Il y a dans l’œuvre de Castaneda un passage extrêmement troublant, le moule de l’homme. J’ai consacré un article à cette question mais je n’en étais pas satisfait. Depuis la lumière m’est venue. Je relis régulièrement les ouvrages de Castaneda, ce qui me donne le recul, donc l’opportunité d’avoir ce genre de flash.
Je reçois ainsi des lueurs de génie qui éclaircissent les points les plus opaques. C’est le cas de cette notion absconse. Le flash arrive. L’intuition m’illumine. Ensuite je n’ai qu’à vérifier en me servant de mon chronoscaphemerci Edgar Jacobs perso, la ligne de temps. Ça aide.
Le guerrier qui voyage sur toute sa ligne de temps est un passe-muraille qui nous montre le chemin à suivre.
Génomes divins
J’ai consacré moult pages à expliquer notre origine mi animale, mi divine. Les terraformeurs de cette planète ont conçu et réalisé en labo le génotype de notre espèce. Ceux que j’appelle les dieux d’avant ont utilisé pour ce faire les ressources énormes de leur banque de données génétiques. Dans les soutes d’Hyperborée ils avaient apporté des myriades de génomes, de quoi peupler cent mille planètes sauvages. Et ils façonnés des clones à la chaîne.
Gardez bien ces notions à l’esprit pour aborder la lecture d’une toute autre affaire : la formation d’un guerrier apprenti en sorcellerie yaqui, dans les années 60. L’apprenti est Carlos Castaneda. Le Nagual Don Juan Matus est son benefactor. Dans mon clan, celui du Loup, on dirait un passant. Un être à travers qui on peut passer. Une porte vers l’Ailleurs. Son explication est moins convaincante que d’autres. On sent que pour une fois il ne maîtrise pas son sujet. Ça m’a alerté.
Matrice yaquie
Don Juan Matus explique à son apprenti ce qu’est le moule de l’homme. Il s’agit d’un « modèle d’énergie qui sert à imprimer les qualités de l’humain sur des boules amorphes de matière biologique. » Ce moule ressemble à une matrice gigantesque qui découpe continuellement des êtres humains qui se présentent à elle sur une bande transporteuse destinée à la production de masse. Don Juan mime le procédé « en frappant très fort les paumes de ses mains l’une contre l’autre, comme si la matrice moulait un être humain à chaque fois que les deux moitié qui la composent claquaient l’une sur l’autre. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247
Don Juan poursuit en expliquant que « chaque espèce a son propre moule, et que tous les individus de chaque espèce présentent les caractéristiques identiques, celles leur propre espèce. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247
Selon le Nagual Matus, les anciens voyants et les mystiques ont été capables de voir le moule de l’homme mais pas de comprendre sa nature. Les mystiques nous ont donné, au cours des siècles, des récits émouvants de leurs expériences. Mais leurs beaux récits sont trompeurs. Les mystiques ont cru que le moule de l’homme est un créateur omnipotent et omniscient. » De même les anciens voyants pensent que « le moule de l’homme est un esprit bienveillant, un protecteur de l’homme. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247
Sarcophage
Toute modestie à part, je pense avoir compris ce qui leur avait échappé. Le moule de l’homme existait bel et bien en ces temps reculés où les dieux marchaient parmi les hommes, selon la formule consacrée. Ce moule était une matrice, ou plutôt une ligne de matrices capables de reproduire à la chaîne des tapées d’êtres humains. J’ai expliqué à plusieurs reprises que la reproduction fut génétique et in vitro, limités à quelques types de clones tous pareils. Sortis du même moule, pourrait-on dire.
Cette matrice suivait les contours du corps humain, adoptant la forme d’un sarcophage. Et non la forme rectangulaire d’un cercueil. Les Egyptiens de l’antiquité n’avaient aucun souvenir vécu de ces époques préhistoriques. Cette histoire de reproduction in vitro leur passait sans doute par-dessus la tête. Mais ils en avaient retenu la leçon. Ces machines à donner la vie seraient idéales pour conserver le corps dans l’autre vie. Puisque les dieux d’avant y arrivaient, les Egyptiens ont cru pouvoir les imiter. Ils ont copié la forme de leurs matrices en les baptisant sarcophages. C’est à dire mangeurs de Sarkozy.Non je déconne, excusez.
Les prêtres égyptiens ont constaté que si les viscères n’étaient pas retirées, le corps pourrissait. Ils les ont donc placées dans des vases canopes, afin que même en pièces détachés tout le corps physique soit présent dans le tombeau secret, dissimulé, hermétiquement clos. Ainsi l’élu se préparait-il au grand voyage de l’esprit, errant sans son corps sur cette terre magnifique, ces forêts, ces déserts, ces prairies, ces mers qu’il avait tant aimé de son vivant. Ainsi survivent encore quelques-uns des anciens voyants.
Le déclin aidant, et le sens originel de ces pratiques étant oublié, le clergé des pyramides laisse la place à celui des mastabas qui a rempli les tombeaux de trésors et d’objets usuels. Alors qu’à l’origine seuls les pharaons de statut divin jouissaient de ce privilège. Mais l’essentiel du mystère était perdu, remplacé par des rites vides de sens : objets usuels factices, meubles, nourriture même, soit réelle soit imitée. La symbolique prolifère sur les ruines de la Haute Magie.
Ce qui évoque les pratiques chinoises, les objets en papier et les hell bank notes de Hong-Kong et Macao où j’ai séjourné dans les seventies. Pas de hasard : ces pratiques viennent de la même source. Celle des dieux créateurs, celle des matrices alignées, celle du moule de l’Homme.
Vérif astrale
Sur l’image qui précède, j’ai représenté cette matrice de clonage humain à l’aide de sarcophages. C’est exactement ce que j’ai vu en me rendant sur place, à l’époque en question. Le voyage astral rend de grands services. Pour qui se balade sur la ligne de temps, cette escapade est un jeu d’enfant. Sans déconner, je la ramène, mais c’est bien ce que j’ai vu.
Et j’ai fait tilt.
Des tas d’infos me sont venues du fond du temps ou du présent. Plusieurs films de SF montrent des caissons cryogéniques, chirurgicaux, d’hibernation etc. en forme de sarcophage. Ces batteries de matrices à la forme caractéristique sont gravés dans l’inconscient collectif. Il s’agit de notre origine, après tout. Ou plutôt avant tout… J’ai aussi pensé à ces téléphones factices qui décoraient les sistres égyptiens, imitations manifestes de vrais téléphones qui étaient en usage chez les dieux d’avant. Ici le même processus est en œuvre.
L’outil d’un créateur
N’empêche que le Nagual Matus se goure quand il raille les anciens qui croyaient que « le moule de l’homme est un esprit bienveillant, un protecteur de l’homme. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247 Ce n’est pas le moule de l’homme qui est un esprit bienveillant, mais ceux qui l’ont mis en œuvre, les dieux anciens. La formule qui suit, toujours de lui, est plus heureuse : « le moule de l’homme n’est pas un créateur mais le modèle de tous les attributs humains que nous pouvons concevoir et d’autres que nous ne pouvons même pas imaginer. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247-248
Le moule de l’homme n’est pas un créateur, mais l’outil d’un créateur. Le fait qu’il puisse être « le modèle de tous les attributs humains » évoque parfaitement les vastes ressources de la base de données génétiques dont nous sommes issus.
Modération ? Incrédulité ?
Don Juan ajoute que « les nouveaux voyants sont les seuls qui soient pourvus de la modération nécessaire pour voir le moule de l’homme et en comprendre la nature. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.247
Eh bé non. Loupée la modération. Quoi qu’en pense Juan Matus, les nouveaux voyants n’ont pas compris la vraie nature du moule de l’homme. D’ailleurs ils n’ont pas vraiment d’explication alternative. Don Juan s’égare dans une sorte de symbolique qui lui va mal. Et le lecteur reste sur sa faim. Les nouveaux voyants ne pouvaient pas imaginer la version que je propose. Incrédulité, conformisme, ils ont suivi la ligne de pensée dominante, ce qui n’est pas leur habitude. Ultime ratage, la conclusion du nagual :
« Le moule est notre Dieu parce que nous sommes formés par ce qu’il nous imprime, et non parce qu’il nous a créés à partir du néant et nous a faits à son image et à sa ressemblance. Don Juan me dit qu’à son avis, s’agenouiller en présence du moule pue l’arrogance et l’égocentrisme humain. » (source)Carlos Castaneda, Le Feu du Dedans, Gallimard, p.248
Attends. Si nous sommes formés par ce qu’il nous imprime, n’a-t-il pas barre sur nous ? N’est-il pas notre père, et dans une certaine mesure, notre créateur ? Sauf que personne n’a besoin de s’agenouiller devant une matrice technologique, ni même devant ceux qui l’ont conçue. Adorer les dieux d’avant comme certains le font encore, voilà qui « pue l’arrogance et l’égocentrisme humain. » Mais peuvent-ils s’empêcher de le faire ?