Le secret de Jésus

 

« Je ne viens pas apporter la paix mais la guerre, a dit Jésus. J’ai jeté le feu sur le monde et j’attiserai jusqu’à l’embrasement. » (source)évangile de Thomas Et c’est maintenant. Les flammes du christ incendiaire commencent à nous roustir le poil. Le réchauffement climatique, ne cherchez plus, c’est signé.

 

Trève de vanne

Pour les chrétiens, et peut-être aussi pour les autres, Jésus est le visage de l’amour inconditionnel, l’image du Relié qui relie les autres par la puissance de son propre lien, ou celui qui délie. Pour eux, son existence historique est anecdotique.  Son corps physique n’a pas plus d’importance, même si le mystère de son visage reste assez troublant. On se souvient des péripéties invraisemblables concernant le suaire de Turin : est-il authentique ? bidonné ? Le fakecontrefaçon, bidonnage ne date pas du web…

La plus grande prudence est recommandée dans un sujet aussi sensible que Jésus. Ici, je ne veux rien faire d’autre qu’interroger l’histoire et le mythe. Avant toute autre spéculation, assurons-nous que l’homme, un certain Yeschoua Bar Yosef, est bien réel. Car il y a un vrai doute.

 

Du mythe à la réalité

Certains historiens, et non des moindres, pensent que Jésus est un héros composite, nourri de multiples influences et de plusieurs prophètes de cette époque. Il y en eut, c’est vrai, un très grand nombre au premier siècle, tout autour de la Méditerranée, et peut-être ailleurs. Un film fou s’en était fait l’écho, La vie de Bryan des Monty Pythons, un régal de British nonsense où toute une ribambelle de « rois des Juifs » sont condamnés ensemble à la crucifixion. On ne prête qu’aux riches… 

La vie de Jésus et son personnage sont si émouvants, si réussis… que certains les ont jugés trop beaux pour être vrais. Bien des séquences de la vie de Jésus sont des remakes de traditions antérieures. Osiris le Christ des Atlantes, ou Prométhée le Christ des Hellènes sont des modèles qui ont pu servir à composer le Christ Jésus, sans compter Enki le Christ de Sumer, Viracocha le Christ des Andes, Manou le Christ des Indes, Constantin le Christ Empereur et beaucoup d’autres. Mais le modèle le plus proche est un christ oriental d’origine Hyperboréenne, Mithra. Alors Jésus, ou plutôt Ieshua n’a pas existé ?

 

 

La thèse de Spinoza

Selon Spinoza ou l’un de ses émules, il s’est même trouvé des papes pour remettre en question la réalité de Jésus. « Boniface VIII disait que l’Evangile, aussi bien que toutes les autres lois, enseignaient plusieurs vérités et plusieurs mensonges. Par exemple, une Trinité, qui est fausse, l’enfantement d’une vierge, qui est impossible, l’incarnation et la transsubstantiation, qui sont ridicules. Je ne crois pas plus, disait-il, en la Vierge qu’en une ânesse, ni en son fils, qu’au poulain d’une ânesse. »  (source)L’esprit de Spinoza, Traité des trois imposteurs : Moïse, Jésus, Mahomet, p.175. Quand au pape Léon X, il est encore plus direct : « Léon X, entrant un jour dans un cabinet où les trésors étaient étalés, s’écria : « Cette fable de Jésus-Christ aide bien à nous enrichir. » (source)L’esprit de Spinoza, Traité des trois imposteurs : Moïse, Jésus, Mahomet, p.176.

 

La thèse mythiste

Il semble que la pseudo « vie de Jésus » soit tout simplement celle de Mithra, transposée en Terre Sainte alors qu’elle s’est déroulée en Hyperborée, puis en Celtie, et enfin en Orient.
 
Wikipédia pratique ouvertement la désinformation, comme d’habitude, en réfutant cette thèse qui reste pourtant vivace, et dont les arguments se sont renforcés ces dernières années. J’y ai pourtant trouvé quelques lignes qui, pour une fois, ne sont pas dans cette ligne révisionniste. Quelques chercheurs pensent, néanmoins, que la question ne peut être tranchée avec les éléments dont on dispose, ou que la question mériterait d’être réexaminée. Pour l’archéologue Yvon Thébert, malgré l’opinion dominante à ce sujet, « la thèse mythiste est souvent récusée un peu trop rapidement, et l’historicité de Jésus n’est pas un problème historique car nous ne disposons d’aucune donnée pour le poser. »
 
L’Américain Robert M. Priceprofesseur de théologie et d’études bibliques au Johnnie Colemon Theological Seminary et rédacteur du journal en ligne Journal of Higher Criticism pense que si on appliquait strictement les diverses méthodes historiques et critiques telles qu’elles sont conçues et pratiquées de nos jours, on aboutirait à un complet agnosticisme en ce qui concerne l’existence historique de Jésus de Nazareth. Didier Fougeras, coordinateur de la Nouvelle Bible Segond, défend l’idée que la question de l’existence historique de Jésus devrait être réexaminée à l’aune des méthodologies et des connaissances actuelles. (source)https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A8se_mythiste
 
 
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La thèse de John Lash

Jésus n’apparaît pas dans les écrits coptes, qu’on appelle plus communément les textes de Nag Hammadi.Voir plus loin C’est ce qu’affirme John Lash, spécialiste des mythologies comparées, érudit et qui connaît le copte.

John Lamb Lash, né en 1945 dans le Maine aux États-Unis, est un auteur américain et un universitaire en mythologie comparée. Décrit comme le véritable successeur du mythologue américain Joseph Campbell, John enseigne la mythologie, le gnosticisme, les mystères pré-chrétiens. Il a voyagé à travers le monde et a vécu au Japon, au Royaume-Uni, en Grèce, en Norvège, en France, en Espagne et en Belgique. (source)

Le point de vue d’un auteur reconnu est de nature à créditer mes recherches. Même s’il n’est pas reconnu partout, John l’AgneauLamb ne Lash rien.

« Dans les textes Gnostiques Coptes, les noms de Jésus et de Christ ne sont jamais écrits en plein mais ils sont indiqués par des codes tels que les lettres IS avec un trait au-dessus. Les érudits remplissent systématiquement les espaces, rendant IS par I(eseo)S, la forme en Grec du nom Hébraïque Yeshua. Ils prennent, en fait, de très grandes libertés littéraires car il n’existe aucune preuve textuelle permettant d’inférer que, dans l’usage qu’en faisaient les Gnostiques, le terme IS indiquait une personne historique portant le nom de Ieseos, Jésus. IS pourrait tout aussi bien être traduit d’une autre façon: I(asiu)S, qui donne le nom Iasius, le “guérisseur”, un titre plutôt qu’un nom commun. Néanmoins, les traducteurs supposent qu’IS indique le Jésus du Nouveau Testament. Les érudits, en bref, ne nous donnent pas la chance de supposer qu’IS puisse indiquer quelque chose d’autre qu’une personne réelle dont l’identité est prédéterminée. »

« Il en est de même pour Christ. Le code pour Christ est XS ou parfois XRS, ce qui pourrait tout aussi bien indiquer Christos ou encore Chrestos. En Copte, cela s’écrit XC, avec un trait au dessus. X est la lettre Grecque Chi et C est la lettre Copte S. Les érudits remplissent XC afin que cela puisse rendre “Christ”, jamais “Christos” malgré que “Christos” soit beaucoup plus cohérent de par la lettre finale S. Lorsque XC apparaît, par exemple, dans l’Apocryphe de Jean, les érudits mettent le Christos Grec entre parenthèses mais traduisent le terme codé par Christ. Ce faisant, ils identifient automatiquement XC avec l’entité bien connue de la théologie de Jean et Paul. C’est encore une fois une liberté littéraire. Si l’on considère tous les écrits Gnostiques qui argumentent contre le rédempteur de Jean et de Paul, cette équivalence est extrêmement douteuse. » (source)

 

 

Nazareth ? connais pas

De nombreux textes semblent attester sa réalité, mais ils sont douteux. Bible, évangiles, actes des apôtres, épîtres, tous ces textes sont en effet de parti-pris, copiés par des moines qui œuvraient pour une cause. Ils ont enluminé leur copie de faits merveilleux empruntés à d’autres traditions. Les premiers moines ont ainsi façonné trait par trait le personnage composite que les églises nous présentent aujourd’hui sous le nom de Jésus de Nazareth. Déjà, première erreur historique. On sait depuis peu que la ville de Nazareth n’existait pas encore en l’an 1. Mais les copistes médiévaux, eux, l’ignoraient…

En fait, le premier conte de Noël est formel, Jésus n’est pas né à Nazareth, mais à Bethléem, dans une étable. Pour cause de recensement, ses parents ont dû se rendre dans leur ville natale. En chemin, ils se sont arrêtés à Bethléem pour y passer la nuit, mais l’hôtel était complet, rien d’étonnant, toute la Judée était sur les routes. La fable paraît crédible. Sauf qu’elle reste une pure fable : les méticuleuses archives romaines n’ont pas trace du moindre recensement dans ces années-là… Mais ça, les copistes l’ignoraient aussi. Encore un détail qui cloche, et un nouveau coup de canif dans le mythe.

Pire, les archives romaines ne mentionnent pas non plus la mise à mort d’un dénommé Ieshua bar Iosef, puisque tel était l’état civil de Jésus. Pour certains théologiens, cette histoire repose sur une erreur de traduction. Encore une ! Ieshua n’était pas Nazaréen, il appartenait à la secte des Nazoréens, gnostiques purs et durs, sous la guidance d’un certain Iacoub, Saint Jacques, frère aîné de Ieshua. Attendez… il était fils d’une vierge et il avait quand même un frère aîné ? Oui, oui, on y reviendra.

Ieshua fils de Iosef frère de Iacoub. Que de I, mes amis. Pratique pour les mouchoirs brodés aux initiales, tout le monde s’en sert.

 

Nag Hammadi

Où en étions-nous ? Oui, Jésus le Nazoréen. Excellente, celle-ci ! Quelle trouvaille ! L’église une, sainte, catholique et apostolique nous dit à peu près ceci : « Quand les moines copistes ont lus Nazoréen dans la version copte, ils ne connaissaient pas la secte en question. Alors ils ont changé pour Nazaréen, mieux connu. Du coup, ils ont inventé l’histoire du recensement pour justifier la naissance à Bethléem. De toute façon, il fallait que Ieshua ne naisse pas chez lui, pour pouvoir placer la belle image de la crèche et des bergers,  empruntée à une tradition orientale antérieure : l’adoration de l’enfant-dieu par les bergers est purement et simplement décalquée du mithraïsme. Comme bien d’autres épisodes…

Bien que fausse, l’image d’une naissance dans le dénuement est conforme au personnage de Ieshua. Dans l’Évangile de Thomas, on voit la pauvreté de rabbi Ieshua, qui n’a même pas une pierre où reposer la tête. En vérité, il nous le dit « Je viens pour vous révéler un savoir secret. » Voilà la clé de notre salut, ajoutent les gnostiques. Quel savoir ? Question idiote. Si le savoir est secret, on ne sait évidemment pas de quoi il s’agit. D’accord, mais puisqu’il est venu nous le révéler, ce savoir n’est plus secret.

L’évangile de Judas et celui de Thomas ont en commun une qualité précieuse : l’authenticité. Découverts dans les sables du désert, ils n’ont subi qu’un demi siècle de caviardage par le clergé catholique. On ne peut pas en dire autant des évangiles canoniques, qui ont reçu pas mal d’injures au fil des conciles et des fluctuations théologiques. Les textes de Nag Hammadi ont une double fraîcheur, celle de l’origine, et celle, décapante, de la gnose. Il y souffle un parfum de modernité qui ne vient pas seulement de la traduction.

 

Jésus et Bouddha

On y découvre un Rabbi Ieshua fascinant de complexité, qui prend femme, qui boit et qui fume, à l’opposé du petit Jésus rose et bleu flanqué d’angelots fessus et de moutons bêlants. Les gnostiques l’auraient vomi, eux pour qui le monde est infesté par le mal et donc indigne de nos regrets. Le monde, peut-être, mais tous nos chéris qui y sont ? Le point de vue gnostique en rappelle un autre, celui de Çakya Muni dit le Bouddha, ce fils de radja hindou qui a fait le show cinq siècles avant Jésus.

Né avec dans la bouche une cuillère en argent, brillament éduqué, nourri, vêtu, Çakya Muni envoie tout balader pour prendre la route avec son bâton de pèlerin. Sous un figuier, plaf, il se mange l’éveil en pleine tronche : il comprend qu’il a perdu son temps jusqu’alors. Comme les gnostiques, il voit que la vie est une vallée de larmes, un océan de souffrances, il comprend qu’il faut s’en détacher sans regret. Vieille rengaine de toutes les sectes. Par contre, l’histoire du démiurge est plus originale et mérite qu’on s’y attarde.

 

Démiurge, pas Dieu

Pour les gnostiques, notre créateur n’est pas le vrai dieu.  L’homme a été créé par un faux dieu. Un apprenti-sorcier. Un démiurge, comme on dit dans ces cas-là. Est-ce la raison qui fait de cette terre une vallée de larmes ? Le démiurge, est-ce le diable ? Est-il attaché à notre perte, ou pire ? A votre avis ? On bute sur un os théologique. Si le diable nous a fait, il n’est pas le Mal, puisqu’il y a du bon dans l’homme. Si le démiurge n’est pas le diable, qui est-il ? Un sous-dieu ? Un grouillot divin en mal d’indépendance ? Ou tout bêtement un généticien de talent, qui s’est contenté de tripatouiller son ADN pour accoucher d’une créature fragile, à vie brève, si brève qu’il nous a nommé les éphémères.

« Dieu a créé l’homme à son image. » Dans ce cas, Dieu est un homme comme les autres. L’homme est un dieu qui s’ignore. Il n’y a pas de différence de nature entre dieu et l’homme, juste une différence de degré. 

 

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Voilà le véritable secret de Jésus. Voilà sa révélation qui sauve. Voilà pourquoi il se disait fils de l’Homme. Comment Dieu s’est fait homme s’il l’était déjà ? Qu’importe, au fait ?  Jésus savait tout ça, il était gnostique comme son frère Jacques, toutes ces histoires n’avaient pas de secret pour lui. Le livre d’Enoch était son livre de chevet. Comment ? Vous ne saviez pas que Jésus avait un frère ? Il en avait même plusieurs, dont Jacques, qui était le big boss des Nazoréens, une secte gnostique qui groupait des extrémistes purs et durs.

Les Nazoréens voulaient nettoyer un peu les écuries d’Augias du Sanhédrin, le haut-clergé juif acquis à Rome. Dans le livre de chevet de Jésus, le Livre d’Enoch, ce dernier rencontre les démiurges, Elohim, « elles et ils, venus du ciel », qui ont créé l’Adam à leur image. En terre d’Eden. Avec leur ADN.  Eden, Adam, ADN. Et la saga va… Quand Jésus évoque son Père qui est dans les cieux, de qui parle-t-il ? Du démiurge ou du vrai dieu ? Le démiurge n’a créé que la bagnole, pas le pilote.

Le démiurge a fait le corps, en tant que prince de la matière. Mais la lumière de l’esprit existait avant le démiurge. En nous prêtant vie dans un corps biomanipulé, il n’a pu empêcher l’âme éternelle de s’y glisser. Ainsi, dans le mythe de Prométhée, quand il nous façonne dans l’argile, Athéna y met son grain de sel et y ajoute une âme. C’est pourquoi nous sommes de nature divine, bien que créés par un intermédiaire, nous sommes comme lui, reliés à la Source, donc de nature divine. Voilà le secret de Jésus.

Entre Dieu et l’homme, il n’y a pas de différence de nature.
Il y a juste une différence de degré.
Cultive Dieu en Toi.

Dans les Andes va survenir un homme doux et bienveillant. Il soignera les malades, il détournera les hommes des effusions de sang. Son nom  sera Tiki ou Enki. Il montrera aux gens comment se passer de leur bagnole. On n’est pas né pour être pilote, leur dira-t-il. On n’est pas au service de la bagnole. Alors les Andins renonceront à leur corps de chair. Aucun démiurge n’a fait notre âme. Incréé, tel est notre esprit. Éternelle est la lumière. Notre apparence actuelle est contingente, seule demeure la lumière. 

 

 

Ainsi donc

Chacun ses croyances, et les vaches sacrées seront bien gardées. Nos ancêtres ont tout gobé. Ils ont avalé des couleuvres avec l’aisance d’un charmeur de serpents. Pendant des siècles, tous les textes sacrés sont restés enfermés dans des bibliothèques strictement protégées par le Saint Siège. N’oublions pas que jusqu’à l’invention de la typographie vers 1440, tous les écrits étaient recopiés par des copistes. Des moines, le plus souvent.  Ils recopiaient dans leur couvent ce que le supérieur leur disait de recopier, omettant et ajoutant ce qu’il leur indiquait. Le contrôle de l’église catholique a été quasi total pendant de longs siècles.

Une foule d’anecdotes bidons, pleines d’erreurs et d’anachronismes, a été ajouté par les copistes. C’était compter sans le web, sans la diffusion planétaire de tous les textes jadis inaccessibles. Et de rectifier le tir.

Je suis mythologue et philosophe. En ami de la sagesse, je porte sur toutes les mythologies un regard critique : est-ce vrai ? Est-ce déformé ? Est-ce exagéré ? Pour quelles raisons ? Mon travail n’a d’autre but que de regarder en face la vérité — si une telle chose existe ! — avec un œil critique et l’esprit débarrassé de tout a-priori. C’est pour cette raison que vous êtes nombreux à me lire. Vous savez que vos convictions vous appartiennent. Elles vous aident à vivre, loin de moi l’idée de les dynamiter, du grec ancien dunamos, qui veut dire ange.

Que ceci n’empêchent pas les croyants de croire, ni les incrédules de ne pas croire. Toutes les croyances sont infiniment respectables, bien que je préfère m’aligner sur l’éternel principe d’incertitude, choisissant de croire sans y croire.

 

L’affaire Jésus

 

 

L’histoire enseigne aux historiens comment il faut la falsifier. 
Stanislaw Jerzy Lec