« L’idée serait de tenter pour la deuxième fois de mettre la foudre en bouteille. » La première fois c’est Rama qui l’a fait. Transmettant ses consignes au meilleur des ingénieurs, il a réussi le prodige de confiner sous une forme transportable la toute-puissance de la foudre en boule. Cette fois, il faudrait un pur génie pour réitérer l’exploit. Ce n’est pas moi…
Je ne possède aucune des qualités qui font un Einstein ou un Tesla. Mes dispositions sont tout autre : j’invente. Eux aussi, c’est vrai. Sur ce point nous sommes proches. Mais ils se servent d’outils dont je ne maîtrise pas l’usage : mathématiques, physiques, et autres sciences ancrées dans le côté droit.
Moi, le côté droit, connais pas. Ou si peu… Je suis encore au mondePour combien de temps ? tout en l’ayant déjà quitté. Ces deux puissants génies étaient de ce monde, nous sommes donc différents. J’ai vécu bien des morts lors des vingt-deux vies antérieures que j’ai retrouvées en passant mon arcane XIII. Vingt-deux fois défunt ou défunte, car j’ai habité des corps de femmes et d’hommes, martyre ou sage, sainte ou meurtrier. L’ingénierie n’est pas de ma compétence.
Il y faudrait un pur génie qui ait encore les deux pieds sur cette belle planète bleue. Un homme de ce siècle ou du suivant –qu’importe s’il arrive après mon départ, pourvu qu’il vienne. Voici les instructions que je lui confie. Elles prennent la forme du conte. Mon style préféré quand il mène à dieu. Un dieu sans majuscule s’il n’en faut pas à l’homme créé à son image.
Oui, le ciel fasse que mes contes te mènent à dieu minuscule, ce dieu perso qui dort en toi. Serpent lové dans ton sacrum, il attend ton réveil. Ce dieu patient peut poireauter durant cent mille vies, quelle que soit son envie de te voir évoluer, quel que soit son désir de retrouver son double. Qui est toi. For the mother and child reunion is only a moment away. (écouter)
Le prince Rama survolait un jour l’Océan Pacifique, cap plein sud à bord de son aéronef la Toison d’Or. Rama le Dieu Bélier l’a ainsi nommée car son fuselage est fait dans une matière qui brille comme l’or, bien qu’infiniment plus précieuse. Un métal que les Grecs appelaient l’orichalque. Ses propriétés exceptionnelles de conductivité sélective et de malléabilité à mémoire de forme rendent l’orichalque plus précieux que toutes les matières fabuleuses développées par les Dieux d’Avant.
Quant au mot Toison, il s’explique parce que le vaisseau furtif est revêtu d’une matière souple et confortable comme la toison du Bélier son modèle. Les reflets du soleil sur l’orichalque le parsèment de petits brins bouclés qui évoquent parfaitement la laine soyeuse du bel animal.
Cet engin rapide fait le tour de la Terre en quelques heures, pour peu qu’il gagne une altitude élevé. En vol spatial, il peut aussi rallier la planète vagabonde, Hyperborée Nibiru, le gigantesque vaisseau-mère qui servait de base avancée aux millions de dieux terraformeurs.
Hyper maniable, le jet furtif explorait les canyons, sautait les sommets, planait au ras des steppes, volait même avec les aigles car il se mouvait sans bruit et sans déplacement d’air. La Toison d’Or était le joujou préféré du divin Prince.
En configuration spatiale, elle mesurait plus de trente mètres de longueur pour accueillir une dizaine de passagers. Mais en vol près du sol, elle devenait monoplace avec l’apparence et l’encombrement d’un ULM. La technologie des Dieux d’Avant surpasse la nôtre de plusieurs milliards de coudées.
Mais il restait un point faible dans l’admirable conception de son engin spatial spécial. La conso. L’engin suçait plus de 20 kilotonnes de microzergs (mzg) par mission, et sa capacité de charge n’excédait pas 18 kt / mzg.
Là il s’était ramassé un méchant orage magnétique avec toute une panoplie d’éclairs horizontaux qui avaient déchargé ses batteries. La Toison d’Or ne volait plus que d’une aile quand la côte des Îles Jaunes apparut en visuel.
Rama s’aventurait rarement si loin de tout ravitaillement. Les Îles Antarctiques –qu’on appelle aussi les Îles Jaunes à cause de la couleur grillée des prairies– sont à l’écart des principales routes aériennes. Une mission de routine exigeait sa présence auprès des Cyclopes, derniers descendants de la Race d’Or qui a dirigé cette planète pendant près de deux milliards d’années.
Les Cyclopes du temps de Rama n’étaient que de pâles copies de leurs premiers ancêtres. Ils ont toutefois une taille insensée et leur force est sans limite. Ils soulèvent les montagnes, détournent les fleuves et façonnent à leur gré les paysages. Ils sont les maîtres de la foudre, prodigieux ingénieurs et forgerons surdoués ils façonnent des armes redoutables dans les laves en fusion de leurs forges souterraines.
Ces grands artistes possèdent un savoir accumulé depuis l’origine de leur race. Ils en ont donné le milliardième à Zeus Dieu qui en a fait l’usage qu’on sait. Par la suite Dieu a cédé le milliardième de son milliardième à Google.
Les ultimes avatars de cette race prodigieuse vivent à 50 mètres de profondeur sous les Îles Antarctiques. À l’époque de ce récit, le continent que nous nommons Antarctique était libre de glaces. Il comportait deux îles distinctes. Des oies sauvages survolaient le volcan Erébus et de grands bœufs à poils laineux paissaient dans les hautes herbes jaunes.
Rama aimait beaucoup le spectacle insolite de ces bovidés. Création récente d’un Cyclope féru de génétique appliquée, ces curieux bisons possédaient des cornes spiralées à la façon des béliers, et Ram en était certainement l’inspirateur. Du moins le croyait-il. Quel que soit le niveau atteint par le sage, fut-il divin, un retour d’ego n’est jamais à exclure…
Les Fils des Cyclopes sont les gardiens d’un des principaux accès de la Terre Intérieure et la route directe vers la porte des étoiles qu’on appelle le Cristal Centre. L’entrée du monde interne ressemble à une arche de pierre sculptée telle qu’on peut en voir à Macao, à Bombay, à Mexico ou sur les grands boulevards parisiens. Sa taille, par contre, n’a rien à voir. Conçue par la Première Humanité et pour son usage privilégié, cette arche de pierre ne mesure pas moins de 77 mètres. Cette hauteur permettait le passage d’un Maître Cyclope de 54 mètres juché sur son fidèle Tyrannosaure.
Elle ne montre rien de l’autre côté. Elle semble posée au bord d’un plateau rocailleux, et ce que l’on peut voir sous l’arche ressemble exactement à ce que l’on voit de ce côté-ci. C’est en la franchissant qu’on réalise son erreur. Les lois de l’optique sont fortement perturbées par ce genre d’énergie, si bien que notre malheureux cerveau est contraint de fabriquer illico un leurre qui ressemble à autre chose, bien connu, pas dérangeant.
Telle est la loi de l’habillage des perceptions. En vertu de laquelle on ne peut vraiment être sûr de rien. Tant qu’on n’est pas éveillé, cette grille s’applique à toutes nos perceptions brutes. Eh oui Meister Descartes, nos sens ne nous trompent pas, mais notre cerveau s’y emploie.
Je vous ai déjà raconté ce qu’on peut trouver dans un voyage au centre de la Terre. Rama s’est contenté de descendre une centaine de mètres dans un ascenseur Otis modèle Amenta. J’ai clairement vu tous les détails que je vous livre, mais pour éveillé, ne suis-je encore victime de l’habillage des perceptions ? C’est ce que dirait le vieux Kill Adam. Je n’y puis rien y opposer ni trouver à redire.
En attendant, le dieu bélier a rempli sa mission les deux doigts dans le pif — attends, c’est Rama tout de même ! Il en a profité pour demander un coup de main à l’ingénieur en chef, le baba Kill Adam, un très vieux Cyclope mou des genoux mais encore dur du cigare. Toujours un régal de taper la discute avec un tel savant, jamais le dernier pour la déconne.
Trouver un foutu moyen, rapide et économique, de mettre en bouteille une boule de foudre. Une seule suffira. Elle peut dégager une énergie dix fois supérieure aux besoins de la Toison d’or et ceci à jet continu pendant mille ans. Mais personne ne s’est jamais soucié de capturer cet électron libre d’une intelligence rare, plus facétieux qu’un écureuil et plus prompt que le vif argent.
Voilà ce que Rama attendait du génie inventif de son hôte. Au milieu du front gigantesque, le troisième œil de Kill Adam jetait des éclairs bien proches de la colère. Rama esquissa un geste vers sa ceinture pour activer sa bulle de protection.
Et là le Cyclope hurla d’un rire à exploser le tympan d’une cathédrale. Un éclat de ce foutu rire blessa l’ouïe de Rama avant qu’il ait pu enclencher sa protection totale. Si bien qu’il perçut la suite à travers le brouillard d’un brouhaha lointain où dominaient les battements de son cœur.
Kill Adam le Baba sortit de sa vaste poche une bouteille contenant… une boule de foudre, eh oui, comme je vous le dis. Kill est sujet aux insomnies, il a bricolé ça la nuit dernière, tandis que Ram suait aux commandes de la Toison qui volait sur ses dernières gouttes de mzg.
Ben tiens ! Ram avait oublié que les Cyclopes sont télépathes, les meilleurs, les empereurs, les inventeurs de la télépathie. Pensées, émotions, ressentis, appels au secours, ils captent tout dans l’instant avec une précision folle. Comme toi tu pètes.
Donc Ram est reparti vers le nord, ses batteries regarnies à bloc, avec en sus une fabuleuse bouteille de foudre en boule. Cette inépuisable autonomie lui permit de surprendre plus d’un ennemi et de gagner bien des batailles. Le baba Kill Adam avait mis la foudre en conserve avant même que Rama en ait formulé le désir.
Qaunt aux détails de sa fabrication, voici ce que j’en connais. La bouteille est une boîte constituée de trois métaux dont un super conducteur, l’orichalque. On doit pouvoir le remplacer par l’or. Il y a aussi du cuivre et du mithril, à défaut du mercure d’argent. Une matière transparente isolante ménage des ouvertures par lesquelles jaillit la puissante lumière de la foudre. La boule de foudre transmet son énergie sans contact, sans fil, sans transmission ondulatoire. Mieux que le wifi. Salement propre.
J’ai conscience de demander l’impossible, c’est pourquoi je m’adresse seulement à un génie premier choix, car j’en vois trop qui tirent la tronche. Je comprends bien ce que mes instructions peuvent avoir de lacunaires. Mais la longueur d’onde est complète. J’ai fait revivre du mieux que j’ai pu l’aventure de Rama le Bélier d’Hyperborée sous l’Antarctique, bien loin de son vaisseau-mère en vol stationnaire au-dessus du Pôle Nord. Tous les détails sont réels, sauf habillage involontaire. Ce qui précède constitue ainsi le meilleur préalable à toute recherche de physique électronique.
Vas-y pur génie, trouve-moi ça dard-d’art, mets-y le paquet, pour une fois ton argent servira à quelque chose (écouter Marc Knopfler).
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