Découverts par hasard dans une grotte, miraculeusement préservés des ravages du temps, les manuscrits de Nag Hammadi contiennent, entre autres merveilles, ce texte majeur :
et en sous-titre :
C’est un texte très inhabituel dans le contexte de Nag Hammadi, car il ne contient rien de chrétien ni de juif. Il ne peut pas non plus être classé parmi les textes gnostiques, dont l’esprit prévalait à l’époque où les manuscrits retrouvés furent écrits, à savoir entre le 4e siècle AECAvant l’ère commune et l’an 60 EC.De l’ère commune Aussi les commentateurs sont-ils perplexes devant ce texte sans équivalent connu. « Dans son contenu, la Foudre (ou le Tonnerre) est virtuellement unique dans le corpus de Nag Hammadi. C’est une révélation faite par un personnage féminin qui n’est pas particulièrement identifiée par ailleurs, à part peut-être dans le titre. » (source)George W. Mac Rae, Introduction à La Foudre, ou Le Tonnerre, in Pr James M. Robinson, Les manuscrits de Nag Hammadi
Je ne suis pas de cet avis. D’après moi, la personne qui parle est clairement identifiée, non seulement par le titre explicite, mais par tous les détails de son discours. S’il y a une seule réticence à identifier ce narrateur, c’est qu’il ne s’agit pas d’un être humain, ni divin. Il s’agit du tonnerre, il s’agit de la foudre. La Foudre, ici, c’est l’éclair qui donne l’éveil, et c’est aussi, sous sa forme divinisée, Isis, la grande déesse des Egyptiens. La Foudre, donc, personnifiée en déesse, va s’adresser à nous dans un texte qui n’a pas été compris par le traducteur, celui du grec en anglais, M. MacRae. Pour pallier ce défaut qui rend le texte incompréhensible, j’en propose la lecture qui suit. J’y ai associé ce qui, à l’époque, était évoqué par les images et les expressions de la Déesse Foudre, la grande Isis des Egyptiens.
« Je suis la Foudre qui rend l’esprit parfait, la puissance m’envoie à ceux qui m’attendent. Ne m’ignorez pas, vous les Grecs, forts de vos nouvelles croyances. Car je suis la première et la dernière, la grande déesse et la plus humble des servantes. Car je suis celle qui est honorée dans la vieille religion, et celle qui est méprisée dans le culte grec. Je suis celle qui est stérile, car l’éveil ne se transmet pas par l’hérédité ; et nombreux sont mes fils, car j’en ai éveillé plus d’un. Vous qui m’avez connu, ignorez-moi, car l’éveil n’est plus à la mode des Grecs. Et vous les Grecs qui m’ignorez, connaissez-moi, recevez de moi votre éveil. Ne soyez pas arrogants avec moi quand je suis bannie de la terre. Quand la vieille religion décline, ne méprisez pas Isis l’esprit parfait.
Je suis la pécheresse quand mon éclair prend la vie, et je suis la sainte quand mon éclair donne l’éveil. Je suis l’épouse quand je m’unis à l’initié, et je suis la vierge car aucun homme ne me possède. Je suis stérile car ceux que j’éveille ne transmettent pas l’éveil à leurs enfants et je suis féconde car nombreux sont ceux à qui j’ai donné la connaissance. Je suis la sage-femme car j’accouche le dieu qui est dans l’homme et je ne donne pas naissance car le mystère de la vie est plus grand que moi.
Je suis la force, celle que je donne à travers mon esprit parfait ; et je suis la peur car mes adeptes redoutent mon baiser. Car autant qu’il peut tuer il peut diviniser.Je suis compatissante quand je donne la lumière de l’esprit parfait et je suis cruelle quand je foudroie l’imprudent. Faites attention ! Je suis insensée et je suis sage. Pourquoi tant de haine ? Vous les Grecs, pourquoi me bannir de la table des dieux ? Suis-je une barbare parmi les barbares ? Mais je suis aussi bien la sagesse des Grecs que la science des barbares. Je suis le jugement des Grecs et des barbares. Je suis Isis, mon image est grande en Egypte, et je n’ai pas d’image ailleurs.
Partout maudite, aimée partout, pour eux la Vie, la Mort pour vous. Je suis la Loi chez eux, je suis hors-la-loi chez vous. Je suis celle qui n’observe pas de fête, car je peux tonner tous les jours de l’année. Et je suis celle qui a des fêtes nombreuses, car on me vénère dans de nombreux pays. Je connais les premiers hommes car j’étais pour eux la grande déesse, et ceux d’après me connaissent, car un jour viendra où mon culte sera restauré. Je suis l’esprit de l’homme et le repos de l’âme.
Je suis la connaissance absolue, la science infuse, la mémoire totale. Toute la puissance du monde arrive par ma connaissance. La puissance des anges est issue de ma parole, car ils sont les fils de la foudre. Et je fus la puissance des premiers dieux.Et je suis la puissance des esprits qui se sont unis à moi. Je suis le contrôle car l’éveillé sait se maîtriser lui-même et je suis l’incontrôlable car la toute-puissance de mon éclair dépasse les forces humaines. Écoutez-moi dans la douceur et apprenez de moi la rudesse. Je suis celle qui tonne, jetée à la face de la terre. Je suis l’ouïe qui est à la portée de tous, quand je fais gronder mon tonnerre.
Et je suis la parole qui ne peut être saisie,
quand l’initié se sert de la tierce oreille. »
O Isis, ô foudre qui rend divin, étends ta bénédiction sur les hommes de ce temps. Tu as laissé ton testament dans une prière magique, Foudre, Esprit Parfait. Et pour tous tes bienfaits, pour ton don si bénéfique, pour la force de ta lumière, nous te louons, Isis. Qui es-tu, ô sainte Isis, la mère et la soeur des hommes, la grande déesse, la première et la dernière, toi qu’on a appelé la déesse aux dix mille noms ?
A l’origine, tu es la fille de Geb, dieu de la Terre, et de Nout, déesse de la voûte étoilée. Fille de la terre et du ciel, sous ta forme de foudre, tu fais preuve de ta double origine en unissant tes deux parents dans ton étreinte. Tu es la vraie bienfaitrice des hommes, la mère divine. Contrairement aux autres déesses qui boudaient le séjour terrestre, toi Isis tu as longtemps séjourné parmi les hommes pour leur apprendre à cultiver le blé, à faire la farine et à cuire le pain. Tu leur a enseigné une foule de choses, filer le lin, tisser, tailler, coudre ; pétrir et cuire l’argile.
Avec l’argile, tu as aussi donné la vie, tout comme Prométhée. Epouse d’Osiris, tu auras de lui un fils posthume, Horus, avec qui tu dirigera le monde pendant des millénaires paisibles et lumineux : l’ère atlantéenne. On t’appelle souvent la Déesse Magique et Celle qui Donne la Vie, mais tu es aussi le Baiser de la Mort. Tu as gardé des adorateurs à travers toute la période gréco-romaine, mais ceux-ci ne pouvaient pas toujours exercer librement leur culte, qui a pris de nombreuses apparences pour protéger ses zélateurs.
Pour les Grecs du 4e siècle AEC, l’époque où a été écrit La foudre, ton culte avait beaucoup décliné, tu étais malgré tout une figure aussi connue que le père Noël de nos jours. Chaque aspect de ta légende était familier même aux enfants, l’histoire d’Isis faisant l’objet de comptines et d’oeuvres d’art. Mais l’origine de ton culte vient de l’Egypte, et avant, sans doute, de l’Amenta, cette terre des ancêtres qui se trouvait au-delà des mers, loin vers l’ouest. (source)Albert Slosman, Et Dieu ressuscita à Dendérah
Au quatrième siècle ECDe l’ère commune – ou bien quelques sept siècles plus tard ? – tandis que le christianisme se répandait dans l’Empire Romain, les adorateurs d’Isis fondèrent le culte de la Madonne pour que perdure l’influence d’Isis l’Egyptienne. Une autre secte faisait fureur à cette époque, le culte de Mithra qu’on appellait aussi Sol Invictus. Sous des dehors exotiques assez éloignés de la source égyptienne, cette religion des Fils du Soleil repose sur la même initiation, l’éveil – ou la mort – par la foudre.
A cette époque, la nouvelle religion de Jésus était connue à Rome et bien souvent confondue avec le Mithraïsme auquel elle fit de nombreux emprunts. Il semble qu’à l’origine le Christianisme ait été une religion de l’éveil.
Basé sur le culte païen de l’énergie Sol Invictus qui pratiquait l’éveil par la foudre, le christianisme contient des traces de ce chamanisme originel. La Pentecôte nous montre comment l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe, est descendu sur les apôtres. Jésus n’était plus, avant de partir il leur avait confié une mission : « Allez enseigner toutes les nations et donnez-leur la bonne nouvelle. Quand vous serez chez eux, mangez ce qu’ils mangent et suivez leurs coutumse. Guérissez ceux qui chez eux seront malades. »
Aussi l’Esprit Saint est-il descendu sur eux, qui tremblaient de peur, et quand il fut sur eux, ils ne craignaient plus. Ils se mirent à parler en langues. Ils reçurent le don de guérir toutes maladies. C’est donc bien le récit d’un éveil collectif que la Pentecôte nous raconte. L’éveil était une des composantes essentielle du christianisme premier. C’est pourquoi toutes les autres religions de l’éveil se retrouvent plus ou moins dans le corpus légendaire chrétien.
D’ailleurs, les vieilles images montrant Isis et le petit Horus ont inspiré tous les portraits de la Mère à l’Enfant durant des siècles, y compris ceux de Marie et l’enfant Jésus, bien entendu. Mais après le syncrétisme assez tolérant des Grecs et de Rome, la nouvelle religion chrétienne a jeté la Trinité aux orties. Le christianisme a remplacé Isis, l’esprit parfait féminin des Atlantes et des anciens peuples, par une figure masculine, le Saint Esprit. Ainsi la Trinité Père Mère Fils, Osiris Isis Horus, fut-elle muée en Père Fils Esprit. Machisme, quand tu nous tiens…
Dans la tradition ésotérique, Osiris est identifié à Orion et Isis à Sirius. Est-ce à dire que ces dieux sont originaires de ces lointaines étoiles ? On ne peut exclure cette hypothèse, tant la présence d’Orion et de Sirius est éclatante dans les mythes d’origines très diverses. Amérique Latine avec les pré-Incas et les Olmèques, Afrique avec les Dogons, Moyen-Orient avec Sumer, Asie avec l’Inde, la Chine et le Japon, Europe avec les Tuatha Dé Danaan, le peuple de la Déesse Dana, autre nom d’Isis.
Ô Isis, ô sainte mère, fais pleuvoir sur nous ton éclat bienfaisant !
C’est une force que les forts qui ne l’ont pas appellent faiblesse, une sagesse que les sages qui ne l’ont pas appellent folie, une lumière que les aveugles qui ne l’ont pas appellent obscurité.
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