des milliards de microbiotes vivant sur la surface de notre corps et à l’intérieur de celui-ci.
Essentiel à votre santé, votre microbiome s’apparente à un écosystème miniature, explique Justin Sonnenburg, professeur de microbiologie et d’immunologie à l’école de médecine de l’université de Stanford.
« On peut le comparer à une forêt tropicale microscopique, qui abrite de nombreuses espèces de toutes les formes et tailles, qui forment ensemble ces communautés complexes à différents endroits du corps », décrit-il. (source)
Vertige
Les microbes du microbiome humain sont comme les humains. Les tout-petits peuplent notre côlon ainsi que d’autres organes du corps humains. Et les humains peuplent un des organes d’un gigantesque corps : l’univers. Microbes, virus et bactéries sont-ils nos maîtres ? Pas tout à fait. À leur tour, ils sont colonisés par de plus minuscules pour lesquels ils sont un univers. C’est contenant, contenu. Structure spontanée comme la spirale. Du pareil au même.
Qui nous dit que ça s’arrête là ?
Ce petit jeu se poursuit au-dessus de l’univers et au-dessous de l’humain jusqu’à l’infini dans les deux directions. Que vaut notre univers ? Moins qu’un pet de lapin, soyez-en certain. Et notre fameux multivers n’est qu’un maillon de l’empilage total.
Empilage total: Shakespeare écrivit jadis « Je suis mort, Horace! »Hamlet, acte 5, scène 2 C’était le premier pas. Maintenant nous sommes tous morts.