Le guerrier de lumière peut se sentir extraordinairement seul et désarmé face à cette immensité là-dehors. Peur sans forme, sans limite, cette frayeur au-delà de toutes les paniques fait la grandeur du voyage astral. Notre vie est un rêve. Ce monde n’est pas réel. N’y voyez qu’une apparence, les peuples premiers le savaient depuis toujours.

 

Le multivers est un mythe. Seul existe l’astral. Ce monde n’est pas réel. La seule façon de vivre cette farce, c’est de croire sans y croire. De vivre en guerrier impeccable qui assume à chaque instant son djihad intérieur. Et qui sait que chaque combat peut être le dernier.

Tu n’as pas d’autres ennemis que ceux que tu as mis toi-même sur ta route.

Lao Surlam

 

Écoute ta mort

Il y a quatre ennemis sur ton chemin, quatre obstacles à dépasser, enseigne le sorcier yaqui. Le premier obstacle est la peur. Je viens de l’évoquer. C’est ton ennemi le plus terrible. Il tue l’Esprit. La peur paralyse. C’est la plus ignorante des conseillères. Si tu as besoin d’un conseil, interroge ta propre mort. Elle est juste derrière ton dos. Elle te suit, ta vie durant, à moins d’un mètre derrière ton épaule gauche.

Ta mort te dira que tu es ici pour un grand voyage à l’intérieur de toi-même. Le tour du monde est une naïveté d’enfant crédule, je suis passé par là. Faire le tour de soi est beaucoup plus difficile. Ta mort te conseillera de vaincre la peur, à commencer par la peur de toi-même. La peur de tes propres pouvoirs. Ta puissance est effrayante, c’est pourquoi, depuis ton enfance, on t’enseigne la peur, la méfiance. On te persuade que l’union fait la force. On te ment.

Avec la meilleure intention du monde, tes parents eux-mêmes t’ont enseigné des contre-vérités. Ta mort te montrera que vaincre ta peur, c’est passer le seuil où commence le Voyage. C’est embarquer dans l’aventure. Vaincre la peur n’est pas une mince affaire.

 

 

Vaincre la peur

« Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. » (source)Frank Herbert, Dune

Voilà ce que dit le guerrier, ce que fait le héros, ce que fuit l’homme ordinaire. Lui fait le contraire. Dans ce monde marchand, les vendeurs de peur font recette. Tout ce qui fait peur fait plaisir aux ados et autres attardés, d’où le succès des morts vivants et des zombies.

Quelle chose étrange ! Dans les sociétés dites primitives, la communauté des adultes enseigne au jeune comment vaincre sa peur. Par cet exploit il devient adulte, c’est à dire courageux, efficace et généreux. Chez nous, tout le monde s’en fout. Tout le monde mouille, trouille et dérouille. La peur est admise, banalisée, on l’accepte et pire, on la cultive. Comme toutes les émotions négatives. C’est même à ça qu’on reconnait le kaliyuga.

Une vie vécue dans la peur est une vie à moitié vécue

Baz Luhrmann

 

La non-pensée

Le système nous pousse à l’irresponsabilité en distillant la peur, la haine et l’égoïsme. On peut penser qu’il est quasi impossible de vivre en guerrier dans une métropole. Trop d’affects, trop de terreurs larvées, trop de détresse sans fond, trop de béton, trop peu de nature, trop peu de ciel, trop peu de vent. On peut aussi ne pas penser du tout. C’est mieux.

Le guerrier n’aura aucun mal à choisir son terrain d’entraînement. Le vivant le choisit pour lui. Où tu te trouves, tu dois te battre. Tes ennemis sont en toi. Où que tu sois, ils y sont aussi.

Pour vaincre la peur, un lit suffit : tout se joue en astral, et que l’habitat soit urbain ou non importe peu. Oui, pourtant il est juste d’entraîner son corps physique. Réflexes. Tonicité. Souplesse. Voilà le seul bouclier qui protègera le guerrier contre son dernier ennemi… voir plus loin. S’efforcer, recommencer, se dépasser, avancer… Un beau jour, à force d’efforts, la peur est vaincue.

Mais l’ego est encore là pour te faire trébucher. Trois ennemis restent à vaincre, et derrière la carapace de ton ego, tu n’as aucune chance d’y parvenir. Voici venir l’ennemi suivant dans une gerbe de lumière qui ressemble à l’illumination.

 

 

Surmonter la clarté

As-tu vu la lumière ? Desserre d’un cran ta ceinture de méditation. Ton ego s’est joué de toi. Suivant ses mauvais conseils, tu es tombé dans la clarté. Carlos Castaneda l’appelle le deuxième ennemi du guerrier.

La peur vaincue, le voyage commence par une espèce de super éveil. La clarté t’a éblouit. Elle est bel et bien le deuxième obstacle que tu dois surmonter. Oui, il te faut vaincre la clarté. Mais déjà tu protestes. L’ego ne lâche pas sa proie…

« Sur le chemin de lumière, n’est-il pas naturel et réjouissant de rencontrer la clarté ? Comment la clarté pourrait-elle être mon ennemi ? Au contraire, j’ai l’impression que mon ennemi est la confusion. »

Bien sûr, la confusion est piégeuse. On le sait tous. Les maléfices de la clarté sont bien plus insidieux. Soudain tu y vois clair, tu as tout compris, tu peux tout expliquer, tu sais tout… Te voilà chiant comme la pluie. La vantardise te rend débile. Au lieu de s’émerveiller devant la pureté de tes raisonnements, au lieu de tomber sous le charme de test arguments, ton auditoire ne voit que ton sale orgueil. La clarté te rend brillant, l’ego ternit cet éclat pour faire de toi un repoussoir.

 

 

 

Y céder, c’est l’horreur. S’enferrer sur cette voie revient à s’enfermer dans une cellule de haute-sécurité où la lumière brille jour et nuit. Et seul, archi-seul parce trop chiant. Comment faire pour ne surtout pas en arriver là ? Se traquer soi-même : accepter la clarté sans se laisser griser. Croire sans y croire. Garder ses distances avec la science admise. Ne s’étonner de rien pour s’émerveiller de tout. Implacable, inaliénable dans le secret du cœur.

Il faut des années pour y parvenir. Beaucoup n’y arrivent pas. Alors, par dépit, ils fondent une secte. La plupart des gourous sont des voyageurs intérieurs arrêtés par le mur de clarté. Ça peut vous rendre dingue, pourtant ce n’est qu’un miroir aux alouettes et le guerrier n’a rien d’un crâne de piaf.

Les anciens nous ont transmis un parfait résumé de ces différentes étapes grâce au chemin du Tarot de Marseille. Les 22 arcanes majeurs décrivent en effet, très précisément, les 22 étapes de toute vie humaine : les 22 arcanes majeurs sont les 22 phases de la construction personnelle, en montée spiralée, de l’extérieur vers l’intérieur.

 

 

Un troisième ennemi émerge ensuite : le pouvoir. Inutile de s’en glorifier, c’est le résultat automatique de la progression intérieure. Le pouvoir personnel se met à rayonner, les gens croient voir un faiseur de miracles. La clé : rester anodin. Des miracles ? La belle affaire ! Nous en sommes tous capables. 

Prendre ? non. Rendre ? oui. Et plus encore.
Dernière chance de sauver notre espèce et notre planète,
inverser l’avarice : chacun doit donner plus qu’il a reçu.

On fait tous des miracles et pas seulement rêvés. Le plus ardu est de l’accepter comme une banalité, tout en gardant l’humilité. Alors plus que jamais se défier de l’ego. Le pouvoir est l’ennemi tout comme la clarté. Il donne une griserie, l’ivresse du pouvoir, à laquelle on a du mal à résister. Quelque soit le pouvoir, elle sévit. Le pouvoir tourne toutes les têtes, surtout lorsqu’il survient trop tôt. Le danger, c’est que l’ego, l’indécrottable moi-je, s’en attribue le mérite. « Telle personne, c’est moi qui l’ai guérie ». Ou bien : « Sans moi, Untel n’en serait pas là ». Et autres conneries du même acabit.

Se répéter tel un mantra : Je ne suis pas le Dieu qui est en moi.  Les Templiers en faisaient leur devise : « Non nobis, domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam »(?)Pas pour nous, Seigneur, pas pour nous, mais pour ton nom donne ta gloire

 

Accepter les pouvoirs sans jamais s’en glorifier. Les regarder affluer avec la même indifférence qu’on les verra partir demain. Car les pouvoirs ne restent pas. La clarté cesse d’être aveuglante. Et le guerrier serein continue sa route vers son dernier ennemi. Il sait qu’il ne pourra le vaincre : le grand âge. Tôt ou tard, l’âge rejoint le guerrier le plus alerte, lui coupe les jambes et les bras, lui ôte l’énergie vitale qui le tenait debout. Cet ennemi terrible, il faut l’apprivoiser, puisqu’on ne peut le vaincre. 

Un jour Castaneda demande à son vieux maître :   « Comment se peut-il que vous soyez plus jeune que moi, Don Juan? – J’ai vaincu ma pensée,dit-il, en ouvrant de grands yeux pour traduire son émerveillement.Je n‘ai pas un esprit qui me dit qu’il est temps pour moi d’être vieux. Je ne respecte pas les engagements que je n’ai pas pris. N’oublie pas ça : pour les sorciers, ce n’est pas une simple formule de dire qu’ils ne respectent pas les engagements qu’ils n’ont pas pris. Les atteintes du grand âge font partie de ces engagements. »  (source)Carlos Castaneda « Les Passes magiques »

La vieillesse n’est pas l’arrêt du combat. L’antichambre de la mort est aussi la porte de la Vie qui vient. La vie qui va… accepte-la. N’aie pas peur, la peur tue l’âme. On peut être vieux très tôt. Il n’y a pas d’âge pour ça. On peut aussi rester jeune, ou même se mettre à rajeunir. Et sans chirurgie plastique. 

 

Dépêche-toi. La vie est courte, et la tâche est vaste.

Please, don’t be long Please don’t belong.

John Lennon et Paul McCartney

 

Xavier Séguin

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