La fin du Taureau

 

Je suis attaché à Mithra, croyez-moi, par un lien solide qui n’est pas près de lâcher. Il y a quelque temps, j’ai montré les différences qui crucifient le christianisme sur l’autel d’Ésus –ou Ivésus– Mithra. J’ai constaté qu’il a vécu à plusieurs époques, sous différents noms. J’ai cité ses chants. J’ai parlé de son bonnet. Je vais scruter un épisode central de sa légende, le sacrifice du Taureau.

Si le christianisme eut été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eut été mithriaste.

Ernest Renan

 

Quand Mithra sacrifie le Taureau, il date son intervention. Ivésus ne sacrifie pas que l’animal : il met fin du même coup à l’ère astrologique du Taureau, se situant du même coup vers 2000 AEC.Avant l’Ere Commune Ainsi le Taureau laisse place à une ère nouvelle, celle du Bélier, c’est à dire celle de Rama… Qui me hante encore. Je lui ai consacré des dizaines d’articles, il m’en inspirera bien d’autres, je n’en doute pas. Son ère s’est achevée au début de la nôtre, vers l’an 1. Ainsi le Christ Jésus succède au Christ Rama qui succède au Christ Ésus, comme l’ère des Poissons suit l’ère du Bélier qui suit celle du Taureau.

 

Ères astrologiques

On a noté que les ères astrologiques se suivent dans l’ordre inverse de celui des signes astrologiques. En voici la raison :

Une ère astrologique est la période pendant laquelle le point vernal, qui correspond à la position du Soleil à l’équinoxe de printemps, traverse l’une des douze constellations du zodiaque. Du fait de la rotation de l’axe des pôles, le point vernal se déplace lentement, dans le sens inverse à la progression sur l’écliptique des constellations qui ont donné leur nom aux signes zodiacaux.

Nommé précession des équinoxes, ce phénomène a été découvert par l’astronome Hipparque au IIe siècle av. J.-C. En Inde, il est nommé « ayanamsa ».

Une ère dure environ 2 200 ans, soit 22 siècles ou deux millénaires et un cinquième. Pour les astrologues, chacune correspond à une étape majeure de l’histoire humaine. (source)

 

Bouquet d’images

La possibilité de dater les légendes est une chose trop rare, donc très précieuse. Rappelons que l’ère astrologique du Taureau a commencé aux alentours de 4000 AEC. C’est à dire il y a 6000 ans. Ces parages me sont maintenant accessibles, je vois de plus en plus clairement ce qui s’est passé entre le Taureau et le Bélier. Je peux désormais vous en parler.

L’une après l’autre tournent les pages du fabuleux livre d’images que les dieux m’ont donné en partage au jour du grand voyage où l’on va vers le jour. Joie de savoir qu’avant Rama, avant le dieu Bélier, un autre Christ a régné sur le monde. Avant l’ère de Rama que j’ai tant fréquentée, une autre ère sans doute plus belle se révèle. J’y vois. La cécité qui voile encore vos yeux vit ses derniers moments.

 

Bien dire et laisser rire

La chance que vous avez grâce à la chance que j’ai ! De quoi me plaindrai-je ? Je suis né coiffé, j’ai vécu béni, me voici bien-aise et toujours aimé, pourtant je me plains du soir au matin. Mes nerfs me jouent des sarabandes. Souffle irisé des alizés sur mes châteaux branlants. Les tarots s’étalent. Tombez arcanes, j’irai semer sur vos tombes des tombereaux de fleurs des chants venus des champs très alléchants. Stoppés les spasmes. Saqués sarcasmes. Vous ne ferez plus jamais rire les enfants du soleil qui tire et se mire en la mer où gire le navire qui vire lof pour lof. Voix off : cargue grand largue et cap sur le couchant !

Ce qui ne veut rien dire mais n’en dit pas moins pour autant.

Pour négliger mes tourments je me quitte sur le moment et dans mon corps astral d’acier niellé je file aux étoiles je vire aux comètes j’embraque la voile indemne et prophète au gré des éons au fil éternel du temps vagabond l’immobile instant où tout se résume l’hêtre envie l’étang être en vie le tente en vierge allaitant en folle haletante.

Mais n’en parlons plus. Je tiens la fin du Taureau, son début viendra plus tard. Deux mille ans avant. Je monte à rebrousse-temps.

 

 

Bouc est dit mage

Cornes de brume, cornes d’auroch, cornes du diable ou du cocu, corne antenne du chamane, cornes sacrées des prophètes… Grimpe encore, rebrousse le temps plus avant… Plusieurs dieux cornus défraient la chronique mythique. Le Taureau et le Bélier tiennent le dessus du panier. Le Bouc, pauvre de lui, s’est vu relégué au plus noir de la nuit. Le Bouc est Lucifer, ce qui n’est pas rien. Car Lucifer, amis terriens, est Celui par qui vient la Lumière. 

Le Bouc est le diable. Il fut archange super lumineux. Les christs se suivent et se renient. L’élu d’avant est le démon d’après. L’usure des signes, l’obscur des symboles, l’écroulement des croyances… Sans arche, plus d’alliance. La foi aussi a sa date de péremption. Croire sans y croire reste une bouée de sauvetage qui jamais ne m’a fait défaut.

Tous ces démons qui nous aidaient, tous ces vieux dieux qu’on diabolise, tous ces déchus qu’on divinise, tous ces sauveurs qu’on a renié… Ainsi le Bouc n’a pas de signe zodiacal, ni d’orbe astrale. De règne il n’a point eu, les témoins se sont tus, l’homme au bonnet pointu au poteau l’a battu.

 

Ésus Christus

Bonnet pointu, têtard têtu de blanc vêtu, tu t’évertues, panpan tutu, vice ou vertu, qui donc es-tu ? Esu Christu ? D’où le sais-tu ? Le fou s’est tu.

Il s’anime à l’aurore de ce temps. Au creux d’un passé qu’on dirait trop vieux. Au fil d’instants qui fuient, des jeux enfuis, secrets enfouis, ton cœur dit oui, un corps qui jouit, l’aura va du rouge au doré, des yeux stylés, regard ailé qui va filer comme le verre à la canne du souffleur.

Ésus s’anime. Le christ qui fut avant le christ d’avant survient soudain. Il prend le vent. Il prend son temps. Était-il noir ? Était-il blanc ? Il fut roi dans un temps délicat pour les blancs. Les noirs d’ordonner, les blancs d’obéir. Une découverte récente change du tout au tout notre récit du passé. Les premiers Celtes et les premiers Vikings étaient noirs ! Le premier Bouddha était noir, il s’appelait Rama, ou Lama dans la prononciation locale… Dans la même collection, un autre volume qui décoiffe : les guerriers de la protohistoire étaient… des guerrières !

Un de nos jeux préférés, feu Devic et moi-même, était d’imaginer laquelle de nos hypothèses akashiques allait devenir la prochaine découverte sensationnelle de l’archéo-paléo-anthropologie officielle. Le juge arbitre était le prochain numéro de Science et Vie ou de Science et Avenir. Combien de découvertes ont-ils découvertes après nous ? Maintenant que le puits de science et de sapience Devic n’est plus là pour m’aider, je redouble d’efforts et d’incursions astrales pour combler le manque — en vain. Tâche impossible.

 

 

Ésus : libre comme Mithra

« Vous respirez en liberté, vous peuples qui répandez le sang humain sur les autels de Teutatès, de Taranis, et d’Ésus, divinités plus cruelles que la Diane de Tauride ; vous recommencez vos chants, bardes, qui consacrez par des louanges immortelles la mémoire des hommes vaillants frappés dans les combats. Et vous, Druides, vous reprenez vos rites barbares, vos sanglants sacrifices que la guerre avait abolis. » (Lucain, La Pharsale)

Le même Lucain l’assimile au dieu romain Mars — ou à Mercure, il n’est pas trop fixé. On comprend qu’il hésite. On devine qu’il n’en sait rien. Il fournit toutefois une précision intéressante, qui le rapproche du personnage divin de Mithra — si d’aucuns doutent encore de leur identité. Ces deux-là n’en font qu’un.

Pour apaiser l’ire d’Ésus, on suspendait une victime à un arbre « jusqu’à ce que, par suite de l’effusion de son sang, il ait laissé aller ses membres ». C’est précisément le sacrifice qui a coûté la vie à Mithra. Si ces deux-là n’en font pas qu’un, dieu qu’ils se ressemblent !

 

Cherche et tu trouveras

Pour le petit cours que voici d’étymologie en pantoufles, dites merci Wikipédia, le savoir en chocolat.

Le nom d’Ésus est un élément des noms propres gaulois Esunertos (« celui qui a la force d’Ésus») et Esugenos (« né d’Ésus » ou « bien né», équivalent à Eugène en grec ). Selon Joseph Vendryes, le nom « Esugenos » se retrouve en gallois sous la forme d’Owain et en irlandais dans Eogain. On le retrouve en breton, en particulier sous les formes Erwan et Youenn ainsi que sous la forme française Yves, selon le chanoine François Falc’hun. Julius Pokorny ajoute le gallois Ywein, devenu Yvain dans la littérature médiévale française.

Maintenant si tu veux du trapu qui troue le cul, cherche en toi. Demande à l’intérieur ce que tu ne trouves pas en vitrine. Il y a tout en magasin. C’est étudié pour. Creuse. Gratte. Explore. Fais-nous les galeries farfouillettes à toi tout seul.

 

À retenir

Quand Mithra sacrifie le Taureau, il date son intervention. Ivésus ne sacrifie pas que l’animal : il met fin du même coup à l’ère astrologique du Taureau, se situant du même coup vers 2000 AEC.Avant l’Ere Commune Ainsi le Taureau laisse place à une ère nouvelle, celle du Bélier, celle de Ram…

 

 

 

Ainsi donc

Chacun ses croyances, et les vaches sacrées seront bien gardées. Nous ancêtres ont tout gobé. Ils ont avalé des couleuvres avec l’aisance d’un charmeur de serpents. C’était compter sans le web, sans la diffusion planétaire de tous les textes jadis enfermés dans des bibliothèques strictement protégées par le Saint Siège. N’oublions pas que jusqu’à l’invention de la typographie vers 1440, tous les écrits étaient recopiés par des copistes. Des moines, le plus souvent.  Ils recopiaient dans leur couvent ce que le supérieur leur disait de recopier, omettant et ajoutant ce qu’il leur indiquait. Le contrôle de l’église catholique a été quasi total pendant tout ce temps.

Une foule d’anecdotes bidons, pleines d’erreurs et d’anachronismes, a été ajouté par les copistes. Que ceci n’empêchent pas les croyants de croire, ni les incrédules de ne pas croire. Je suis mythologue, je porte sur toutes les mythologies un regard critique : est-ce vrai ? Est-ce déformé ? Est-ce exagéré ? Pour quelles raisons ? Mon travail n’a d’autre but que de regarder en face la vérité — si une telle chose existe ! — avec un œil critique et l’esprit débarrassé de tout a-priori. C’est pour cette raison que vous êtes nombreux à me lire. Vous savez que vos convictions vous appartiennent. Elles vous aident à vivre, loin de moi l’idée de les dynamiter, du grec ancien dunamos, qui veut dire ange.

Toutes les croyances sont infiniment respectables, bien que je préfère m’aligner sur l’éternel principe d’incertitude, il est bon de croire sans y croire.

 

 

 

 

A man gets tied up to the ground Gives the world Its saddest sound.
Paul Simon et Art Garfunkel